Chapitre 3: Le temps des pleurs

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Mon année de cinquième a plusieurs significations à mes yeux, dont deux qui s'opposent en tout point : la souffrance et l'épanouissement. Encore une fois, la douleur l'emporte sur les rares instants de bonheur.

Tout a commencé le 10 septembre, où je suis tombée amoureuse de ce garçon qui était si gentil avec moi, qui me faisait rire, et oublier les tracas de la journée. Il était toujours là pour moi, il me prenait dans ses bras quand ça n'allait pas, il m'écoutait et me consolait... C'était le meilleur ami de June, et il aimait bien me faire rire en prenant sa petite voix de Chipmunks, ou en imitant son chihuahua. Il s'appelait Josh, il était châtain clair aux petits yeux verts, il n'était pas d'une beauté extravagante, mais il avait une bonne bouille, et le physique n'a jamais été un de mes critères, lors du choix de mes partenaires.

Je l'aimais éperdument, j'étais naïve, et j'ai cru Marina et Charleyn, sa meilleure amie, lorsqu'elles m'ont dit qu'il me trouvait belle. S'en suit deux mois de questions auprès de June et ses copines, d'approches, et d'un peu de drague aussi.

Tout a changé début novembre, quand j'ai été le voir pour enfin lui avouer mes sentiments. "Je ne t'aime pas". Ce furent les derniers mots qu'il m'ait dit. J'avais le coeur brisé, mais ce n'était pas à lui que j'en voulais le plus: c'était à Marina et Charleyn, qui m'avaient menti et laissé espérer jusqu'à ce que je me prenne un râteau, comme celui que je venais de me prendre. Elles m'avaient littéralement trahies, et lui, il m'avait détruite.

C'en était trop, je me suis écroulée sur le sol, en larmes. J'étais seule et impuissante, et je savais que ça n'allait pas tarder à faire le tour du collège. Il y avait de nombreux témoins, il allait sans doute avoir du bouche à oreilles. L'avenir prouvera que j'avais raison.

Puis, une main se posa sur mon épaule. C'était Ariana, la nouvelle surveillante. Elle est trop belle cette fille, et trop gentille en plus. Elle doit avoir à peine vingt ans, c'est la plus jeune de tous les surveillants. On a marché ensemble, un peu, mais je ne lui ai rien dit. J'ai même réussi a sourire, ce qui était devenu rare en ces dernières heures. J'allais mieux, je suis allée en cours après la pause du midi. Il me semble que j'avais arts plastiques, puis français, avec ma prof principale, que je ne peut pas voir en photo. J'ai reçu pleins d'insultes et de bouts de gomme ou de papier en arts plastiques, tout le monde se foutait de ma gueule à cause du râteau que m'avais mis Josh. À la sortie du cours, je suis directement descendue voir June, et je me suis effondrée en pleurs dans ses bras, incapable de prononcer le moindre mot. On a marché pendant toute la récré, je lui ai tout expliqué, je pleurais, encore et encore, toujours plus.

Je suis rentrée en français, tête baissée, les yeux rouges et le visage blanc. J'étais dans mes pensées jusqu'au moment ou la prof m'a interrogé, je n'ai pas répondu et je l'ai envoyé bouler, en lui disant que j'avais pas envie de répondre. Elle a commencé à s'engueuler, exigeant que je la regarde. Je l'ai fixé, le regard noir et insistant, elle a failli faire un malaise, je crois, et m'a dit "Va prendre l'air un peu, ça le fera du bien." Évidemment, tous les regards de mes camarades se sont rués sur moi, ce que je déteste le plus au monde. Je suis donc sortie, je me suis accrouppie au sol, à la porte, et j'ai commencé à pleurer.

J'ai entendu la porte se fermer, et une main se poser sur mon épaule, puis le parfum de ma prof me chatouiller les narines.

"-Qu'est-ce qu'il y a ?

Je ne lui donna aucune réponse.

-Je ne t'ai jamais vue dans un état pareil, explique moi.

-Je n'ai rien à vous dire, ma vie ne vous concerne pas, je ne vois pas l'intérêt de parler, si c'est pour que ça vous remonte aux oreilles et que vous balanciez ça en vie de classe, ou au conseil. Et puis, je n'en parlerai pas, même à ma mère, alors à un adulte extérieur, jamais."

Je crois que j'y ai été un peu fort, mais en même temps, qu'est-ce qu'elle le mérite ! Une amie, Tina, la plus gentille du groupe des "populaires", était entrée un jour en pleurs en français, elle avait tout déballé à la fin du cours, et la prof avait tout balancé en vie de classe, sans penser aux conséquences. Résultat, Tina s'était faite traiter pendant 3 semaines.

-Ça concerne la classe au moins ?

-Peut-être que oui, peut-être que non. Je vous ai déjà dit, j'ai rien à vous dire."

Elle acquiesça, et rentra dans la salle reprendre son cours. Le ton montait un peu à coté, donc je suis descendue me rafraîchir le visage en bas. Je suis passée par les escaliers du fond, pour éviter de croiser un surveillant, mais manque de chance, Ariana était en bas de l'escalier. Étant donné que j'avais fait un vacarme d'enfer, je ne pouvais plus remonter, donc j'essayais d'imaginer une excuse pour être en bas à cette heure. J'opta pour la plus basique au monde, mais qui est vraie: les toilettes.

"-Tu fais quoi en bas, tu devrais être en cours.

-Je vais aux toilettes, dis-je sans la regarder.

-Ça va pas ?

-Si si... Ça va... Dis-je dans un sanglot et en entrant dans les toilettes.

J'allume l'eau et m'en asperge le visage, pour essayer de lui rendre une couleur à peu près normale, mais je pleurais toujours, et paniquais de plus belle, surtout qu'Ariana pouvait entrer à tout moment. Elle entra, effectivement, et me regarda, l'air désolée, et commençait à parler:

"-Qu'est-ce...

-Écoute, je n'ai pas envie de t'envoyer bouler comme j'ai envoyé bouler ma prof de français, alors ne me pose pas de questions, s'il te plait."

Sur ces mots, mes yeux s'embuèrent de larmes. Elle s'approche de l'évier, m'attrappe aux épaules et m'attire vers elle. Je pleure dans ses bras quelques minutes, qui me semblent des heures. On a marché toutes les deux dans la cour, on a parlé de tout, sauf de ça. Soldes, vacances, famille... Ça m'a fait du bien de penser à autre chose. Je suis retournée en cours chercher mes affaires, le sourire aux lèvres et le visage normal.

Quelques mois plus tard, Orlan, ma confidente, m'apprends qu'un garçon de sa classe, Luke, que je connais à peine, m'aime. Je suis sceptique, depuis les histoires avec Josh, je n'ose plus croire personne. Cependant, il me fait penser à lui, alors plus j'y pensais, plus je l'aimais. On a fini par sortir ensemble. On s'aimait, on était bien, malgré les critiques, mais je m'étais fait de nouveaux amis, et je me sentais invincible avec lui. Plus rien ne m'atteindais.

Un jour, Ariana est venue nous voir sous l'arbre où nous étions toujours assis, et on a discuté pendant plus d'une heure. Je disais tout à cette fille, presque tout. Je ne disais rien quand ça n'allait pas, je ne veux pas lui montrer ma faiblesse.

Au bout de 3 mois d'amour, j'apprends par Orlan et June qu'il sortait avec moi juste pck "j'étais bonne" et qu'il n'attendais que de coucher avec moi pour me larguer. Ça m'a pas plu, je l'ai pris de court et ça a été fini entre nous. Des dizaines de scarifications se sont ajoutés à toutes mes autres cicatrices, mais ma mère l'a découvert. Je la détestait, j'avais du tout lui dire. Je ne lui ai pas parlé pendant une semaine, et je me suis jurée de ne plus jamais avoir à lui parler de mes problèmes, car ma mère m'engueule plus qu'elle m'aide, elle me rabaisse en me disant que c'était faible et lâche, que je valais mieux que ça, et m'a même menacé d'aller voir un psy.

En juin, après avoir quitté Luke, je me suis mise avec un autre, qui a 2 ans de plus que moi, et qui n'était pas dans le collège. Il habitait à Bordeaux, et s'appelait Alexander, alias Alex.

Le Papillon NoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant