Chapitre 2 : David, Preux chevalier

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J'aime mon travail. J'aime mon travail. J'aime mon travail.

Ce mantra finira par me rentrer dans le crâne mais j'aurais bien plus de facilité à me croire sous psychotropes. La volonté est une flemmarde qui cherche la moindre excuse pour fuir se dorer la pilule sur l'île de la facilité.

Pourtant, cette banque est l'une des plus réputées du pays. Elle collabore avec la haute société, les grandes richesses. Je suis dans mon milieu. Je dois côtoyer le luxe si je désire que le luxe vienne à moi. La liberté est un droit qui s'achète, tant par la force de l'esprit que par des liasses de billets. Et être un homme libre impose des sacrifices. Écraser sa cigarette et retourner bosser en est un.

Le talon de ma Weston éparpille les éclats de braise sur le bitume. La journée s'achève mais la paperasse n'a aucune fin. Une dose de caféine bien corsée mettra fin à mes bâillements incessants et m'aidera à tenir pendant la dernière heure avant le week-end.

En rentrant dans l'agence par la porte arrière, j'enfile à nouveau ma veste de costard. Je n'aime pas la porter quand je fume. Le tissu élaboré de son créateur indépendant s'imprègne trop vite des odeurs et je me dois d'être irréprochable devant les clients. La cafetière de la salle de détente est encore allumée. Les dieux sont avec moi ! Il me suffirait de peu, parfois, pour que j'abandonne.

Pouah ! Ce café est à gerber. C'est sûrement cette vieille Suzanne à l'accueil qui l'a préparé. Depuis que je travaille ici, elle fait des efforts considérables pour attirer mon attention. Son cul tout flasque et son air dépressif ont éveillé tous mes systèmes de protection. ALERTE ! ALERTE ! Veuillez quitter le bâtiment avant 18 h, risque imminent de plaquage corporel contre la photocopieuse. Votre queue pourrait ne pas y survivre. L'unique fois où je me suis retrouvé seul avec elle, sa main est venue frôler d'un peu trop près mon fessier. Un accident ? Probablement pas, vu son haussement de sourcils caractéristique d'un signal de détresse de la dernière chance. Mon refus poli mais sans appel (Dans tes rêves la panthère rose !) lui est resté en travers de la gorge. Depuis ce jour, elle enchaîne les plaisanteries de mauvais goût. Et ce café immonde en est une démonstration de plus.

Les bureaux sont presque vides. Le vendredi après-midi est particulièrement prisé par les arrêts maladie et les repos compensatoires du personnel. Dans quelques années, j'espère pouvoir m'octroyer moi aussi ce plaisir. En attendant, il faut que je gère au jour le jour, et les jérémiades qui me parviennent depuis le hall d'entrée me ramènent à la réalité.

Suzanne semble agacée. Elle mériterait de se débrouiller seule mais une petite voix dans ma tête me rappelle qu'être un homme ce n'est pas se défiler. Quoique. En arrivant à la réception, la vue d'une petite femme visiblement très en colère m'interroge.

Pourquoi je m'emmerde ? Elle est engoncée dans des vêtements chiffonnés. Sa mine est fatiguée. Les foudres haineuses que ses yeux me lancent me donnent envie de repartir à reculons dans mon bureau. Une prise d'otage me paraîtrait plus agréable que d'avoir à régler les problèmes insignifiants de cette gamine. Je me racle la gorge pour signifier ma présence. Elle m'observe de la tête aux pieds comme une pièce de bœuf saignante chez le boucher. Encore une. Jouer de mon charme pour la calmer ne sera pas difficile.


Love ticket ( La condamine )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant