[REECRITURE] Nous les Menteurs

Chapitre 9

Au petit déjeuner le lendemain matin , maman m'a demandé d'aller voir les affaires de papa au grenier et de prendre ce qui m'intéressait. Elle se débarrasserait du reste.
Windemere est une maison à pignons , tout en angles. Deux de ses cinq chambres à coucher sont directement sous les toits , et c'est la seule des villas de l'île à posséder un vrai grenier. Elle est également dotée d'un large porche et d'une cuisine moderne , agrémentée de plans de travail en marbre qui détonnent un peu avec le reste. Les pièces sont spacieuses , toujours envahies de chiens.
Gat et moi sommes montés au grenier avec des bouteilles de thé glacé et nous sommes assis à même le sol. Il flottait une odeur de bois. Un carré de lumière brillait à travers la vitre.
Nous étions déjà allés dans ce grenier.
Et nous n'y étions jamais allés.
Il y avait là des tonnes de livres que papa avait mis pendant ses vacances. Des biographies de sportifs , de bons petits romans policiers et des révélations croustillantes sur les rocks stars écrites par de vieux types dont je n'avais jamais entendu parler. Gat ne s'intéressait pas vraiment à tout ça. Il s'est amusé à trier les livres par couleur : une pile rouge , une bleue , une blanche , une marron , une jaune.
- Tu n'as rien envie de lire ? lui ai-je demandé.
- Si , peut-être.
- Pourquoi pas Mémoire d'un amoureux de la batte ?
Ça l'a fait rire , mais il a quand même dit non de la tête et réarrangé sa pile de livres bleus.
- Histoire d'un mauvais garçon ? Le Héros du dance-floor ?
Il s'est esclaffé de nouveau. Puis est redevenu sérieux.
- Cadence ?
- Quoi ?
- Tais-toi.
Je me suis laissée aller à l'observer. Chacune des courbes de son visage m'était familière et , en même temps , c'était comme si je le contemplais pour la première fois.
Il a souri. Lumineux. Timide. Il s'est remis à genoux , envoyant valser ses belles piles de livres au passage. Il a tendu la main et m'a ébouriffé les cheveux.
- Je t'aime , Cady. C'est la vérité.
Je me suis penchée pour l'embrasser.
Il a touché mon visage. Effleuré mon cou , mes clavicules. Nous étions baignés par la flaque de lumière qui passait à travers la vitre. Notre baiser était à la fois électrique et tendre ,
hésitant et sûr de lui ,
terrifiant et parfait.
Je sentais l'amour jaillir de moi vers lui et de lui vers moi.
Nous étions chauds et grelottants ,
jeunes et vieux ,
mais surtout vivants.
C'est vrai , ai-je pensé. On s'aime déjà.
C'est déjà de l'amour.
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