6- Justice

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Je me saisis aussitôt de la pile de documents qui constituaient vraisemblablement l'affaire et me penchai sur ce cas. Elle contenait de nombreux articles de journaux de toute sorte, des clés USB et un rapport de police.

Je n'avais jamais travaillé sur une enquête. Les seuls rapports que j'avais jamais entretenu avec la justice étaient ceux qui provenaient des séries policières et lorsque j'avais porté plaine pour le vol de mon paillasson. Maintenant, je ne n'étais pas sûre que ces brefs échanges puissent être d'une quelconque aide pour la rédaction de mon article.

Je soulevai le tas impressionnant de documents en tous genres et dûs reconnaître, après un bref regard, que tout était inintéressant. Aucune information utile n'était inscrite sur ces papiers. Après les avoir feuilletés, je pris le dossier et le levai pour voir si rien ne m'avait échappé. C'est alors qu'une photographie glissa du tas pour atterrir sur mes genoux.
C'était visiblement l'une de celles qui étaient faites lors de l'incarcération d'un prisonnier. Elle était en réalité partagée en quatre : une du profil droit, puis du gauche, de face et de derrière.

L'homme -qui me semblait familier pour une raison inconnue- affichait un air indéchiffrable, son visage était littéralement dénué d'émotion. Néanmoins, les cernes qui entouraient ses yeux donnaient l'impression d'un homme exténué, hanté par ses souvenirs.
Malgré cela, sa mâchoire carrée et ses yeux noirs contribuaient à l'image forte et impressionnante qu'il semblait vouloir se donner.

En effet, tout l'attirail du criminel meurtrier, dealer de drogue était là : une légère barbe, comme s'il ne s'était pas rasé depuis trois jours commençait à pousser sur son menton, d'énormes tatouages s'étalaient sur la peau de ses bras et de son cou et on pouvait même distinguer un piercing sur son oreille, malgré la qualité consternante de la photo.

Je priai pour ne pas avoir à le rencontrer au cours de cette enquête. Ce type ne m'inspirait décidément pas confiance.

Je jetai un œil aux autres papiers, mais rien ne m'était d'une grande utilité.
Je ne trouvais même pas le motif d'inculpation, ni même son nom. Pourtant, son visage me disait quelque chose. Aucun doute possible, je l'avais déjà vu quelque part. Malgré cela, je ne parvenais pas à me souvenir où.

Mais qu'attendaient-ils donc de moi ?

Comme à mon habitude, le rouge me monta aux joues et je me levai avec rage afin d'aller voir Giovanni et de lui passer une soufflante.

"Bravo, Manon, me dis-je, tu seras parvenue à te faire un ennemi dès ton premier jour de travail. Continue surtout."

Et effectivement, on avait rarement fait pire. Je sortis de l'espace restreint, situé entre deux paravents, qui me tenait lieu de bureau et avançai dans le couloir.
C'est à cet instant précis que je me rendis compte que je n'avais aucune idée du chemin à emprunter pour y retourner.

Je sortis de l'espace juridique et continuai sur ma droite, d'un pas incertain.
C'est alors qu'une femme d'âge mûr, pianotant sur son téléphone, sortit d'une porte sur ma droite. Aussitôt, je l'interpellai :

-Excusez moi !

Elle daigna tout de même lever les yeux et me regarda alors des pieds à la tête, en s'arrêtant sur mes talons.

-Je cherche le secteur...

-Suis-moi, me coupa-t-elle.

Des lors, comme cela semblait être la coutume dans ce journal, elle continua sa route à vive allure, sans même se soucier de savoir si je me trouvais derrière elle. Je lui emboitai le pas et dus presque courir pour réussir à me maintenir à sa hauteur.

Cœur prisonnierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant