Chapitre 3 - Poussière de joie

879 80 12
                                    


« Bel enfant, sombre enfant,
Ma conscience me quittant,
Mon indépendance pour toi grossissant,
Je ne sais où m'emmène le vent. »

Un hâle rosé vient souligner l'horizon. Les ombres des oiseaux dans le ciel flottent comme des bulles de savon. Le soleil se lève lentement, mais sûrement. Les contours des bâtiments se précisent et les couleurs surgissent l'une après  l'autre. Les bleus, les verts, les jaunes se réinstallent convenablement. Baekhyun se hâte de rentrer à l'appartement, il n'a pas mangé depuis deux jours. Il est bien trop maigre, ses clients auront l'impression de le briser s'il continue ainsi.

Ce n'est que lorsqu'il jette un regard dans le réfrigérateur qu'il se rend compte pourquoi il n'a pas mangé. Il claque la porte, il ouvre les tiroirs, les armoires, regardent sur les étagères, mais ne trouve rien de comestible ou susceptible de l'être. Il n'a ni la force ni l'envie de s'aventurer au supermarché. Il s'approche du téléphone fixe, de nombreux messages vocaux ont été laissés. Baekhyun hésite à les écouter. Il appuie sur la première touche. La voix de Minseok résonne aussitôt.

« - Baekhyun... c'est moi, Minseok. Pourquoi tu t'es enfui ? Tu veux me fuir, c'est ça ? Tu en as marre de ma présence ? Baek, ne fais pas ça, tu le regretteras... »

« - Je ne voulais pas te faire peur, je veux seulement un peu plus de temps avec toi... Tu m'en veux ? C'est pour ça que tu es parti ? Reviens sinon tu vas vraiment le regretter... »

Baekhyun n'a pas le courage d'écouter tous les autres messages. Il débranche l'appareil d'un mouvement sec et passe sa main sur son visage fatigué. Il fronce les sourcils et clôt ses paupières lourdes. Il sait pertinemment bien qu'il devra parler avec Minseok tout comme il sait que celui-ci ne l'écoutera jamais.

Il sort une cigarette de sa poche et va se mettre à côté de la seule fenêtre qu'il ouvre en grand avec précaution, ne voulant pas casser la poignée fragile. D'un coup de briquet, il allume sa cigarette et inspire le plus de fumée possible. Son regard vague sur les immeubles gris qui inondent la vue depuis son habitation. Le vent glacial taquine ses cheveux noirs comme jais. Le ciel est au pire de sa forme ; il est gris tournant vers le noir. Il aurait espéré que le soleil ne se laisse pas dominer.
Il sent la bise lui fouetter les joues sans vergogne. Le contraste de chaleur intérieur et du froid extérieur se fait désagréable. Il ne sait vraiment pas ce qui le retient de sauter de cette fenêtre. Pourquoi est-ce lui qui doit endurer tout cela ?

Il s'approche de la structure en métal et s'appuie dessus avec ses coudes. Ses pommettes rougissent à cause du vent. De ses doigts agiles, il fait tournoyer le mégot. Ce serait stupide de se tuer après tout ce qu'il a dû supporter, après tous ces efforts.
De toute manière, il y a aussi des bonnes choses qui lui sont destinées. Il secoue la tête, jette le restant de cigarette fumant par la fenêtre et la ferme.
Et puis, il y a cet homme, celui qui lui a gentiment proposé de venir dans sa bouquinerie. Baekhyun n'est pas du genre à décevoir les gens.
.

.

.

Ce n'est que quand il arrive devant la vitrine qu'il comprend l'heure qu'il est. Le rideau de fer est descendu, la boutique est fermée. Il devrait cesser de se faire de l'espoir.
La rosée du matin le fait frissonner, ainsi que la fraicheur de l'aube. Il s'emmitoufle un peu plus dans son manteau fétiche. Il ignore l'heure exacte, ainsi que l'heure d'ouverture. Il n'aime pas traîner de telle manière, il l'impression de salir la librairie d'une façon indirecte. Mais comme il ne croise personne, il se laisse glisser contre le mur et s'assied au sol, les jambes recroquevillées. Il pose son menton entre ses genoux et baisse le regard sur la pointe de ses chaussures. C'est une paire que Minseok lui avait donnée en échange de ses services.

Journal d'un papillon de nuit [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant