Chapitre 2

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Je me réveille avec un mal de crâne horrible. Le visage appuyé contre mon coussin, je tente désespérément de me souvenir de ce que j'ai fait la veille... Il y avait des tartelettes et...

Oh mon Dieu Evan m'a quitté. 

Droite comme un i, je me relève immédiatement. Mon regard tombe sur une bouteille d'alcool, vide, sur ma table de nuit.

Je n'ai quand même pas... bu ? 

Après m'être fait larguée en beauté je ne me serais pas rabaissée à tomber dans l'alcool pour noyer ma honte ?

Eh bien, la bouteille qui se trouve à ma droite prouve bel et bien que je ne vaux pas mieux que ce foutu Evan... J'avais peut être une trop grande estime de mon travail, de ce que je faisais.

Evan a sûrement raison sur un point. Je m'étais construit un monde, une sorte d'univers, dont j'étais la reine (et l'unique habitante...!), un endroit sans danger avec une routine. Il a dû être lassé par mon train-train habituel. Travailler.

Après au moins une demi-heure de recherches et de trous noirs, j'abandonne l'idée d'approfondir les détails de la soirée et sors de mon lit. Je m'appuie contre la porte. Tout tourne. Je ne suis pas habituée à boire, sauf pendant Noël et mon anniversaire. Il m'arrive de temps en temps de prendre quelques gorgées de vin lors des dîners importants (qui consistent principalement à parler jardin) pour me donner un genre devant mes collègues. Mais jamais plus.

Pendant que je marche d'un pas lourd dans le couloir (me prenant tous les murs) je pense "et ça, c'est pas prendre des risques, Evan ?" je souris, avant qu'une voix dans ma tête ne me corrige "boire une bouteille entière en pleurant et en écoutant de la musique triste, ce n'est pas une prise de risque"

Je gémit. Qu'est ce que ça fait mal à la tête.

Lorsque je passe devant le miroir, j'y jette un bref coup d'œil et regrette aussitôt : mes cheveux sont en bataille et la laque d'hier en a fait des sortes de dreadlocks, j'ai le teint vert et sous mes yeux s'étirent des cernes violettes. J'ai dormi dans la robe de Nessie, qui, en plus d'être déchirée est maintenant froissée et irrécupérable. 

J'arrive dans la cuisine et me sert un café (ce dernier n'a bizarrement pas un goût habituel... je n'ose même pas voir ce que j'ai mis dedans) et je le bois lentement.

"Prend des risques, Jessie !".

Prise d'un sentiment de détermination, je prend le fixe (aucun courage pour prendre le mien qui est enfouit dan mon sac) et compose le numéro de Martin.

-Allô ?

-Allô Martin ?

-Jessie ! Enfin où étais-tu ?

Je consulte ma montre. Dix heures trente-neuf. J'étais en retard de quelques heures seulement...

-C'est difficile à dire... Hier m'est parvenu une révélation...

Je me mord la lèvre. On dirait une déclaration d'amour dans une série américaine.

-Je pense que je vais changer d'orientation... J'ai besoin de changer de métier, vous comprenez Martin ?

Il met un instant avant de répondre.

-Je comprend... Très bien... Mais saches que si tu pars maintenant ton article ne paraîtra pas dans le journal.

Je serre les dents, si fort que je sent ma mâchoire en souffrir.

-J'en ai conscience...

-Tu vas nous manquer.

-Au revoir...

Je raccroche. Je suis à la fois fière d'avoir pris des mesures radicales mais je me sens à la fois bête. Avoir quitté mon emploi signifie que je suis dès maintenant au chômage. Et qui dit chômage dit gagner moins. Donc, repayer mes meubles ne sera pas une mince affaire, si en plus je doit chercher du boulot en parallèle. 

Je soupire,retourne dans ma chambre et enfile le vieux jean de Maman et un sweat "I <3 London". Il est tâché de moutarde depuis deux ans mais je n'arrive toujours pas à enlever les traces jaunes (et un peu verdâtres).Un conseil : n'écoutez jamais les publicités pour les produits nettoyants, vous serez vite déçu.

Je décide de sortir de la maison, me changer les idées. Je n'ai pas l'intention de me laisser abattre mais je n'ai pas l'intention non plus de rester enfermée toute la journée.

L'air est très humide, mais je m'en accommode. Je me promène vers les galeries , flâne vers le marché et respire la fraîcheur matinale. Je me décide à entrer dans un marchand de journaux. Si je n'ai plus la télé pour regarder le Vingt Heures, il me faut bien un moyen d'être au courant des actualités, alors tant qu'a faire, revenons aux bonnes vieilles méthodes !

Je fixe les étalages et prend Le Monde, avant de le reposer automatiquement. "Prend des risques".

Je saisi Glamour à la place et le pose (pour ne pas dire jeter) sur le comptoir. La fille qui est derrière me regarde avec des yeux qui veulent dirent "t'as pas une tête à lire des magazines de mode". Et elle n'a pas tort. Mais je prend des risques, alors je lui sourit en guise de réponse.

Elle mastique lentement son chewing gum et fait une bulle bien rose, et (enfin !), elle prend mon magazine et le fait biper.

Quand elle m'annonce le prix, je remarque qu'elle a une voix très rauque. "Je devrais peut être fumer, moi aussi... j'aurais l'air d'une rebelle"... Je lui tend la monnaie en me reprenant "J'ai vingts-six ans, je suis trop vieille pour ces délires d'ados".

Je rentre chez moi en ignorant totalement les affaires manquantes dans mon salon et m'assoit sur le tabouret en chêne de la cuisine. Je me chauffe une part de pizza et feuillette page par page mon magazine. 

Les filles qui doivent travailler pour ce genre de magazine ressemblent à des allumettes, toutes bien taillées et bien habillées. J'ai vu "Le Diable s'habille en Prada" avec Nessie, il y a des années. Ce n'est pas qu'un film. L'héroïne prenait à chaque fois de gros risques de se faire renvoyer car elle se démenait pour sa boss et parce qu'elle ne ressemblait pas aux autres employées...

Une seconde...

Elle prenait des risques...

Une idée survient dans mon esprit. 

-J'ai une idée ! je m'exclame en faisant tomber ma revue sur le sol.

Je me précipite vers mon ordinateur portable (un vieux modèle pas cher que j'ai obtenu sur e-bay) et tape à toute vitesse dessus.

Un nouveau job. Sur la mode. 

Un véritable défi. O.K, je n'y connais rien et peut être (c'est même sûr) je serais renvoyée dès le lendemain. Mais un telle expérience pour prouver que je sais penser à autre chose qu'aux limaces...!  

Je sent mon cœur battre à toute vitesse, je suis si excitée...!

Vers quelle branche je peux m'orienter ? Un truc pas trop compliqué, un truc cool, qui gagne bien mais qui ne demande aucune compétence particulière...

Mon regard s'arrête sur un des résultats Google (enfin plutôt sur le salaire...!).

Je clique dessus et...

Mon ordinateur s'éteint.

Plus de batterie.

-Où est ce chargeur ? je hurle. Où est ce putain de chargeur ?!

Il m'arrive d'être assez violente verbalement dès que je n'ai pas ce que je veux. Et le chargeur n'était branché là où il devait être branché, donc j'ai laissé place à la violence. Quelques fois j'attire l'attention sur moi... Et ça devient gênant.

Une fois le chargeur branché, l'écran prend bien son temps pour s'allumer et je reste scotchée devant.

Une fois tout rentré dans l'ordre, je clique sur "envoyer son CV" et croise les doigts.

Si j'en crois le site, j'aurais une réponse demain.

Et demain je verrais si je suis officiellement reconnue comme relookeuse dans l'émission "Mode&LifeStyle"...


Enfer au Paradis de la mode ; Saison 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant