Je me rendis compte que Matt n'avait pas tort, une fois de plus. Il était plutôt agaçant mais ses paroles étaient justes. Je ne répondis donc pas et me contentai de fixer bêtement le paysage autour de moi. Comme s'il allait changer miraculeusement et que je me retrouverais comme si de rien n'était dans mon appartement...
Une bise désagréable me souffla au visage. Ici, le vent n'avait rien de rafraichissant, il était sec et chaud, comme en plein désert. De plus, il régnait une odeur désagréable de gaz et de tas d'autres choses toxiques dont j'ignorais purement et simplement le nom. Mais le pire était le silence pesant qui régnait en maître sur cette nouvelle Terre.
Sans mes compagnons, je serais sûrement devenue folle, avec le temps.
- Il nous faut trouver d'autres Hommes, fis-je pour rétablir la conversation.
- Il nous faut tout d'abord de l'eau potable, et des vivres, fit Matt en insistant bien sur le mot « potable ».
Matthieu était le genre de gaillard à avoir les pieds sur terre (c'était le cas de le dire), et de ne pas se laisser abattre par les événements.
- Et pour le moment, nous sommes les seuls humains, rappela Matt.
- Ca, tu ne peux pas en être sûr, fit Hanna.
Matt soupira :
- Hanna, mis à part nous trois, il n'y a personne sur cette planète. Aucune trace de vie, rien. Et ce n'est pas étonnant... Ce qui m'inquiète est de savoir comment nous allons survivre : presque tous les points d'eau sont pollués par les centrales à l'abandon, et il n'y a presque pas de nourriture...
Je me dis en mon for intérieur que ce cher Matthieu avait un don pour rassurer les gens... J'inhalai à fond pour remplir le plus possible mes poumons et je dis :
- Allons-y. Matt a raison. Pour le moment, nous ne sommes que trois, et il nous faut absolument de quoi boire et nous nourrir.
Hanna hocha la tête et Matt dit :
- Je suggère que l'on aille vers le Nord, cette fois-ci, fit-il en désignant du doigt un point invisible dans le paysage. Vers le Sud, il fait encore plus chaud, et l'air y est quasiment irrespirable, croyez-moi. Qu'en pensez-vous ?
Sachant que je ne connaissais rien de cette nouvelle Terre, je ne pus qu'acquiescer, approuvant les paroles de Matt.
Nous nous mîmes donc en marche, Matt en tête, et Hanna et moi côte à côte, à l'arrière. L'aspect « contrôle tout » de ce type m'exaspérait un peu, pour ainsi dire, mais j'avais décidé de lui faire confiance sans chercher les histoires. Ce n'était pas le moment de faire éclater une dispute, car il en dépendait de notre survie.
Afin de rompre le silence, je décidai d'engager la conversation avec Hanna.
- Qu'est-ce que tu fais, dans la vie ? demandai-je.
Hanna se tourna vers moi et me répondit :
- Je suis médecin, depuis un an. Je viens de finir mes études. Et toi ?
« Médecin, pensai-je, pas mal ».
- Je suis avocate.
- Joli métier ! répondit Hanna avec un sourire.
- Oui, il est intéressant je trouve. Je le trouve très stimulant aussi. Il te pousse à parler en public, à défendre ton client...
- Je me doute !
- Médecin aussi doit être passionnant, tu as dû apprendre énormément de choses !
- Ne m'en parle pas ! fit Hanna avec un sourire.
Nous continuâmes de marcher un instant. Le paysage était si monotone... Le sol sec crissait sous mes pas et j'avais des difficultés à respirer convenablement.
Plus le temps passait, plus je regrettais mon petit confort de vie, mes voisins pourtant pénibles et bruyants, les arbres, les animaux... Même un vulgaire pigeon boiteux m'aurait rendue plus joyeuse, à l'heure actuelle. Je me tournai vers mes deux compagnons, que je connaissais à peine mais qui avaient pourtant déjà tant fait pour moi (ils m'avaient certainement sauvé la vie, pour résumer brièvement...). Mais je me demandais aussi comment ils faisaient pour rester si calmes et impassibles, alors que mon cerveau bouillonnait. Je me tannais à comprendre pourquoi nous étions arrivés ici, et surtout comment.
Ca ne tenait pas debout.
Je chassai de ma tête ces pensées et je me rapprochai d'Hanna :
- Dis, chuchotai-je, tu ne trouves pas que Matt est rude, tout de même ?
- Je sais bien, je suis avec lui depuis trois jours... Mais crois-moi, il est débrouillard et il est ici depuis plus longtemps que nous. La preuve, il est encore en vie... répondit-elle sur le même ton.
Hanna avait raison. Je devais cesser de vouloir tenir tête à Matt. J'étais une femme de caractère, je n'étais pas du genre à me laisser mener par le bout du nez, et encore moins par un homme tel que Matt, mais je devais malheureusement ravaler ma fierté.
Notre guide se retourna vers nous :
- Dites, regardez là-bas !
Nous suivîmes son doigt du regard et nos yeux se posèrent sur ce qui semblait être un vieux puits.
- De l'eau ! s'écria Hanna.
- J'espère simplement qu'elle est potable... dis-je à demi-voix.
Nous pressâmes le pas et nous arrivâmes devant le puits. Je me penchai au bord afin d'essayer d'en apercevoir le fond, mais j'en fus incapable : le puits était trop profond.
- Que vois-tu ? demandèrent Hanna et Matt.
- Absolument rien, fis-je.
Je me penchai, attrapai un caillou et le lançai dans le fond du puits. Je tendis l'oreille et crus percevoir un petit « plouf », après quelques secondes d'attente.
- Il me semble qu'il y a de l'eau ! m'écriai-je, ravie.
- En es-tu sûre ? dit Matt.
- Oui, j'ai entendu un bruit en lançant le caillou.
Matt s'approcha et se saisit du seau accroché à la poulie. Puis il le projeta dans le fond du puits.
Quelques instants plus tard, il tira sur la corde pour remonter le seau probablement rempli d'eau. Ses muscles se tendirent sous l'effort et je pus admirer sa paire de biceps fort développée.
- Musclé, le gaillard, fis –je sur le ton de la plaisanterie.
Matt me décocha un petit sourire et continua à remonter le seau. Je me dis que ce sourire lui allait bien mieux que le visage crispé et tendu qu'il affichait depuis le départ.
- Attention, ne bouge plus ! cria soudain Hanna, coupant court à ma réflexion.
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Earth
General FictionMathilde, avocate à Paris, se retrouve mystérieusement propulsée sur une planète Terre futuriste, dévastée par les activités des Hommes. Aucun arbre, aucune plante, aucun animal n'a survécu. Tout n'est que désolation. Saura-t-elle survivre dans cet...