Tomber

14.6K 466 45
                                    

Roxanne

 La nuit est tombée depuis un moment déjà et seul le bruit du vent dans les arbres brise le silence assourdissant dû à la pénombre. Mes pas foulent la neige fraîchement tombée, vierge de toute autre trace de présence humaine. Je marche depuis des heures sur cette route sinueuse qui paraît s'étendre à l'infini. En dépit de la température négative, des gouttes de sueurs perlent le long de mon dos, j'ai chaud, je suis essoufflée. Je crois que j'ai peur... J'ai beau me concentrer en vue de trouver la cause de ce sentiment, je n'y parviens pas. Tout à coup, une lumière apparaît au milieu de cette obscurité. Elle semble s'approcher à mesure des secondes qui défilent. Dans l'espoir de l'identifier plus rapidement, je cours encore et encore dans sa direction, sans jamais l'atteindre. Soudain, mes pieds n'ont plus de contact avec le sol.

    Je tombe...

Une chute qui a l'air de ne pas avoir de fin. Tandis que mon corps prend de la vitesse, mon coeur remonte dans ma poitrine, mes mains essayant de se raccrocher à des prises qui n'existent pas. Je vais mourir... Je devrais être effrayée par cette idée, mais au contraire, cette fin imminente me rassure... J'y aspire depuis si longtemps...On souhaite enfin m'offrir le terme à mes souffrances... Ma dégringolade se voit soudainement stoppée. Comme en apesanteur, je flotte, j'ai l'impression de voler. La lumière aperçue tout à l'heure réapparaît, me permettant d'entrevoir une silhouette au sein de son halo. Il s'agit d'un homme, dont les formes et le visage m'apparaissent encore flous... Étrangement, cette présence m'apaise, ma respiration se calme, j'ai presque envie de sourire. Hypnotisée, je tends le bras pour essayer de toucher cette apparition surréaliste et, à ce geste, une partie de l'image se matérialise concrètement : Deux billes vertes... Des yeux qui me fixent intensément, un spectacle qui me subjugue... Béate, je la contemple jusqu'à ce qu'elle s'évapore aussi brusquement qu'elle était survenue. Ma chute se poursuit alors, plus rapide encore.

— Stop!, stop ! hurlé-je. Je ne veux plus mourir !

Paniquée, je me réveille en sueur, complètement désorientée. Où suis-je? Que vient-il de se produire ? À bout de souffle, je tâte chaque partie de mon corps afin de m'assurer que chacun de mes membres se trouve bien à sa place. Heureusement, oui... Pour me forcer à comprendre qu'il ne s'agit plus d'un rêve, je cligne des yeux à plusieurs reprises.

Ok. Le décor reste inchangé, je suis de retour à la réalité. 

Seulement, je ne connais pas cette pièce. Curieuse mais tremblante, je me lève en vue de l'explorer. Au fur et à mesure, mon esprit se réapproprie les repères qu'il découvre. Lors de ma première visite, ces couleurs lin et chocolat m'avaient immédiatement plues, au même titre que la délicieuse odeur se dégageant de cette pièce. Un parfum d'intérieur léger, tel un voile de coton flottant dans l'air. Plus aucun doute possible, je n'ai pas commis d'acte répréhensible. Hier soir,  je me suis sagement couchée et je suis, à l'heure actuelle, dans la chambre que mes nouveaux patrons m'ont assignée pendant toute la durée de mon contrat. Des supérieurs que je n'ai d'ailleurs toujours pas rencontré et un accord dont j'ignore encore la durée... Il y a deux semaines, pendant ma rencontre avec la dame de l'agence d'intérim,  rien n'a vraiment été tiré au clair. Mais étant donné que je n'avais nulle part où aller, ici ou la rue, mon choix était vite fait. Le cadran du radio-réveil m'indique que je n'ai plus le temps de réfléchir à la signification de mon étrange rêve,- ou cauchemar-, je dois maintenant me mettre au travail.

 Sans surprise, la concentration n'est pas au rendez-vous. Je suis comme ça, je crois que l'on ne pourra jamais me changer. Lorsque j'ai une idée en tête, impossible d'en dévier. Alors, j'abandonne ma tâche pour me rendre dans le jardin et m'asseoir sur un banc en bois. Tout à coup, je me sens épuisée. Comment ai-je pu en arriver là ? Depuis des mois, j'ai tout mis en oeuvre afin de remonter à la surface. Des efforts pouvant être qualifiés de surhumains étant donnée la profondeur à laquelle j'avais coulé... Seulement aujourd'hui, pas tout à fait réparée mais capable de me tenir debout, ma tristesse reprend le pas sans que je ne parvienne à comprendre pourquoi. J'ai l'impression d'être revenue à la case départ... Je dois donc en conclure que cette mésaventure nocturne n'était que le reflet de ma rechute. Finalement, mon esprit n'a pas réussi à surmonter la douleur qui me submerge, la tristesse inhérente à ma vie.

Renaître  ( en réécriture) ( protégé par copyright)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant