Chapitre 2 : la Moisson

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Le lendemain, nous dûmes faire des rectifications à la mairie : Daphné sera inscrite deux fois (1: six ans ; 2 : sept ans), Oïhan six fois, et moi, huit fois.
Xylia devait avoir une quarantaine de chances de participer. Le sort ne lui était pas favorable.

À 14 heures, nous nous dirigeâmes vers la grande place, bien habillés (Daphné portait une petite jupe verte, la couleur du district ; Oïhan avait revêtu ses habits du dimanche, et moi, je voulais être la plus simple possible et je portais un chemisier et un pantalon).

Nous nous séparâmes pour aller chacun avec les gens de notre âge. Il y avait énormément d'enfants gringalets, hauts comme trois pommes. J'aperçus Xylia, qui fit semblant de ne pas me voir. J'en devinai la raison : elle avait peur pour mes frères et sœurs et tous les enfants de leur âge.

Sur scène, sur un écran de télé, des images de la révolte d'avant les jeux passaient en boucle.
Puis, Daisy Prinson, la présentatrice du district 7, s'avança vers les deux bocaux en verre où s'amoncelaient des milliers de petits papiers. Elle portait une grande perruque verte assortie à son maquillage :

-Bonjour, bonjour, chers habitants du district 7. Joyeuses Hunger Games ! Et puisse le sort vous être favorable ! Les gagnants des Hunger Games de ce district sont cinq, mais nous n'avons pas gagné depuis maintenant trente ans. C'est un honneur pour moi de vous représenter au long des saisons... Nous allons procéder au tirage au sort. Les dames, d'abord !

Je retins mon souffle. Pitié, pitié, pitié...
-Acacia Lannoy !
Ouf, ce n'était ni Daphné, ni Xylia, ni moi...

Une fille de dix-huit ans, taillée comme de la roche, s'avança et monta sur l'estrade. Elle ne semblait pas avoir peur. Tout le monde était rassuré : ce n'était pas une gamine. Une fille à ma gauche déclara :
-On a peut-être des chances de gagner avec elle.

-Les garçons, maintenant ! Et l'heureux élu des garçons est... Oïhan Bacher !

Il fallut du temps avant que je réalise. Quand je compris enfin, mon frère était déjà aux côtés de Daisy Prinson, blanc comme un linge.
-Quel âge as-tu, mon bonhomme ? demanda la présentatrice.
-J'ai onze ans.
Un murmure de désapprobation retentit dans la foule. Personne ne trouvait ça juste qu'un gamin (en plus l'Oiseau du district 7) qui ne devrait même pas être là soit choisi. J'aurais pu me dire que l'autre tribut, cette Acacia, saurait protéger mon petit frère. Mais, quand Acacia se tourna vers Oïhan pour lui serrer la main, je vis son regard, qui semblait dire :
-Il va être une cible facile, je vais le tuer dès le premier jour.

Ce regard me mit hors de moi, je ne sus pas ce qui me prit, mais je me jetais vers les Pacificateurs et criai :
-Je me porte volontaire comme tribut !

La foule était sans doute déçue. Après tout : moi aussi j'avais d'infimes chances de gagner, tandis qu'Acacia, elle, aurait pu.
Je montai sur l'estrade, et Acacia me jeta un regard étonné et en descendit. Mon petit frère gémit.
-Oh, comment t'appelles-tu, jeune fille ? demanda Daisy, ravie.
-Phyllis Bacher.
-C'est ton petit frère ?
-Oui.
-Quel dommage pour votre chère mère, qui, quoiqu'il arrive, verra l'un de ses enfants mourir.

Tout alla très vite. Daisy allait annoncer les noms des tributs et s'en aller avec nous, quand on entendit une voix cristalline s'élever :
-Attendez ! Je vais y aller dans vos arènes, moi !
C'était un garçon de huit ou neuf ans, aux cheveux châtains ébouriffés.

-Oh, quels rebondissements ! Deux volontaires en une seule moisson ! N'es-tu pas un peu petit ? Tu es très courageux !
Je portai mon attention sur ce garçon étrange. Il me faisait penser à quelqu'un.

L'enfant grimpa sur la scène, se plaça à mes côtés et interpella Oïhan :
-Bah va-y, pars ! Chacun son tour...
Oïhan restait sans voix. Des pacificateurs vinrent le soulever tandis qu'il gesticulait et hurlait :
- Non ! Tu ne peux pas faire ça ! T'es trop petit ! Non ! Phyllis, protège-le ! Phyllis !
Il fut arraché des pacificateurs par Xylia, dont le visage ruisselait de larmes :
-Lâchez-le !
Elle repartit en direction de ma mère, Oïhan dans les bras. Elle s'était mise en danger pour moi. Je fis signe à Daphné d'aller voir notre mère. Au lieu de ça, elle restait à me regarder, moi et le petit garçon volontaire.
Daisy Prinson, décontenancée par tout ce désordre, se força à sourire et demanda au tribut mâle son nom :
-Romarin Peen, madame.
-Attends une seconde. Tu es le petit frère de Saule Peen !
Le dénommé Romarin opina du chef.

Au revoir les enfants - Les 100èmes Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant