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Cela fait cinq ans à présent que les onze premières années de ma vie me semblent flous. Comme des images dont l'on est pas certain de l'existence. Je n'arrive pas à savoir si ces images sont de réels souvenirs ou si c'est mon imagination qui, à force de partir à la recherche de souvenirs, en a créé pour me satisfaire.

Cela fait cinq ans que la voix, le sourire, le rire de ma mère n'existent plus. Remplacés par des gigantesques vagues d'eau totalement noir. C'est le vide, le néant. Et j'ai l'impression que mon cœur ne va pas tarder à se laisser submerger aussi.

Cela fait à présent deux jours que le visage de ma mère a disparu. Lorsque je l'ai cherché dans ma tête, tout avait disparus. Nouvelle attaque des vagues noires. Mes souvenirs, les photos, les images que mon cerveau imaginent, tout. Aucun signe que ma mère avait réellement existé. Cela arrivait de temps en temps. Des moments de doute, de réflexion, qui me poussent à croire qu'elle n'est rien de plus qu'une énième imagination de mon esprit. Un réconfort, le souhait de la petite fille que j'avais été et que, dans un sens, j'étais toujours.

Je ne sais plus si je l'ai vraiment connue, si elle m'a un jour serrée dans ses bras, séchée mes larmes. J'ai cru qu'elle n'avait jamais respiré, existé. Qu'elle n'avait jamais vécu. Mais les photos, la chaleur réconfortante dans mon cœur me disait que tout mes doutes n'avaient pas lieu d'être. Qu'elle m'avait serrée dans ses bras autant de fois que possible.

Mais à présent, mon cœur est une marée d'eau noire

Cela fait à présent plusieurs heures que j'erre sans but précis. J'avais fugué, essayant de fuir cette impossible vérité que je m'étais imposée. Ce n'étais pas la première fois que je le faisais. C'était déjà arriver deux fois, la première, l'année de mes douze ans.

J'avais mis a peu près un an à comprendre la dure réalité de ce qui s'était passé. Je savais que ma mère était partie, envolée, mais je refusais de l'admettre, de le comprendre. Et lorsque cela mettait retombé dessus, ça avait eut le même effet qu'une bombe.

Lors d'un beau jour, celui de mon douzième anniversaire, je l'avais enfin remarqué. Cette chaise vide à ma gauche. La quatrième de la table ronde de la salle à manger. La chaise bancale. En l'espace de quelques instants, les quatre personnes pour les quatre chaises étaient devenue trois. Les larmes ont commencé à couler, les cris à retentir et la douleur à résonner dans mon corps. Mais je savais que tout venait de ma tête. C'est notre esprit qui crée nos douleurs et qui les transmets au corps.

Mon père m'avait prise dans ses bras, tentant vainement de me rassurer, de me calmer. Mon frère était resté assis sur sa chaise, une fourchette encore pleine de gâteau à la main. Me voir dans cet état l'avais fait pleurer lui aussi. Lui qui s'efforçait d'être fort depuis la disparition de maman. Je venais d'abattre les boucliers qu'il avait formé du haut de ses presque dix ans pour qu'aucune chose de cette trempe ne l'atteigne. Pour ne pas paraître faible. C'était moi l'aînée et c'était moi qui avait cédé la première, et j'avais emporté mon cadet avec. Je me sentais nul, débile, conne.

On avait abandonné le gâteau, seul sur la table bancale, et mon père m'avait emmenée dans ma chambre et m'avait veillée jusqu'à ce que je m'endorme. Chose que j'avais simulé, comprenant après cinq minutes qu'il ne partirait pas tant qu'il n'était pas certain de mon sommeil. Je ne voulais pas qu'il se souci de moi, je ne voulais pas lui causer encore plus de problème. Je voulais surtout qu'il aille s'occuper de mon frère. C'était lui qui avait le plus besoin de lui. Je ne voulais pas qu'il souffre autant que moi je souffrais.

Lorsque je m'était enfin retrouvée seule, j'avais attendu quelques minutes puis je me suis levée et me suis habillée. Une tenue plutôt chaude pour combattre le froid extérieur. J'ai pensé partir comme ça. Sans rien dire. Puis j'ai pensé à mon père et puis à mon petit frère. Je ne pouvais rajouter ceci à leur souffrance. Mon père était shérif et je savais qu'il allait penser aux choses les plus horribles. Que j'avais été enlevée ou tuée. Alors j'avais écrit une lettre. Contenant un petit mot pour le rassurer, que j'avais besoin d'être seule et que je ne voulais pas leur imposer ma tristesse. Et aussi l'adresse de là où je comptais me rendre.

The forest [Teen Wolf]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant