Épilogue

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- Mr. Mike Moon, vous verserez donc cent-cinquante dollars de dommages et intérêts à Mr. Lester Dawson, se prononce finalement le procureur, après maintes et maintes minutes de débat. Quant à vous, Mr. Dawson, votre peine s'élève à six mois de prison avec sursis ; vos conditions vous seront communiquées très prochainement. La séance est levée.

C'est un étau de fer qui libère subitement ma poitrine lorsque l'ensemble des juges amassent leurs documents et autres paperasses avant de quitter la salle du tribunal, dans le plus grand des silences.

L'atmosphère est de nouveau tendue entre les deux ennemis mais mon père a à peine le temps de s'abaisser au niveau de Dawson, qu'on les escorte déjà séparément vers la sortie.

Ma mère qui demeure assise au premier rang, semble en état de choc après les événements récents. Sept jours que cet enlèvement a pris fin et pourtant, elle ne parvient toujours pas à croire que tout est bel et bien arrivé et qu'il ne s'agissait pas d'un de ses pauvres cauchemars.

Ce n'est pas à la vue de mes cheveux blonds poussiéreux, ni à celle de mes vêtements ruinés, qu'elle a réalisé la belle et poignante erreur de mon père. Pas à l'entente de mon récit révélateur du conflit entre nos deux familles, ni à l'arrivée des factures requérant toujours de l'argent.

Non. La seule phrase qui a échappé les lèvres tremblantes de mon père lorsque je leur ai fait part de la situation, a été une simple excuse transformant alors les appréhensions de ma mère en faits réels et cauchemardesques. Les précieuses économies, les promesses de mettre leur argent en lieu sûr ; tout est parti en fumée à l'instant où Mike a avoué ses torts.

Toute une vie détruite par une lamentable partie de poker.

A présent, je m'en veux terriblement de ne pas avoir considéré cette option aussi simple qu'est le jeu d'argent, et de ne pouvoir contribuer aux besoins financiers de mes parents et tout particulièrement, au bonheur de ma chère mère.

Les gains que mon père devait à Lester relèvent de l'impossible, s'élevant à plusieurs milliers de dollars. Il n'a jamais été fin stratège ; je suis persuadé que quelque de louche s'est tramé dans mon enfance pour qu'il décide de se lancer dans le poker sur un coup de tête.

Cependant, la plupart des billets de Dawson n'ont pas été gagnés loyalement. Il s'agit pour la moitié d'entre eux d'un butin malhonnête, accumulés au fil des années par de nombreux délits commis. C'est donc la raison pour laquelle Lester n'a été que moyennement dédommagé.

D'une certaine façon, je me convaincs que l'affaire aurait pu être pire. La partie aurait pu se dérouler dans un véritable casino et être surveillée de près par des professionnels, qui par l'aspect de Lester, auraient deviné qu'il n'était en rien un riche business man.

- Pire que des gamins de lycée, murmure la voix fluette et familière à mes côtés.

D'un œil suspicieux, Ally toise nos pères du regard, la mâchoire serrée, ce qui accentue ses pommettes proéminentes. Tendrement, je presse un peu plus fort nos deux paumes jointes et sillonne de ma main libre nos doigts entrelacés. Je ne peux demander meilleure compagnie que la sienne, en ce jour du réveillon de Noël.

Restée en convalescence pendant le reste de la semaine au petit hôpital où son père avait eu la décence de la déposer, elle a obtenu sa liberté hier soir, à temps pour le procès, ainsi que les festivités dont je rêve depuis presque un mois. Malheureusement, je n'ai jamais eu le temps d'acquérir ces nouvelles décorations mais je suis persuadé qu'Ally sera ravie de m'aider à en confectionner quelques-unes. Sa cheville a hérité d'une dizaine de points de suture et malgré le fait qu'elle m'affirme que tout ira pour le mieux, je vois bien que sa mobilité réduite lui en coûte.
Bien heureusement, le médecin lui a confirmé qu'elle ne gardera aucune séquelle, une fois que la blessure se sera proprement dissipée.

« Blessure par balle » ne sera ainsi jamais mentionnée dans son dossier, grâce à l'avis des médecins, qui ont associé la déchirure de la peau à un objet coupant, comme une pierre ou un bout de métal. Ally n'a évidemment pas cherché à démentir le constat, sa perte de conscience usée comme excuse pour évoquer une légère amnésie.

Subtilement enterrée sous un bosquet, indétectable, l'arme ne sera plus jamais la cause des malheurs de quelqu'un.

- On rentre à la maison ?

En effet, il s'agit de notre appartement désormais. Durant le procès, le Président a décrété qu'Ally était libre de ses choix maintenant qu'elle était devenue une adulte. C'est donc tout naturellement que j'ai suggéré sur un ton tout à fait innocent, d'apporter mon aide et lui fournir un toit.



La Cour a accepté ma requête avec soulagement, probablement effrayée à l'idée d'une jeune de dix-huit ans en foyer d'accueil.



Afin d'assurer la sécurité de cette dernière, des membres de la gendarmerie municipale s'empresseront eux-mêmes d'aller collecter ses affaires personnelles dès demain matin. Mes parents n'ont pipé mot à propos de l'emménagement mais je sais que l'envie irrépressible d'intervenir leur mord les doigts.



Une main intime et confiante dans le creux du dos d'Ally, je lui emboîte le pas de bon gré alors qu'elle saisit maladroitement ses béquilles, les glissant sous ses coudes, avant de clopiner plus ou moins gracieusement jusqu'à la porte principale.



- Attends ! m'apostrophe-t-elle alors, agrippant brutalement mon biceps.

La paire de cannes rencontre le sol dans un fracas retentissant. Ses yeux à nouveau du brun chaleureux qui me hante depuis toutes ces semaines, sondent volontairement les miens, comme s'il s'agissait d'y déceler une sorte d'agrément.



- Nous avons du gui accroché au-dessus de nos têtes.



Instinctivement, j'étire le cou pour scruter l'encadrement de la porte dans l'espoir d'y trouver la plante de fin d'année, la raison de mon futur bonheur.



- Mais, il n'y a pas-



Des lèvres s'écrasent abruptement contre les miennes coupant court à mes réflexions. Attirant son bassin contre le mien, je celle à nouveau ma bouche avec la sienne appréciant cette passion soudaine et enflammée. La béatitude qui me gagne à peu m'incite à prolonger ce pur délice et profiter de cet instant bref et unique.

Lorsque nos muscles faciaux sont suffisamment engourdis pour stopper toute activité buccale, je me détache à contrecœur de sa silhouette gardant néanmoins mon pouce au niveau de ses lèvres, qui s'entrouvrent légèrement pour y déposer un dernier baiser.



- J'ai toujours rêvé d'embrasser l'homme qui fait battre mon cœur, sous une branche de gui.

- Et pourquoi ne pas avoir attendu d'en trouver réellement dans ce cas ? demandé-je, avide de savoir la raison de cette brusque marque d'affection.



Prudemment, elle encercle mon torse de ses minces bras et se blottit dans mon étreinte inhalant profondément mon odeur musquée.



- Parce qu'une simple branche de gui ne suffit pas pour embrasser l'homme qui me fait vivre. Mais c'est une excuse stupide qui fonctionne à tous les coups.



Secouant la tête à sa logique ambiguë, un rire convulse instantanément ma poitrine et résulte étouffé dans ses boucles brunes, senteur du shampoing frais de l'hôpital. Toujours aucun parfum stéréotypé, censé bouleverser l'esprit, remuer les papillons à l'intérieur du ventre ; tomber amoureux de la fille de l'Ennemi le serait-ce ?

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Et voilà. C'est ici que l'histoire s'achève. J'espère que la fin vous aura plu. Personnellement, j'ai beaucoup aimé écrire le petit moment Auslly. ;)

J'espère que le reste de l'épilogue vous aura semblé logique et pas trop précipité... Je suis désolée si il l'est un peu mais je vous rappelle que j'ai écrit cette histoire en quelques semaines et cet épilogue en quelques heures car je devais rendre l'histoire à temps pour mon concours.

Un petit commentaire ? S'il vous plait, j'ai beaucoup travaillé sur ce livre et ça serait un merveilleux cadeau de Noël de lire trois commentaires.

Trois commentaires. Vous pouvez faire ça pour moi ?

Passez de bonnes fêtes,

L.

The Enemy's Daughter (Auslly)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant