L' ÉTAT RETORS

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elle-même est devenue suspecte. Divers propagantistes réactivent alors la rumeur que le pouvoir est aux mains des Juifs coalisés. Ils trafiquent donc l'histoire à leur profit et ils ont inventé les chambres à gaz, les camps de la mort, l'antisémitisme lui-même. La voilà bien la dernière infamie des Juifs : avoir inventé un prétendu antisémitismes !
  À la source des modernes persécutions antijuives, on trouve ainsi la conscience vague du complot totalitaire, de ses ruses, de ses manipulations. Dans un second temps interviennent de drôles d'émissaires que l'histoire révèle d'origine policière, ou que la police ne retrouve jamais. Derrière tout cela, bien sûr, les intérêts du plus froid des "monstres froids", et les finances sont sans passions ; elles se déplacent selon leurs avantages. Quand le danger révolutionnaire s'éloigne, on incrimine la folie des tortionnaires (mais non leurs commanditaires), on dénonce encore la "paranoïa collective" et toutes les tentations de "diaboliser le pouvoir". C'est le temps des tribunaux et des sociologues. Ainsi ceux qui servent d'hommes de main ou d'hommes de troupe à de telles manoeuvres doivent apprendre de l'histoire qu'ils ne sont pas à l'abri des contre-coups du monstre froid : quand leur tâche canalisatrice et destructrice est accomplie, ils sont abandonnés, financièrement d'abord, défaits à Stalingrad, à Courbevoie, ou ailleurs, abattus froidement avec ou sans procès. Mais, bien sûr, l'émancipation définitive de l'antisémitisme devra passer d'abord par l'émancipation de la société dont l'antisémitisme est le dernier rempart.

PASCAL avait sans doute d'excellentes raisons, au XVII° siècle, de croire aux histoires dont les témoins se font égorger. Nous en avons aujourd'hui d'aussi bonnes de croire à celles que la police falsifie. Notre civilisation, qui s'est construite sur la domestication des forces naturelles dangereuses, a su de même se donner une direction capable de mettre à son service, en les falsifiant, toutes les forces dangereuses qui se sont dressées contre elles. C'est un navire qui avance contre le vent et grâce à ce vents.

Dialogue aux enfers entre Machiavel et MontesquieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant