Chapitre 4 : Mauvaise journée, horrible nuit

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- Alors, combien ? demandai-je à ma mère. 

- Trente-neuf. Tu ne vas pas en cours. 

Je soupirai longuement avant de me retourner dans mes draps.  

- Tu peux m'amener de l'aspirine ? Et un verre d'eau, s'il te plaît ? 

Elle acquiesça et quitta la chambre. Je fixai mon oreiller d'un air sombre puis le jetai à mes pieds. Je détestais être malade. Du moins, aujourd'hui. Avant, le moindre éternuement était prétexte pour ne pas aller à l'école. Mais depuis la mort de mon père, cette maison n'était qu'un entassement de souvenirs que je voulais plus que tout oublier. Soupirant de nouveau, je me redressai péniblement. Aussitôt, le monde se mit à tourner. Je fermai les yeux, respirai un bon coup et les rouvris. Les murs restaient à peu près à leurs places. Ma mère revint, un grand verre d'eau dans une main et une plaquette de cachets blancs dans l'autre.  

- Voilà, annonça-t-elle en posant le tout sur ma table de chevet. Je vais te laisser, maintenant. Repose-toi bien. 

- Ouais... à plus tard. 

Elle me lança un drôle de regard que je n'eus pas le temps de comprendre : elle quitta ma chambre aussitôt, avant que je ne la questionne. Haussant les épaules, je tendis le bras pour saisir le verre et les cachets.

L'ennui me gagnait déjà alors que la journée venait à peine de commencer. Avachie dans le canapé en cuir brun, je regardais la télévision. Du moins, j'avais le regard fixé sur l'écran. En vérité, je pensais. Mon esprit vagabondait à peu près partout, mes pensées allant de mon père à Monica en passant, évidemment, par Kaleb. Kaleb. J'avais l'irrépressible désir de le voir ou même, tout simplement, de lui parler. Mais, comme c'était impossible, je me contentais de songer à lui. Que faisait-il ? Avait-il remarqué mon absence ? Si oui, l'affectait-elle ? Je secouai la tête, tentant vainement de balayer ces idées ressemblant étrangement à celles d'une adolescente amoureuse. Ce que je n'étais pas. J'avais plutôt l'impression d'être obsédée par lui. C'était bizarre mais vrai. J'étais obnubilée par lui et son mystérieux secret. Secouant la tête, je me forçai à songer à autre chose. Ma mère. Katherine Miles était une architecte et voyageait tout le temps. Depuis toujours, elle m'avait laissée seule avec mon père. C'était lui qui s'était occupé de moi, ce qui nous avait rapprochés, lui et moi. Ma mère ne passait que quelques week-ends par mois à la maison, pas plus. Je lui en avais beaucoup voulu pour ça et lui en voulais toujours.

Aujourd'hui, mon père n'était plus là et depuis son assassinat, il y a de ça deux mois, ma mère n'était partie en voyage qu'une semaine. Secrètement, j'avais espéré qu'elle soit restée pour moi. Cependant, elle m'avait annoncé qu'elle repartait lundi matin, soit dans cinq jours. Cela m'indiffèrait ; simplement, j'avais pensé qu'elle m'aimait suffisamment pour rester à mes côtés.

La sonnerie du téléphone fixe retentit. Je sursautai, puis me levai avec précaution pour décrocher. 

- Allô ? 

- Bonjour Kayna, c'est Alexandre... 

Je raccrochai brutalement, le coeur battant. Alexandre. C'était le fils de l'inspecteur Crivier, s'occupant de l'enquête sur le meurtre de mon père. Je l'avais rencontré au commissariat. Nous avions sympathisé et il m'avait promis qu'il me préviendrait au moindre détail sur l'avancée de l'enquête grappillé auprès de son père. Il ne m'avait pas contactée depuis. Je composai fébrilement son numéro.  

- Kayna, c'est pas gentil de raccrocher au nez de ses amis ! 

- Désolée. C'est juste que... 

- Que tu ne t'y attendais pas, j'ai compris. 

Alexandre était une personne incroyable à mes yeux car il avait cette faculté de deviner ce que je pensais et de traduire mes pensées en paroles. Il me comprenait presque mieux que moi-même. 

Rêves [ En pause ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant