Chapitre 19 : L'Autel Mortuaire

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Exil avait survécu à la bataille. Le village en gardait les cicatrices. Dans la plaine, le sang séché formait diverses nuances de rouges. Par chance, des remparts de sortilèges avaient été levés par l'armée de Lucifer, afin de dissimuler tout cela aux humains.

Mais eux, ils n'oublieraient jamais. Ils ne pourraient pas. Pas après ce que Lucifer avait fait.

Agenouillée sous l'arbre millénaire qu'était Freddy, muet depuis la fin de la bataille, Hell fixait l'allée fleurie. Le cœur déchiré. D'une part en proie aux larmes. D'autre part, prise d'une haine brulante.

Les larmes ?

Parce qu'au bout de cette avenue, jonchée de pétales blancs, se trouvait une table de marbre. Alastor, Nergal, Cassandra et Blanche l'encadraient. Silke, tout comme elle, se trouvait dans la foule. Fergus avait dû rentrer en urgence auprès du Clan. Quant à Svenn... Elle ne pouvait y penser. Elle aurait tant aimé en faire autant, pour le corps allongé sur ce marbre. Mais elle ne le pouvait pas. Tout comme les habitants d'Exil, venus lui rendre hommage.

Barbatos reposait, sans vie. Les yeux clos, la peau sans son éclat mordoré de Séraphin. Il reposait, prit d'un sommeil éternel, privé de tout futur.

Elle ferma les yeux, refoulant difficilement ses larmes.

Alastor lui avait expliqué ce qui c'était passé. Barbatos savait pour le sortilège d'asservissement, depuis longtemps. Il ne savait alors pas qui le lui avait infligé. Tous avaient espéré qu'il s'agissait de Bathin. Auquel cas, sa mort aurait annulé le sortilège, avant sa mise en œuvre. Malheureusement, ils c'étaient tous trompés. Lucifer était l'auteur des chiffres inscrits dans son dos. Et, lorsque Barbatos avait récupéré son statut de Séraphin, il avait réalisé la dangerosité de la situation. Afin de ne pas alerter l'ennemi de ses nouvelles forces, ils avaient tenté le tout pour le tout : durant la bataille, ils devaient tuer Bathin. Ca n'avait pas fonctionné. Mais il avait envisagé une solution de rechange.

Le Bourreau devait l'exécuter.

Et le Bourreau l'avait fait.

Alastor lui avait raconté tout cela, la voix brisé par le chagrin. Homme capable de voir en un instant la meilleure façon de tuer son adversaire, il avait été le seul capable de faire une telle chose. Le Séraphin le savait.

Sa haine brulante ? Elle était pour le Créateur. Envers tous ces rats terrés dans les cieux, qui avaient lancé Barbatos au combat en toute connaissance de cause. Qui n'étaient pas venus le secourir, alors qu'il tentait de les sauver, eux, d'une possible invasion de Lucifer ! Eux qui n'étaient même pas présents aujourd'hui, pour les funérailles du plus grand des Séraphins. Sa haine était surtout pour Lucifer. Ce chien, qui lui avait volé sa sœur des siècles durant, et à présent, qui la privait de l'être aimé pour l'éternité. Mais aussi pour elle, qui avait été incapable de l'aider. Incapable de saisir le sens de ses paroles.

Incapable de lui dire à quel point elle l'aimait.

Car c'était un fait. Elle aimait Barbatos, en dépit de tout. Il avait été caractériel, hautain, revanchard, violent, insultant, calculateur, fourbe. Pourtant il lui avait montré ce que c'était que d'être une femme, que d'être aimé non pas pour ses capacités, mais pour elle-même. D'être appréciée dans sa totalité, sans chercher un seul instant à la remanier selon une image fantasmée. Pour tout cela... Elle l'aimait.

Le corps fut transporté dans le Hall de la Souffrance, dans le silence. Les habitants se dispersèrent, marqués par la violence de la bataille. Par la perte d'un être divin. Hell resta sous le chêne millénaire, son esprit cherchant une solution. Une échappatoire. Un avenir où elle n'arrachait ce cœur qui la faisait tant souffrir.

3. L'Ange de la FornicationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant