Le Clone Triste

Qui es-tu ?

- Qui es-tu ? Demande-t-il. Sans réfléchir, il a utilisé le tutoiement comme si il lui aurait paru absurde de faire autrement.

- Tu ne me reconnais pas ? L'autre prend un ton peiné, déçu. Sa bouche se tord tristement.

- Non. Qui es-tu ?

- Je suis Rei.

- Non, c'est moi Rei, pourquoi dis-tu cela ? Quel est ton nom ?

- Je suis Rei, répète l'inconnu.

- Enfin ne me ment pas ! Que viens-tu faire ici ? Et d'ailleurs, comment es-tu entré ?

- Je suis venu parce que tu m'as appelé. Comment peux-tu ne rien comprendre ? Tu ne vois pas. Ce visage, ce corps, regardes-les. Ce sont les tiens. Je suis toi c'est pourtant simple.

- C'est possible ? Je ne t'ai jamais vu avant...

- Tu ne me crois pas ? Mais c'est vrai ! Tu ne m'as jamais aperçu parce que tu ne voulais pas me voir. Et pourtant j'étais là ! Sais-tu combien j'ai souffert ? Ta vie est peut-être misérable mais la mienne est encore pire. Tu m'as ignoré toutes ces années... Tu penses être malheureux mais que connais-tu du malheur ? L'as-tu déjà ressenti, mon désespoir ? Tu n'as jamais entendu mes cris. Et ma haine ? Et ma douleur ? Comment peux-tu me demander qui je suis quand tu es la source de mon existence atroce.

Si tu ne comprends toujours pas, écoute, idiot : je suis ta part d'ombre, ton clone, ton Némésis. Je suis ton âme sœur, ton alter ego, je suis ce que tu as fait de moi. Je suis toi ! Et c'est de ta faute si je suis comme ça. De ta faute !

Des larmes coulaient sans cesse de ses yeux d'ébènes et tombaient sur le sol poussiéreux. L'expression du visage de l'Autre était d'une tristesse insondable, de celle qui repousse et qu'on fuit parce que la voir, c'est être hanté pour toujours.

Rei, horrifié, hésita à serrer dans ses bras ce double inconsolable qui comprit tout de suite :

- Tu... tu as peur de moi ?

C'était déjà plus une affirmation qu'une question. Une lueur dure s'alluma dans les yeux trempés de larmes, une détermination terrible qui épouvanta Rei.

- Tu me déçois -sa voix était faible, dégoûtée- Je pensais que tu voudrais peut-être m'aider, mais tu ne peux pas. Pas comme ça. Il n'y a plus qu'une seule solution. Tu dois venir avec moi. Ne t'inquiète pas ça ne fera pas mal, ajouta t-il avec un sourire naissant, tu vas seulement devenir moi, et moi je vais prendre ta place. De toute façon ta vie est dénuée de sens donc tu n'as qu'à me laisser faire, un instant et tout sera fini. Goûte à mon désespoir, plonge dans ma tristesse et noies-toi dans mon cœur ! Si j'en ai un...