Perdue dans un océan de couleurs, elle s'abandonne aux doux sons éthérés qui résonnent jusque sous sa peau. Elle flotte comme un bouchon sur l'eau, emportée par d'étranges embruns d'airain, bousculée par les mille semblants d'un orage extraordinaire. Là, il fait beau, l'air est chaud et la clameur se rêve. L'heure n'est plus, désertée par les dernières aiguilles du monde, laissant la place à un fleuve de coton stoïque brodé comme un châle effiloché.
Quand tout à coup, un lion chatoyant surgit en rugissant hors des flammes. L'atmosphère se fige, se tend, s'érige et s'étend, crépite dans une étincelle psychédélique. Même les musiques s'assourdissent au loin, détalant dans un ultime requiem. Extatique, elle savoure une béatitude inattendue qui l'élève doucement dans les airs, au-delà de l'immense mur de briques satinées. Elle frissonne, s'émerveille en découvrant sept millions de constellations aux mots si hauts qu'ils versent des cieux enlacés. Ses joues mouillées de larmes se glacent de stupeur et d'excitation alors que résonnent de nouveau les grises et claires cymbales qui dans un maigre éclair s'emballent.
Désormais, d'exquises notes ravissent ses sens, et nourrissent l'ivresse d'une pure insolence, et caressent une brume aveugle tout en silence. Avec l'élégance d'un nuage elle dérive, virevolte et arrive dans un état de légèreté consciente qu'elle n'aurait jamais cru possible d'atteindre.
La tête en bas, elle sourit. Elle clôt doucement ses paupières. Découvre d'autant plus l'orchestre merveilleux qui se joue autour d'elle. Se laisse happer par ce monde merveilleux, ce monde sans gravité où le ciel est roi. Et alors que toutes les volutes de ce fleuve invisible ne suffisent plus à l'élever davantage, elle se sent redescendre, petit à petit, elle se sent reprendre peu à peu ses moyens. Elle se sent retrouver son corps, retrouver sa conscience, recouvre le contrôle de ses jambes, de ses bras.
Alors qu'autour d'elle tout vibre, elle bascule en avant, se redresse lentement, se stabilise finalement. Après un temps qui lui paraît infini, une voix masculine et familière s'élève:
- Tu peux sortir, c'est bon.
Tout en conservant son sourire béat, Julia S. se détache du moule en cuir dans lequel elle était enfoncée et pousse la porte entrouverte de la cabine de transprogrammation.
La lumière ambiante du hangar l'aveugle d'abord mais elle reconnaît vite la silhouette qui l'attend à bras ouverts. Elle se précipite vers lui, toujours avec le même sourire émerveillé.
- Alors, c'était comment ?, lui demande Eric E. en la serrant contre elle.
Julia S. peine d'abord à retrouver l'usage de la parole. Suspendue aux bras de son père, elle finit par balbutier:
- C'était... fabuleux. Je... Je ne pensais pas vivre un jour ce que j'ai ressenti là-dedans... C'était... Vraiment, c'était fabuleux. Merci, papa.
Autour d'elle, tout semble plus lumineux, plus clair, et elle ne parvient pas à revenir de son état d'euphorie. Pendant quelques secondes, elle demeure rêveuse devant les longs néons qui tapissent le plafond et les murs blancs aux mille outils. Bercé par le ronronnement des cabines de transprogrammation, elle croit se rendormir de nouveau.
Tout à coup, elle sent quelque chose de froid glisser dans sa main. Elle baisse lentement les yeux, se détachant légèrement de son père, et découvre une carte magnétique. Elle marque un temps avant de réaliser qu'il s'agit de la clé de la cabine.
Elle replonge immédiatement dans les bras de son père, heureuse comme jamais, en lui promettant d'utiliser la cabine nuit et jour, matin et soir, pour qu'il ne regrette pas son inestimable cadeau.
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Synthétique - Saison 1
خيال علميDans un futur indéfini, dans un monde où la guerre fait rage, Lucas L. travaille pour Zhanshi, une importante multinationale. Internet est devenu secondaire, laissant place à une technologie capable de matérialiser le virtuel.