Le réveil sonne, brutal, brisant le peu de sommeil que j'ai réussi à grappiller. Mes paupières sont lourdes, mes muscles ankylosés. J'ai passé une nuit affreuse. Pas à cause de mes cauchemars cette fois, mais à cause de cette dispute avec mes mères. Les mots échappés la veille me reviennent en boucle, comme des échos malveillants qui refusent de se taire. L'air est pesant dans la maison, saturé d'un silence oppressant.
Lorsque je descends dans la cuisine, Sandra et Clara sont déjà à table. La tension est palpable. Le bruit de la cuillère de Sandra frappant contre la porcelaine de son bol de café semble plus fort que d'habitude. Clara, assise en face d'elle, garde le regard baissé, remuant distraitement son thé.
Personne ne parle.
Je m'assieds en face de Maman, me forçant à prendre un morceau de pain, mais l'appétit me manque. La tension me coupe la faim. Sandra ne lève pas les yeux vers moi. Je me sens prise au piège dans cette atmosphère glaciale.
Je finis par me lever sans avoir touché à mon petit-déjeuner. Mamoune me lance un regard doux, comme une main tendue dans cet océan de froid. Mais je n'ai pas la force de l'attraper. Je prends mon sac et sors de la maison sans un mot.
L'air frais du matin me fait l'effet d'une gifle. Il a plu dans la nuit, et l'odeur humide de la terre et du bitume mouillé envahit mes narines. Je marche d'un pas rapide jusqu'à l'arrêt de bus. Ava est déjà là, bras croisés, son sac en bandoulière posé contre ses jambes.
Dès qu'elle me voit, elle fronce les sourcils.
— Rebecca, qu'est-ce qui se passe ?
Je soupire. Inutile d'essayer de lui cacher quoi que ce soit.
— Grosse dispute avec mes mères hier soir.
— À propos de quoi ?
Je lui raconte tout. Chloé, la photo, la confrontation, les hurlements, mon départ précipité dans ma chambre. Ava m'écoute attentivement, son regard s'assombrit.
— T'as bien fait de leur dire. Franchement, elles devaient l'entendre.
Je secoue la tête.
— J'aurais pas dû leur parler comme ça. J'ai vu leurs visages, j'ai vu que je leur faisais du mal. Je voulais pas ça.
Ava pose une main réconfortante sur mon bras.
— Tu crois vraiment qu'elles n'ont pas pris conscience de ce qu'elles t'imposent ? Tu es leur fille, Rebecca. Elles t'aiment. Elles finiront par comprendre.
Je laisse échapper un soupir.
— Je sais pas. J'ai du mal à y croire.
Le bus arrive et nous montons en silence. L'intérieur sent le plastique chauffé et le parfum sucré des élèves entassés. Je pose mon front contre la vitre froide, laissant mes pensées dériver dans le tumulte du moteur qui vrombit.
Le bus nous dépose devant le lycée, et nous descendons en silence. L'air est encore chargé de l'humidité de la nuit, et l'odeur d'herbe coupée se mêle à celle du goudron mouillé. Ava resserre les bretelles de son sac et jette un regard en direction du parking.
Ali et Paul sont déjà là.
Ils sont appuyés contre le capot d'une voiture, discutant à voix basse. Ali gesticule en parlant, son regard vif, tandis que Paul, plus détendu, observe les alentours avec cet air nonchalant qui le caractérise. La scène me frappe. On dirait qu'ils sont devenus... amis ?
Je me demande ce qu'en pensent Lucas et Éric. Eux qui sont toujours collés à Paul, ils doivent bien se poser des questions sur cette nouvelle dynamique. Tout est allé si vite.

VOUS LISEZ
Sous le poids du silence (FR)
Teen FictionRebecca pensait que son passé était derrière elle. Depuis son adoption, ses souvenirs d'enfance restent flous, fragmentés, enterrés sous des années de thérapie. Mais lorsque sa meilleure amie, Ava, lui montre une simple carte de visite d'un centre d...