Chapitre 5 - .............................

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Tom

20 septembre 2015

Je me lève.

Je me douche. Rapidement.

J'enroule une serviette autour de mon corps. Me sèche. Jette un coup d'œil à travers la vitre embuée de ma salle de bains. Retourne dans ma chambre. Prends le premier boxer que je trouve dans ma pile de linge propre, puis enfile en vitesse ma tenue de travail - une chemise blanche, une cravate grise et un costard noir fabriqué sur mesure - avant d'aplatir une main pressée sur mes cheveux noirs châtains foncés coupés courts.

Ça fera l'affaire. Je ferai l'affaire.

Enfin, je l'espère.

Je descends d'un pas aussi rapide qu'inquiet vers notre grande cuisine.

Je ne sais pas ce qui m'angoisse le plus. Le fait de commencer un nouveau job ou le fait qu'on soit le 20. Connerie de 20.

Depuis que je vis ici, je subis tous les 20. Janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre, décembre. Aucun ne fait exception à la règle. Ce sont des jours mornes, silencieux, vides de toute pensée cohérente. Seulement, celui que je m'apprête à vivre aujourd'hui est bien pire que tous les autres réunis. Nous sommes le 20 septembre. Septembre, septembre, septembre... Ce mot résonne en boucle dans ma tête tandis que j'entre dans la pièce dont s'échappe déjà une merveilleuse odeur de café. D'ordinaire, cela suffirait à faire taire mes angoisses les plus profondes. Mais, pas aujourd'hui. Certainement, pas aujourd'hui.

- Prêt ?

Sa voix est identique à celle de tous les autres jours. Enfin presque. N'importe quelle personne extérieure à notre famille ne se douterait pas un seul instant que son timbre varie légèrement. Que sous son apparence travaillée à la perfection, la brèche est là. Tenue mais présente.

- Parfaitement.

Je préfère être honnête. Je me sens enfin prêt. Je vais y arriver. On va y arriver.

- Tant mieux.

D'un geste rapide, il ferme le journal qui faisait encore obstacle entre lui et moi il y a quelques secondes. Ses yeux plongent dans les miens. Je ne cille pas. Je suis maintenant adulte. Fort. déterminé. Parfaitement entraîné pour l'unique but à atteindre.

- C'est une journée importante.

Inutile de me le rappeler.

- Je le sais.

- Très bien.

Il n'a jamais été très loquace pour faire la conversation. Il n'a jamais cherché à perdre du temps dans des effusions futiles. Un sourire en demi-lune passe pourtant brièvement sur son visage.

- Je suis content que tu sois là. Avec moi. Aujourd'hui.

Il soupire.

- Surtout aujourd'hui.

Un court instant, j'hésite à poser une main rassurante sur la sienne. Mais, je me ravise rapidement. Il n'aime pas le contact. Mon contact, me susurre une petite voix perfide. Je la chasse instantanément.

- Je sais.

- Non, tu ne sais pas ! Comment pourrais-tu savoir ?

Il se lève d'un bond et parcourt la cuisine, tel un lion en cage.

Je ne sais pas comment réagir. Je ne sais plus comment réagir. J'ai déjà tout tenté, tout essayé : l'écoute, la tristesse, la colère. Mais, rien n'y fait. Il reste le même. Fidèle à ses principes, fidèle à son chagrin, fidèle à son combat. Notre combat.

Il se rassoit. Me regarde, abattu.

- Tu sais ce que tu as à faire ?

J'ai déjà imaginé cette journée des centaines de fois. Je m'y suis préparé comme à aucune autre de toute mon existence.

- Chaque détail compte.

Je choisis de le rassurer. Il en a besoin. Plus que jamais.

- Je sais. Tout est prévu.

- Chaque seconde est importante.

- J'ai vérifié les moindres détails du planning avant de m'endormir.

- Aucune apparition publique.

- C'est prévu.

Il hoche brièvement la tête.

- Personne ne doit faire le lien.

- Personne.

Il soupire une nouvelle fois.

- Tu sais que combien c'est vital ? N'est-ce pas ?

Comment, après toutes ces années, peut-il encore douter de moi ? De ma persévérance ?

- Tout va bien se passer.

J'énonce ça comme une certitude mais j'ai peur. Je crains le pire. Même si je choisis - pour des raisons évidentes - de ne pas lui faire part de mes doutes, un lot d'angoisses désespérément familières m'assaillent le cœur.

- C'est notre dernière carte.

Pourquoi me le répète-t-il tous les jours ? Je ne suis pas stupide. Je connais les enjeux. Je les vis et les subis jour après jour depuis tant de temps que j'ai la sensation qu'ils me collent à la peau comme d'énormes masses étouffantes.

- Jure-moi que tu feras tout ce que je t'ai demandé.

Sa voix ne sonne pas comme une supplique mais plutôt comme un ordre.

- Je te le jure.

- Jure encore !

Son timbre est monté d'un ton. Je ne m'en offusque pas. J'ai l'habitude.

- Je te le jure.

Je sens mon âme se gonfler, prête à voler en mille éclats. Il soutient mon regard. J'y lis de nouveaux sentiments. Avec certitude, je dirais qu'il s'agit de la peur, du chagrin, des regrets et peut-être même une infime part de doutes. Nous sommes allés trop loin pour nous permettre d'avoir le luxe de nous poser la moindre des questions. Pas maintenant. Pas aujourd'hui. Surtout pas aujourd'hui.

- Papa, je te promets que tout va bien se passer. Comme toujours.


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Nouveau personnage.... Qu'en pensez-vous ?

Bises,

Juliette


Up and down - saison 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant