Chapitre 3 - Jared

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Jared

Dernière ligne droite.

Ça me fait un bien de dingue de me dire que, dans moins de quatre heures, nous décollerons vers notre nouvelle vie.

Si je pouvais, nous serions déjà devant la salle d'embarquement.

Quitte à poireauter trois heures et des brouettes.

Quitte à me coltiner une nuée de nanas quémandant un autographe.

Quitte à me faire vraiment chier.

Ce serait toujours mieux que ce qui m'attend.

Lorsque le taxi nous dépose devant le petit immeuble blanc, je sens mon estomac se retourner. Putain. J'aime vraiment cette femme. Ma femme. Enfin, c'est tout comme. Ce n'est pas parce qu'elle ne porte pas une bague magique à l'annulaire gauche qu'elle ne l'est pas. Techniquement, on peut même dire que c'est bien plus que ça.

Nous n'avons jamais parlé de mariage. Jamais évoqué le mot. Sauf pour parler de ce connard de Marc. Ce déchet était prêt à passer sa vie avec elle. Avec ma femme. Putain de bordel de merde. Faut que j'arrête de ressasser toute cette merde. C'est moi qu'elle a choisi. Moi avec qui elle a emménagé. Moi qui la suis à Washington. Moi qui partage ses nuits, ses rêves et ses cauchemars. Moi qui la goutte. Moi qui lui fais l'amour. Moi qui l'aime. Moi qui l'épouserai.

Je ne veux pas que ça s'arrête. Je n'éprouve qu'un besoin. Que ça dure la vie entière. Avec elle. En elle. Le reste n'a aucune quelconque d'importance. Et, putain, c'est bien pour ça que je fais l'effort de me traîner jusqu'ici.

Je demande au chauffeur de nous attendre une petite heure. Soit soixante minutes. Trois-mille- six-cents secondes. Une éternité.

Comment vais-je réussir à tenir aussi longtemps sans sortir de mes gonds ? Va falloir que je me téléporte mentalement sur une autre planète si je ne veux pas péter un câble...

Nous entrons main dans la main. Le hall d'entrée, sublime avec ses peintures et ses dorures, contraste terriblement avec le pseudo-enfer qui se tient à moins de cent mètres de nous.

C'est la première fois que je l'accompagne. Et la dernière. Je ne serai pas capable d'en supporter davantage. Sa chambre se trouve au rez-de-chaussée. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons du dragon, je sens la main de Camille devenir de plus en plus moite. Même si elle ne l'a pas clairement exprimé, je sais qu'elle appréhende cette ultime rencontre. Plus que moi. Bordel. Je ne peux pas me permettre de jouer à la lavette. Va falloir que j'assure pour elle. Elle ne supportera pas de partir à l'autre du monde avec une once de culpabilité.

Chambre 22. Putain de coïncidence. Putain de nombre de merde. Vingt-deux ans que je vis l'enfer. Vingt-deux ans que j'attends des réponses. Vingt-deux ans passés enfermé dans un tunnel. Vingt-deux ans avant de revoir la lumière. Camille. Ma Camille. Je ne vais pas laisser cette femme gâcher tout ce que j'ai mis tant de peine à reconstruire. Ma femme me donne des ailes. Me fournit l'air dont j'ai besoin pour respirer. M'écoute, me comprend, ne me juge pas. Me regarde avec les yeux du bonheur. Du désir. De la passion. De l'amour. Hors de question que je laisse cette journaliste, aussi malade soit-elle, me faire replonger dans mes ténèbres.

Camille est la plus téméraire de nous deux. La plus forte. La plus humaine. Elle sait avancer sans tout gâcher. Elle est capable d'empathie face à la personne la plus abjecte de notre entourage. Sa mère. Je l'observe ouvrir la porte. Malgré tout ce qui s'est passé, elle arrive encore à espérer, qu'un jour, leur relation détraquée puisse s'arranger. Elle avance d'un pas lent mais décidé. Je la suis, le cœur battant. Cette bonne femme, même abrutie par les calmants, me rend dingue. Mon trouillomètre est à son maximum.

Up and down - saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant