Chapitre 1

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Je me réveillai en sursaut le matin, animée par une idée réjouissante. J'allais pouvoir parler de toute cette aventure à Mylène. Elle était ma meilleure amie depuis longtemps, depuis mon enfance, et je pouvais lui faire entièrement confiance. La perspective de lui parler de mes malheurs me rassura et je poussai un soupir de soulagement. J'avais retrouvé le sourire et la joie.

Impatiente, je m'habillai avec hâte, fis mon lit et ouvris la fenêtre. C'est alors que j'aperçus l'empreinte de boue sur le rebord. J'avais oublié de la nettoyer. Heureusement que ma mère n'était pas rentrée. Alors, rapidement, je pris un linge mouillé et frottai jusqu'à la disparition de toute trace.

Puis en me rappelant comment elle était arrivée là, je pris la clé et verrouillai la fenêtre. C'était une maison ancienne et à l'époque les fenêtres avaient des serrures. Je ne savais si la mienne fonctionnerait encore. Il fallait juste espérer qu'elle résisterait.

Aujourd'hui, je voulais voir si celui qui était rentré dans ma chambre reviendrait ce matin pour récupérer ce qu'il avait perdu : le cube. Je ressentais le besoin pressant de le protéger. Pourtant, il ne m'appartenait pas. Il ne m'était d'aucune utilité. Je ne le voulais pas pour le revendre ou pour tenter son propriétaire à le reconquérir. Je voulais le prendre car une urgence vitale me le dictait. Il fallait que je le garde, malgré le fait que ce soit insensé, et surtout malgré la source d'ennui qui me guettait avec cet objet. Je ne cherchais même pas à me justifier le risque. A ce moment là, je le tenais entre mes mains sans arrière pensée ni appréhension. Naturellement.

Je le levai au niveau de mes yeux, très près, mais le cube restait le même. Les épais nuages colorés qui se promenaient à l'intérieur ne laissaient rien voir.

C'est alors que je remarquai une étrange odeur. Elle venait du cube. Je l'approchai de mon nez et le humai. Il sentait le humus, la terre humide et tendre des pluies d'automne, les feuilles, la sérénité d'une forêt fraîche, d'un ruisseau qui coulait, de la rosée sur la mousse. Puis survint une autre note. L'odeur avait tourné. Elle devint très précisément l'odeur que l'on percevait lorsqu'on avait peur, la sueur, l'anxiété, amère et presque nauséeuse. Puis le désespoir, le sang, l'exacte note unique du sang. Une odeur à vous en donner des frissons. Une vision s'imposa à moi de champs de bataille, de morts, de gloire pervertie dont la simple mention me fit trembler.

Je m'arrachai à ma rêverie. Mon imagination s'était emballée. Je m'inventai des histoires. Je délirai. C'était insensé. Ce cube était un mystère que je ne pouvais régler, qui manquait de concret, mon esprit avait comblé les parties vides par un peu d'aventure. Il valait mieux s'occuper de Ben pour l'instant.

Je sortis, poursuivis dans le couloir. J'ouvris la porte de mon petit frère et m'arrêtai tout net. Une odeur m'assaillit, une que je reconnaissais pour l'avoir sentie plus tôt. Celle du cube. Je me figeai et commençai à comprendre avec horreur qu'un réel danger me guettait. Je ne pouvais le nier. Je n'étais pas totalement sûre de sa gravité, pas sur le moment mais ce n'était pas le plus important. Le plus important c'est que quelqu'un s'était à nouveau introduit chez nous, dans la chambre de Ben. La coïncidence était trop forte pour que je l'ignore, aussi forte qu'une odeur persistante qui s'accroche aux vêtements et dont on n'arrive pas à se débarrasser.

Il n'y avait pas assez de preuves pourtant, pas assez de faits, une histoire basée sur un parfum éphémère. Qu'est ce qui m'assurait réellement que quelqu'un était venu ? Je hume le cube à nouveau. Cette odeur...

Non, il n'y avait rien de semblable dans le coin.

Il fallait que je sorte Ben de la maison et il fallait que je le sorte vite. La maison commençait à me faire peur.

LEONAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant