Lundi de la première semaine

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Lorsque je m'étais réveillée, Antoine était déjà parti. Je le savais, je l'avais entendu se lever, une heure plus tôt. Je me levai à mon tour, enfilai un short et tirai les rideaux crèmes et opaques de la fenêtre. La lumière du soleil m'éblouit, et je dus attendre quelques secondes pour m'y habituer. J'ouvris la fenêtre, et je pus entendre le milieu d'une conversation qu'entretenaient mes parents.

- Je ne pense pas... Je crois plutôt qu'ils ne mettront pas longtemps à se ré-entendre, disait ma mère.

- Mais tu l'as vu comme moi, ils ne se sont pas adressés la parole de tout l'après-midi, hier !

Alors ils parlaient d'Antoine et moi. J'écoutais plus attentivement. Mon père reprit :

- Je reste sur mon idée. Flo va avoir du mal à reparler à Antoine, tu as vu comme il a changé ? Puis de toute façon, Pierre m'a avoué qu'Antoine était devenu distant depuis la mort de sa mère, il n'est plus aussi bavard qu'avant...

Je jugeais en avoir assez entendu. Je sortis de la chambre, en repensant à ce qu'avait dit mon père. Oui, j'allais avoir du mal à reparler à Antoine, ça, aucun doute. Mais lui, allait-il apprécier que je lui reparle ? Je n'en avais pas la moindre idée.

Je me rendis sur la terrasse, et sans surprise, ils se turent à mon arrivée.

- Bonjour ! me sourit mon père. Tu es bien matinale aujourd'hui.

- Il est quelle heure ? demandai-je.

- Pas loin de neuf heures, répondit ma mère en regardant sa montre qu'elle ne quittait jamais. Tu as bien dormi ?

J'hochai la tête, le regard rivé vers le jardin, où Antoine était allongé dans l'herbe, les bras et jambes en étoile, un casque sur les oreilles.

- Je vais déjeuner, annonçai-je, bien que je ne savais pas ce que j'aurais pu faire d'autre - sûrement aller voir Antoine.

Je rentrai dans la cuisine, me servis un bol de céréales et rejoignis mes parents, qui avaient remplacé le thème de la conversation par l'argent. Encore et toujours l'argent. Mes deux parents étaient comptables, l'une dans un lycée privé, l'autre dans une entreprise d'architecture. Alors chez moi, ça ne parlait que d'argent, de comptes, de Bourse...

- Franchement, on est vacances, vous ne pouvez pas parler d'autre chose ? demandai-je après avoir entamé mon bol de céréales de quelques cuillères déjà.

- On parle de nos dépenses ici, si tu veux tout savoir, répliqua mon père.

- On aimerait rendre service à Pierre et payer un peu plus de la moitié, maintenant qu'ils ne sont plus que deux...

Je vis les lèvres de ma mère trembloter.

- Et il est où Pierre ? changeai-je de sujet.

Je n'avais pas du tout envie que ma mère parle de Marie. Elle avait été comme sa meilleure amie, et ma mère avait eu beaucoup de mal à se remettre sa mort.

- Il est parti courir.

Je mangeai une cuillère de céréales. J'ignorais que Pierre courait.

- Tu ne vas pas parler à Antoine ? demanda ma mère.

Je tournai immédiatement la tête vers mon père, qui, comme je l'avais prédit, la fusillait du regard.

Les gens changentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant