Chapitre 4.

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- Daniel qu'est-ce que tu as faits ?

- Il le méritait ! Bouge toi ! 'Man, s'te plaît viens.

Ma mère regarde mon père, gisant sur le sol.

- Daniel...

Je suis plus loin, là où le garçon, Mike, ne peut plus me voir. Je le regarde encore. J'attends simplement qu'il s'en aille. J'aimerais qu'il s'en aille pour avoir l'esprit tranquille, pour pouvoir être chez ma mère sans me soucier de sa présence à quelques mètres seulement de moi.

La vérité est que ce garçon a touché quelque chose en moi qui n'ai encore jamais été touché, mes sentiments. Ou plutôt, un semblant de sentiment. Oserais-je dire qu'il me bouleverse ? Peut-être pas, mais il m'intrigue. J'ai l'impression étrange qu'il arrive à lire en moi, me voir tel que personne ne me voit, me voir comme quelqu'un qu'on peut aimer et qui peut lui aussi aimer. J'ai simplement l'impression qu'il veut apprendre à me connaitre, et Dieu seul sait comme je déteste quand un garçon aussi mignon et gentil veut apprendre à me connaitre. Je ne connais que trop bien ce genre d'histoires. Je l'ai vécu des dizaines de fois et elles ont tout eu la même fin.

Je pose mes yeux sur cet homme qui m'a l'air si innocent et perdu et mon ventre se sert. Il prend la petite dans ses bras avant de s'en aller ce que je fais également de mon côté.

Devant la porte de l'immeuble aux briques jaunâtres je prends une grande respiration. Voir ma mère peut être un moment de pur bonheur tout comme il peut être un moment de pure torture. L'ouverture de la porte d'entrée est l'instant décisif, avant cela je ne sais et ne peux savoir comment se déroulera le reste de la journée.

Je respire, baissent les épaules et entre mes clefs dans la porte, je monte au deuxième étage et frappe à la porte, par politesse et pour prévenir de mon arrivée, avant de l'ouvrir.

- Mon chéri !

Ma mère, comme à son habitude, accoure vers moi pour me prendre dans ses bras. Elle se recule et prend mon visage entre ses mains, exactement comme la fait Lola lors de notre dernier rendez-vous.

- Qu'est-ce que tu es beau.

Elle me regarde avec des yeux fermés, comme si elle était ailleurs. Je sais qu'en ce moment, en me regardant, elle voit et imagine mon père. Celui qui lui a permis de me donner la vie, celui qu'elle a fini par aimer malgré tout et qui l'a presque payé de sa vie. Celui même qui m'a donné ma belle gueule alors qu'il aurait pu se la garder.

- Qu'as-tu à ton visage ?

Ses yeux, comme voilé par le vide, reprenne soudain vie et ses iris verts me transpercent la peau.

- J'ai surement dû me gratter pendant la nuit, tu sais, à cause d'un rêve ou quoi que soit.

- Tu fais des rêves dangereux.

- Je ne m'en souviens même pas.

Je lui souris et la sers dans mes bras pour la rassurer. Son corps se détend et quand elle me relâche, je peux enfin voir un sourire sur son visage.

- Mamy nous a préparé à manger.

Je souris à nouveau. Ma mère me parle encore comme à un enfant, je pense qu'elle n'a jamais quitté notre ancienne vie à mon plus grand regret. Je ne comprends pas la nostalgie qu'elle ressent face à cette époque si sombre et douloureuse. Je ne comprends pas comment elle puisse ressentir ne serait-ce qu'une once de sentiments pour cet homme qui était, et est encore d'ailleurs, son mari.

HeterochromiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant