Assise sur le rebord du pont en pierre et les jambes pendues dans le vide, je lisais en plein soleil. Il me tapait dans le dos et malgré les couches de crème solaire que ma mère avait étalées dans mon dos, j'étais sûre de rentrer ce soir à la maison avec un beau coup de soleil dans la nuque. Mon corps serait alors transformé en une espace de toile blanche où l'on aurait craché des taches bleues, rouges et dorées.
Nous étions allés à la rivière. J'avais insisté pour qu'on sorte de la maison, mes parents ne voulaient pas que je me remette en danger après ce qu'il s'était passé la veille. C'était agaçant, on aurait dit que j'étais redevenue une petite fille qui se perdait encore dans son quartier alors que j'avais dix-huit ans.
- Flo ?
Je baissai mon livre et trouvai mon père en contrebas.
- Tu ne veux pas nous rejoindre ? L'eau pourrait te rafraichir.
J'hochai la tête, cornai ma page de livre et sautai du pont pour atterrir sur les rochers. Mon père me fusilla du regard.
- Quoi ?
- Fais attention, tu pourrais te faire mal.
Je roulai des yeux et le suivis là où nous avions posé nos affaires. Le soleil tapait fort, et nous avions décidé de nous installer au frais, dans l'ombre imposante du pont. Antoine était là, les pieds dans l'eau, et mangeait un biscuit que ma mère avait pensé à ramener. Ses yeux transperçaient les miens et comme depuis maintenant deux petites journées, je sentais l'intérieur de mon corps bouillonner et mon cœur tressauter dans ma cage thoracique. On ne s'était pas beaucoup parlé ce matin, juste des petites phrases de politesse, pour se demander si on avait bien dormi ou si l'autre savait où était rangé tel ou tel vêtement. Une sorte de gêne s'était glissé entre nous, mais elle était à prévoir ; quant à moi, je ne savais plus quoi penser.
Antoine, je le connaissais depuis des années. C'était à la fois mon frère, mon meilleur ami, mon confident et sans surprise, mon premier amour. Ce n'était pas surprenant, ce garçon avait toujours été adorable, mature et drôle à la fois. Il était attentionné et moi, j'avais un cœur d'artichaut. Quand j'étais au collège et que j'avais appris ce que c'était que l'amour, je pensais directement à Antoine. Ce n'était franchement pas étonnant, lui et moi avions toujours eu cette connexion et cette chose indescriptible qui nous liait et qui faisait que, même une année entière de passée, on se retrouvait comme si nous nous étions vus la veille.
Et maintenant que nous étions entrés dans l'âge adulte, ça nous dépassait. Cette affection que j'avais pour lui s'était éteinte en trois ans, et en le revoyant cet été... C'était comme si tout avait été chamboulé. Et j'avais eu le même ressenti quand nous nous étions embrassés : tout était chamboulé et il était impossible à dire pour moi si oui ou non ce que nous faisions était bien ou mal.
J'étais assise dans l'eau et avais une casquette sur la tête, le regard rivé vers Antoine et nos pères qui s'éclaboussaient. Ils me faisaient sourire sans raison. On entendit au loin une voix crier le nom d'Antoine, et lui comme moi tournâmes la tête vers Sonia et ses amies. Un long sourire s'étira sur les lèvres d'Antoine, et il s'excusa auprès des garçons - c'étaient deux hommes mais ils agissaient comme s'ils avaient cinq ans, donc c'était encore des petits garçons - pour rejoindre les filles. Il passa à côté de moi et me tendit une main. Je l'interrogeai du regard.
- Elles sont sympas, tu sais.
- Je ne veux pas vous déranger, c'est ta copine, pas la mienne.
Il roula des yeux et s'accroupit pour faire en sorte que nos visages ne soient séparés que par quelques centimètres.
- Franchement, je préférerais dix fois que tu nous déranges plutôt que tu continues de penser que cette fille m'intéresse.
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Les gens changent
RomanceDu plus loin qu'elle s'en souvienne, Florence a toujours passé ses vacances en compagnie d'Antoine et de sa famille. Rencontrées une année pendant leurs vacances, les deux familles se sont toujours bien entendues, et Antoine et Florence ont depuis t...