Chapitre I

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1713. Océan Atlantique.

                  Elizabeth fut secouée d'un frisson. En ce matin de septembre, le brouillard recouvrait l'océan et la petite fille cru un instant que le navire volait parmi les nuages. Le somptueux bâtiment était orné de dorures, son bois neuf ne craquait pas et ses immenses voiles blanches dominaient la brume. Le navire se frayait un passage sur l'océan plus calme que jamais, et aucun son ne venait troubler les pensées vagabondes de cette petite fille aux boucles brunes. Debout sur le pont, elle regardait droit vers l'horizon, ignorant le froid. Elle s'imaginait aux commandes d'un navire tel que celui-là, donnant des ordres et décidant de la direction dans laquelle se rendre. Elle irait vers les eaux plus chaudes du sud, vers les grandes îles inexplorées. Un sentiment de liberté l'envahit et un léger se sourire se forma sur son visage.
                   Sa robe bouffante flottait légèrement dans l'air, la brise matinale permettait au bâtiment de conserver une allure régulière mais très lente et elle savourait chaque seconde de ce moment d'évasion. Son père, le Gouverneur Swann, lui reprochait souvent d'être trop facilement distraite mais il ne la réprimandait jamais vraiment car il aimait se rappeler que l'enfant tenait ce trait de caractère de sa mère, disparue à la naissance d'Elizabeth. Cette dernière lui ressemblait comme deux gouttes d'eau et parfois, le Gouverneur Swann voyait son épouse à travers sa jeune enfant.

                  Elizabeth avait souvent entendue les villageois chanter au port lorsqu'il revenait d'un long voyage. Elle aimait la musique et ces chansons pirates la fascinaient. Elle avait toujours eu cette fascination presque obsessionnelle pour les pirates, elle admirait leur courage, leur liberté. Elle s'en était fait une passion secrète dont elle ne parlait qu'à sa gouvernante car son père lui interdisait formellement d'avoir ce genre de pensées « barbares » comme il disait. Perdue dans ses pensées, la jeune fille murmura doucement quelques paroles qui lui revenaient à l'esprit, après avoir jeté un coup d'œil autour d'elle, certaine que personne ne l'écoutait. Elle se voyait sur ce navire telle une vraie femme pirate à chanter avec son équipage.

« ... trinquons mes jolis yo ho ! Yo ho ! Nous sommes les pirates les forbans... »

                    Une lourde main se posa soudain sur son épaule, la faisant sursauter. Elle rougit, honteuse face à l'homme qui se trouvait devant elle.

« Tout doux ma'mzelle. Ces satanés pirates écument les flots. Vous voulez quand même pas qu'ils nous tombent dessus ? » chuchota-t-il.

                     Joshamee Gibbs était un homme trop vieux pour être jeune mais encore trop jeune pour être vieux. Sa barbe grisonnante n'était pas soignée et son chapeau lui donnait un air qu'Elizabeth trouvait ridicule. Il était imposant et sa voix grave intimidait grandement la jeune fille. Il était le seul sur ce navire à connaître l'océan mieux que bien, il était le seul à avoir un véritable vécu en mer. Et la jeune fille n'acceptait d'accompagner son père en mer que s'il faisait partie du voyage. Elle n'avait confiance qu'en lui sur ce navire bien qu'il fasse un peu peur parfois. En effet, Elizabeth lui avait souvent posé des questions sur les pirates mais chaque fois, Gibbs lui jetait des regards noirs, terrifiants, lui intimant de se taire. On aurait dit un fou.

« Monsieur Gibbs ! Ça ira comme ça.

- Elle chantait une chanson d'pirates ! Ça porte malheur de chanter sur les pirates quand on patauge dans ce brouillard surnaturel, c'est moi qui vous l'dis !

- Nous vous en remercions. Disposez. »

                       Les ordres du lieutenant Norrington n'attendaient pas de réponse. C'était un homme grand et élancé, sûr de lui et fier par-dessus le marché. Il jouait de son statut plus qu'il n'eut été nécessaire de le faire. Elizabeth ressentait une profonde sympathie pour lui bien que son comportement pédant l'irritait quelque peu. Elle trouvait pitoyable sa façon de se pavaner et de prendre un air hautain avec quiconque croiserait son chemin. James Norrington n'avait que vingt-et-un ans mais en paraissait au moins dix de plus et son air sévère mit Gibbs mal à l'aise. Ce dernier baissa la tête presque instinctivement. Il acquiesça et rejoignit le reste de l'équipage. Il frôla le lieutenant tout en murmurant :

Pirates des Caraïbes - La Malédiction du Black PearlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant