Renaître ( en réécriture) ( protégé par copyright)

Solitude

Sam

J'hallucine ! Comment ai-je pu me rabaisser à un truc pareil ? Inviter mon employée à dîner en ma compagnie ! Avec pour seul argument le fait que je n'aie pas l'envie de me retrouver seul... Pitoyable... Je suis Sam Blake, pas n'importe quel minable ! Décidément,  rien ne tourne vraiment rond ces derniers temps...

— Je... Non, merci. J'ai terminé ma journée et j'ai déjà des plans concernant ma soirée. Bon appétit.

Je manque de recracher la gorgée de vin que je viens d'avaler. Surpris, je demeure bouche bée quelques instants, désirant surtout marquer une pause afin qu'elle ne s'aperçoive pas de ma déception. Il y a longtemps que quelqu'un ne m'avait refusé quoi que ce soit... Depuis que je suis célèbre, jamais personne ne m'a éconduit de la sorte. Et ce petit bout de femme l' ose, ceci avec le plus charmant des sourires ! Alors que je l'entends ouvrir la porte d'entrée, afin d'être certain d'avoir le dernier mot, je hurle à travers la maison : 

— N'oubliez pas de tenir votre langue !

Elle ne me répond pas... Pendant qu'elle s'en va rejoindre sa vraie vie, je reste là, assis sur ma chaise, comme un con, à ne plus savoir dans quel sens prendre la mienne... Tout à coup, mon sentiment de solitude m'apparaît plus lourd encore... Je mâchonne deux trois feuilles de la salade qu'elle m'a préparée, tout en réfléchissant à un plan qui me remettra sur les rails. Je ne supporte définitivement plus cet état, je dois m'en sortir ! De quelle façon procéder ? Téléphoner à Charlotte et la retourner dans tous les sens en espérant, un jour, arriver à m'attacher à elle ? Honnêtement, cette perspective ne m'enchante guère... J'ai beau essayer de sauver les apparences, me forcer à tout mettre en oeuvre pour que cette relation  dure,  je sens que je vais rapidement l'éjecter. Six mois avec elle, ça relève déjà du miracle... Tant pis, pour ma réputation de sérial baiseur, elle persistera quelques temps encore.  Joe m'engueulera,  me fera une énième leçon de morale mais après tout, il n'est que mon manager, je reste maître de mon existence. Bien que nos rapports aient évolués au fil des années, je respecte énormément cet homme. Au début, il a été le seul à accepter de me donner ma chance ; sauf que désormais, lorsqu'il me regarde, ce sont les dollars qui animent ses yeux et non la lueur de l'amitié qui pouvait nous lier... Dois-je l'appeler afin qu'il qu'il me distraie ? Pas envie non plus. En entendant ma voix d'outre-tombe, à coup sûr, il débarquera au bras de parfaites potiches que je finirai par m'envoyer, sans me sentir mieux après... Ça aussi, c'est Joe. Il me commande de m'afficher au bras d'une officielle et, en coulisses, il me fournit de la chair bien fraîche à la moindre occasion. Je ne sais pas combien de nanas  ont défilé dans ma loge pendant la tournée mais ma queue n'a jamais été aussi active. Si Charlotte savait... Au fond, je crois qu'elle s'en doute seulement, elle s'en fout. Cette fille a probablement des sentiments, mais pas pour moi directement, plutôt envers ce que ma notoriété pourrait lui apporter. Contacter Joe n'apparaît donc pas la meilleure des idées... D'autant qu'il va encore essayer de me convaincre que je suis toujours dans la partie, que je suis encore le meilleur. Quand il étale du miel de cette manière, il m'exaspère !

— Seul... murmuré-je à voix haute...

Je suis l'un des mec les plus adulé du pays et j'ai la sensation d'être un loup abandonné par sa meute. Le comble ! Finalement, pourquoi ai-je eu hâte de rentrer ?

Pour te recentrer, t'isoler du reste du monde, te dégager de l'impression d'incarner le plus parfait des imposteurs...

Dépité, je débarrasse mon assiette que je n'ai même pas eu le coeur à terminer et me rends dans le seul endroit capable de m'apporter un semblant de réconfort.

En ouvrant la porte de la pièce du fond, mon souffle se libère brusquement en respirant la délicieuse odeur, propre à mes instruments. Je me promène dans mon studio d'enregistrement en me réappropriant chaque élément qui le compose. Je caresse le piano, effleure les boutons de ma console et stoppe mon geste lorsque ma main s'apprête à feuilleter les partitions que je dois travailler pour mon prochain album. Visiblement, mon retard ne sera pas encore rattrapé aujourd'hui... Pourtant, le temps presse, je ne vais plus pouvoir mener mes producteurs en bateau bien longtemps... Je souffle péniblement tant ce sentiment de médiocrité m'oppresse. Empoignant furieusement ma guitare- noire, similaire à la couleur de mon coeur et de mon âme-, je m'assieds sur mon tabouret puis, me force à déchiffrer les notes inscrites sur la portée. Une mélodie aisée seulement, immobiles, mes doigts refusent de gratter le cordes.