V- Germaine

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"Ton père n'est pas mort." La phrase de sa grand-mère claironnait dans sa tête et l'empêchait de dormir? Harry n'osa pas poser les autres questions qui le tourmentaient : "Alors, où est-il ? Pourquoi ne vient-il pas me voir ? Pourquoi n'écrit-il pas ?" Ces questions collaient aux dents qu'il brossait, aux cheveux qu'il peignait, aux yeux qui le narguaient dans le miroir.

Germaine s'était discrètement installée dans la cuisine, où elle lavait les deux assiettes de la veille. Les bols étaient sur la table. Grand-Mère était assise. Harry offrit aux deux dames son bonjour habituel au moment où la sonnette, qui ne sonnait strictement jamais, retentit à réveiller les morts et à semer une panique sans pareille sur les visages impassibles des deux femmes.

"J'y vais !" annonça Germaine, stoïque.

A peine avait-elle ouvert la porte que Louis jaillit dans le vestibule, se dirigeant d'instinct vers la cuisine.

"Salut ! Je suis Louis Tomlinson, l'ami d'Harry."

Germaine fut obligée de le suivre, impuissante dans ses efforts pour arrêter ce bulldozer ou lui bloquer le passage.

Louis posa avec fougue un sac de croissants, brioches et pains au chocolat sur la table : "Papa a dévalisé la boulangerie ce matin. On en avait trop. J'en ai chipé quelques-uns et j'ai décidé de venir les manger chez vous avant d'aller à l'école avec Harry." Totalement inconscient de l'effet qu'il produisait, Louis poursuivit : "Comment allez-vous ? Avez-vous fait de beaux rêves ? Moi, j'ai rêvé de toi Harry. On était grands, amoureux et on allait se marier. Je n'en sais pas plus. Ernest s'est réveillé en hurlant. Je pense qu'il rêvait de toi aussi." Louis n'avait pas besoin d'encouragements pour continuer à parler tout seul, sauf qu'il dut reprendre haleine et en profita pour saisir une grosse brioche, qu'il remit immédiatement dans le sac.

"Servez-vous!" commanda-t-il en tendant le sac. "Ce n'est pas bien élevé de me servir le premier. Maman dit que si elle a réussit à nous élever sans catastrophes, c'est tout ce qu'elle demande. Bien, nous élever, c'est trop demander."

Germaine et Précieuse étaient stupéfaites et comme gelées sur leurs sièges. Harry, qui, lui, tentait d'être bien élevé, prit un croissant dans le sac tendu, l'inspecta comme s'il avait été produit par des extraterrestres, puis, sans regarder les deux gardiennes de sa bonne nutrition, par politesse, il enfonça courageusement l'objet doré dans sa bouche, s'attendant à mourir sur le champ.

"Mais, c'est tiède. C'est délicieux", déclara-t-il en utilisant ce mot qui n'était que théorique jusque là. "Goûtez-en, Grand-Mère, vous verrez."

"Je connais", dit-elle sèchement.

"Goûtez-en, Germaine." Germaine, qui ne voulait pas céder, craqua tout de même pour un énorme pain au chocolat. Pour se donner bonne conscience, elle mit d'office la brioche sous le nez de sa patronne en disant : "Mangez... pour une fois..."

"Vous avez du chocolat chaud?" demanda Louis.

"Nous avons de la chicorée", répondit Germaine, supérieure.

"Bon tant pis, je prendrais un verre de lait froid."

"C'est mauvais pour la digestion", l'avisa Germaine.

"Mais ça fait grandir."

"Voulez-vous grandir plus vite, monsieur ?"

"Oui, pour me marier avec Harry !"

Un étrange plaisir se faisait sentir dans les entrailles d'Harry, et une gêne grandissante. Sa grand-mère et Germaine étaient silencieuses, mais éveillées, comme si la curiosité, cette étincelle de vie, avait finalement pénétré dans cet antichambre du cimetière qu'ils habitaient. Une porte s'était ouverte.

Lettres d'amour de 0 à 10 (Larry Stylinson)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant