Chapitre 22

438 34 4
                                    

Le roi trépigne d'impatience. D'ici peu, le sang sera versé dans la coupe, comme indiqué, et les choses changeront à jamais. Les humains prendront de  nouveau connaissance de leur existence et les accepteront enfin comme des hommes à part entière. Ils vont comprendre leurs motifs et vont arrêter de polluer les eaux en comprenant tout le mal qu'ils leur font en le faisant. D'après ce qu'il avait lu, il leur sera encré dans leur tête l'idée que les sirènes ont toujours existé pour eux et qu'ils n'ont pas à les craindre. Lui sera acclamé par tous pour avoir réussi un tel exploit et il retrouvera sa couronne donnée de force aux requins qui recherchent le même but qu'eux. Ces derniers devraient apparaitre comme des animaux qu'on chérie et non comme des proies en même temps que leurs souvenirs sur l'existence des sirènes seront modifiés. Tout redeviendra parfait comme dans ses rêves les plus fous. Ils n'auront plus à s'inquiéter de leur avenir ni du destin de leurs enfants. Il n'est pas en train de dire que les humains sont des monstres, mais ils ne croient pas en ce qu'ils ne voient pas. Certains ont la foi, bien sûr, mais l'existence de « créatures surnaturelles », comme ils disent, ne leur a jamais traversé l'esprit comme réelle. Les seuls qui étaient au courant pour eux et qui les ont martyrisés dans le passé sont morts depuis longtemps, emportant tout leur savoir ancien avec eux quand les sirènes avaient décidé de fuir dans les océans. Il y avait eu des chasses aux sirènes et des milliers de royaumes de sirènes avaient été décimés avant qu'ils ne trouvent une solution pour rendre tout ce qui leur appartient invisible aux yeux des humains, ces êtres ayant voulu tuer entièrement leur race et garder des captifs pour des expériences de laboratoire. Quelques sirènes s'étaient prêtées volontaire au départ, mais les tests avaient toujours fini par la mort. Les sirènes avaient pris peur et c'était pourquoi ils s'étaient enfuis dans les mers. Bref, les sirènes ont de bonnes raisons de ne pas s'approcher des humains et d'aller dans le monde des humains que pour des raisons extrêmes. Ceux qui décident de partir vivre là-bas sont rejetés de la communauté. Le roi espère également changer cela.

Le gamin à ses côtés est immobile. Il regarde la coupe tout en haut, l'objet qui serait surement responsable de la fin de sa vie. Il est parfois victime de soubresaut, mais semble se reprendre tout de suite après. Ses yeux sont fixés sur la coupe, comme s'il est hypnotisé, ce qui est peut-être le cas, puisque c'est censé être son destin. Si je l'avais su plus tôt, se dit-il, j'aurais surement profité plus de la vie, de chaque petit moment passé en famille et je serais sorti avec la fille que j'aime secrètement il y a longtemps si elle aussi elle l'avait voulu.

Il détourne finalement le regard pour fixer son roi. Ce dernier évite son regard, comme s'il savait qu'il sera responsable de la mort de l'un des siens au prix de la liberté de tous ses autres sujets. Le garçon lui adresse un faible sourire avant de prendre une grande respiration. Un, deux, trois. Un, deux, trois. Il pose finalement un pied en avant, puis un autre et un autre. Il s'approche et finit par lentement grimper sur les roches. Il continue son ascension jusqu'à arriver à la bonne hauteur pour mettre son poignet au-dessus de la coupe. Le roi lui a dit qu'il devait laisser couler son sang dans la coupe jusqu'à ce qu'il se passe quelque chose du genre que le temps semble se figer. Il espère encore, même s'il sait bien qu'il y a peu de chance, qu'il ne se videra pas de son sang. Il espère que si c'est le cas, que ce n'est pas une mort pénible. Il ne veut pas souffrir et attendre que la mort vienne enfin le délivrer. Il veut une mort rapide. On lui doit bien cela, non? Une mort rapide contre la délivrance des sirènes, des requins et de plusieurs autres espèces qui ont besoin de son sacrifice.

Il est maintenant résigné à mourir et s'apprête à se trancher le poignet quand il se rend compte qu'il n'a pas de couteaux avec lui. Il pourrait bien utiliser un coin tranchant d'une des roches, mais il ne veut pas courir le risque de perdre du sang ou de devoir se prendre à plusieurs reprises avant de finalement voir sa peau se couper.

Carita, Sirène ou humaine? Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant