GENOS - L'aube d'un monde nouveau

Chapitre Huit

J'étais là, allongée sur le pavé humide et froid, regardant partir celui qui m'avait poignardé. Il m'avait trahie, et il avait voulu me tuer, mais je ne l'aimais pas moins. Je l'aimais tout autant, si ce n'est plus. Quelle ironie cruelle.

Il m'avait rejetée. Choisissant Eleanor plutôt que moi. J'étais blessée. Blessée dans mon amour propre et dans ma chair. Mon ventre n'était plus qu'un trou béant duquel pendait mes entrailles, mon sang s'en écoulant, formant une mare autour de mon corps secoué de spasmes. La lame du sabre était toujours logée dans mon abdomen, et le processus de guérison commençait à se réveiller, restituant chaque morceau de mes intestins. Mais ce processus était bloqué par la lame. A chaque fois qu'il arrivait au métal dégoulinant de mon sang, il reculait, m'arrachant des gémissements de douleur. Je savais que si je voulais survivre je devais retirer cette lame pour que la guérison puisse enfin se faire. Mais cette douleur, je commençais à m'y habituer. Presque à l'apprécier.

Quand il avait enfoncé la lame il y était allé délicatement, doucement, comme lorsqu'il m'embrassait. Puis il l'avait tourné et retourné, toujours aussi doucement, en me regardant fixement dans les yeux. Ses yeux. Ses yeux qui avant me semblaient emplis d'amour, m'avaient aujourd'hui semblé emplis de haine. Est-ce que c'était moi qu'il haïssait ?

Je déraisonnais. Si il m'avait poignardé c'est parce qu'il était contrôlé par cette maudite femme. Pas parce qu'il l'avait voulu. Il ne m'aurait jamais fait de mal. Du moins, c'est ce que j'espérais. A cet instant, à cet endroit, il ne me restait plus que ça : l'espoir.

Je repensais alors aux gens de la planque. Ils avaient tant besoin de nous. Nous étions leur espoir à eux. Sans nous, ils savaient qu'ils ne réussiraient pas à mener à bien leur mission. Je me devais de rester en vie. Pour eux.

Je retirais lentement la lame de mon organisme, sentant chaque centimètre qui ressortait, et qui m'arrachait des râles de douleur. Mes joues étaient baignées de larmes, et mes mains trempaient dans mon propre sang. Je jetais au loin le sabre et regardais ma blessure grande ouverte qui commençait à se refermer. Je soupirais et fermais les yeux.

Tu vas t'en sortir, pensais-je. Tu vas t'en sortir Ana.

Centre de direction des opérations du Groupe Genos, lieu tenu secret, 04 Août 2035, 18h07

Eleanor avait demandé à ce que Matthew et Edmund soient amenés au centre, afin de les garder sous sa coupe, et de pouvoir surveiller leurs faits et gestes. Et ils venaient d'arriver. Et les accueillit, sourire aux lèvres, et les prit chacun dans ses bras. Edmund souria plus par politesse qu'autre chose, mais Matthew lui adressa un vrai sourire.

- Je sens que tu as quelque chose à me raconter Matthew ? S'enquit-elle.

- Oh que oui.

Elle le prit par les épaules et s'éloigna, écoutant ce que Matthew avait a lui révéler. Elle eut un sourire satisfait et l'embrassa. Non pas sur la joue non, mais sur la commissure des lèvres. Puis elle se redressa, regardant le jeune homme qui rougissait à vue d'oeil. C'était un bon petit soldat, et tout bon petit soldat mérite d'être encouragé. Eleanor savait très bien comment encourager ce jeune homme et le motiver à lui obéir.

Elle congédia par la suite les deux jeunes hommes qui se retrouvèrent dans l'aire de vie du centre de direction des opérations. Puis elle se dirigea vers le niveau -17, retournant voir numéro sept. Elle n'avait quasiment pas quitté la pièce depuis qu'elle était là. A vrai dire, elle n'arrivait pas à détacher son regard de cet être. Il la fascinait. Et elle voulait le connaître. Pas à travers des images et des plaques épaisses de verre. Elle voulait le connaître en vrai, savoir qui il l'était, voir l'étendue de son pouvoir.