5. Celle qui faisait sa rentrée

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La pointe du pinceau appliqua un trait noir sur ses yeux. Puis, elle le reposa délicatement sur la table qui faisait face au miroir circulaire dans lequel elle observait son reflet. Le maquillage rehaussait son regard clair, aussi clair que l'était sa peau d'albâtre, contrastant ainsi parfaitement avec le rouge sang de ses lèvres charnues. Elle était belle, et elle le savait parfaitement. Après avoir relâché ses boucles aussi noires que la nuit, la jeune fille enfila son perfecto en cuir. Oui, elle était même parfaite. Mais qui s'en préoccupait ?

_ Blanche ? Appela une voix étouffée.

Un coup d'œil vers la console la fit constater qu'elle était en ligne depuis maintenant une demi-heure. Et elle avait beau parlementer, le jeune homme ne voulait rien céder.

_ Oui, répondit l'adolescente, je suis toujours là. Alors, tu viens me chercher ou pas ?

_ Non, je t'ai dis, je ne peux pas.

Plus le temps passait, et moins elle avait d'emprise sur son petit copain. Si durant les premières années de leur relation elle le soudoyait avec des gâteaux, la jeune fille savait parfaitement que cela ne fonctionnait plus. Du moins plus depuis qu'ils avaient quitté la maternelle. Blanche se contenta alors d'un soupir. Que pouvait-elle faire d'autre ?

_ Vraiment ? Mais de quoi j'aurais l'air en arrivant le premier jour d'école sans mon mec ? Je ne comprends pas pourquoi tu ne veux pas y aller avec moi, tu ne m'aimes plus ?

La réponse se fit attendre. À l'autre bout du fil elle pouvait entendre ses copains ricaner. Se moquaient-ils d'elle ? Ou bien se gaussaient-ils de leur ami qui peinait à rembarrer sa nana ? Dans tous les cas, ces rires exaspéraient Blanche au plus haut point. Ne devait-elle pas passer en premier quoi qu'il arrive ?

_ Ça n'a rien à voir, tu le sais.

Elle pouvait entendre le ton las dans sa voix. Malgré elle, l'attitude du garçon la peinait, bien plus qu'elle n'osait l'avouer.

_ Écoute, reprit-il plus pressé, je dois vraiment y aller. Henri et Samson m'attendent, mais on se verra au lycée !

_ Si c'est pour te voir débarquer encore une fois défoncé, non merci ! Cracha-t-elle, furieuse d'avoir une nouvelle fois perdu les négociations.

_ Commence pas avec tes reproches bidons ! Contra-t-il en la faisant sursauter. T'es pas contente ? Bah c'est pareil. Tu n'as qu'à me faire la gueule si ça te fais plaisir, je donnerais tout pour ne plus entendre ta voix de crécelle au moins une semaine, alors c'est pas plus mal ! Salut.

Blanche eut du mal à réaliser ce qu'il venait de lui dire. Était-ce vraiment lui ou un rêve ? Le bip qui indiquait qu'on avait raccroché la ramena à la réalité. Oui, il venait vraiment de lui parler comme à un chien. Et elle se laissait faire docilement.

Tremblante comme une feuille, elle referma le clapet de son téléphone avant de se tourner à nouveau vers son miroir : une larme roulait sur sa joue, menaçant de ruiner le maquillage qu'elle avait mit tant de temps à réaliser parfaitement. Elle l'écrasa rageusement à l'aide de son pouce, bondit de sa chaise et attrapa son sac qu'elle vissa à son épaule. Il ne voulait pas d'elle ? Et bien tant pis pour lui. Il ne savait pas ce qu'il manquait. N'importe quel garçon de Molière serait ravit d'être son petit copain. Il verra, un jour, il s'en mordra les doigts.

Elle ouvrit la porte de sa chambre sans ménagement, traversa à grands pas la mezzanine et descendit quatre à quatre les marches qui menaient jusqu'au salon. Là, elle aperçut son père, assis dans son fauteuil, occupé à lire le journal derrière ses imposantes lunettes rondes. En l'apercevant, sa fille ne pu s'empêcher de sourire. Il releva alors innocemment le nez :

_ Tu veux que je t'accompagne à l'école ?

Blanche fit le tour du canapé, enroula ses bras autour des ses épaules avant de déposer un baiser tendre sur sa tempe.

_ Je ne suis pas sûre que ce soit du meilleur effet que d'aller au lycée avec son père. Je ne suis plus une petite fille, tu sais ?

Il sourit, laissa tomber son journal en agrippant les bras menus de sa fille.

_ Je sais, et c'est bien à contre cœur que je t'ai laissé grandir, crois moi ! Mais c'est ta rentrée, et je n'ai pas envie de te laisser toute seule.

Blanche laissa échapper un rire cristallin qui emplis la pièce, comme autrefois lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Ils avaient toujours été que tous les deux dans ce grand appartement, et cela convenait parfaitement à la jeune fille.

_ Ne t'inquiète pas, souffla-t-elle à son oreille avant de s'éloigner. Et puis ce n'est pas comme si je risquais de me perdre ! Après tout, le lycée est dans la rue d'a côté, non ?

Il opina lentement du chef, avant de replonger dans sa lecture avec un léger sourire en coin. Depuis peu, Blanche avait l'impression que son père était plus heureux, comme si l'absence de sa mère le peinait un peu moins ces derniers temps, et sa fille ne pouvait que s'en réjouir ! Cela faisait tant d'années qu'il ruminait l'abandon de sa femme qu'à présent, l'adolescente estimait qu'il avait le droit de tourner la page.

Soudainement plus légère, en dépit de sa conversation téléphonique, Blanche tourna les talons et claqua la porte de l'appartement. Arrivée dans la rue de son lycée, elle constata que les groupes de personnes, qu'elle côtoyait depuis déjà si longtemps, étaient tous présent, à discuter entre eux. Elle redressa fièrement le menton, rajusta ses longs cheveux noirs, et avança de sa démarche altière et un brin arrogante. Après tout, c'était comme cela qu'elle était connue à l'institut Molière.

Sur son passage, quelques tête se tournèrent, qu'elle ignora royalement. Et même si elle avançait en direction des portes du lycée sans homme a son bras, elle n'en était pas moins fabuleuse. Comme toujours.

_ Blanche ! Appela une voix familière.

L'adolescente pivota, faisant ondoyer sa chevelure soyeuse dans son dos, pour croiser le visage rayonnant de son amie.

_ Aurore !

Les deux étudiantes fondirent dans les bras l'une de l'autre, comme si elle ne s'étaient pas vues depuis des semaines. Cela faisait partie du spectacle : montrer au peuple à quel point elles étaient proches, à quel point les deux plus jolies filles du lycée étaient soudées.

_ Alors, prête pour cette rentrée ? Demanda son amie en reculant d'un pas.

_ Oh que oui ! Répondit Blanche avec un léger sourire. Et elle s'annonce vraiment merveilleuse !

Bras-dessus, bras-dessous, les deux jeunes filles pénétrèrent sous le porches, mêlants leurs cheveux aussi noirs que ceux de l'autre étaient blonds, en riant aux éclats, et attirant tous les regards sur elles. Comme toujours.

Les Princesses pas si charmantes...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant