Chapitre 3 : Le voyage

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Le lendemain matin, je me dirigeai vers la salle à manger du train, où Romarin, Daisy Prinson, et une troisième personne étaient déjà là. Daisy m'accueillit avec des grands cris et sa voix chantonnante:
-Oh, ma chérie, tu as bien dormi, hein ?! Je te présente Johanna Mason, votre mentor. Excusez-moi, je vous laisse, je dois faire ma toilette. Je n'ai pas encore fini de mettre mon maquillage sur la joue gauche et le sourcil droit. À tout à l'heure, les enfants !
La troisième personne, dénommée Johanna, se leva et me serra la main froidement. Elle avait la quarantaine, des cheveux roux mi- long, et un air rebelle.
-Enchanté. Tu me connais peut-être. J'ai gagné les 71èmes jeux. La seule gagnante féminine du district 7. Et la seule à bien vouloir être votre mentor même si ça me barbe un peu.
Bon... Je n'étais pas dans son cœur, on dirait !
-On se retrouve demain matin, après le défilé en char au Capitole. Je vous donnerais des conseils à ce moment-là. Salut, les mioches !
Sur ce, elle quitta la pièce. Romarin haussa les sourcils.
-Je comprends maintenant pourquoi il n'y a jamais de vainqueurs dans le 7 : ils sont déjà à demi-mort après lui avoir parlé pour la première fois !
Je lâchai un petit rire anxieux. Puis un silence s'installa. Gênée, j'entrepris de faire la conservation.
-Et sinon, tu as bien dormi ?
Il me jeta un regard de mépris.
-Ecoute, c'est pas en m'apprivoisant que tu vas pas te faire tuer. Et pour ton frère, je t'ai rendu un immense service. On sera jamais quittes, et je ne te sauverai jamais, c'est clair !

Comment pouvait-on être aussi désagréable et malin à neuf ans ? Je décidai d'ignorer sa provocation. Mais dans un sens il avait raison : je lui devais quelque chose en échange de son courage.
Une mouche bourdonna dans un coin du luxueux wagon. Romarin s'empara d'un couteau et visa l'endroit où on entendait le bourdonnement. Il lança et on n'entendit plus rien. Il fit un petit sourire narquois.
-Et pense pas que je vais être tué tout de suite non plus, hein ! Je suis pas le frère de mon frère pour rien.
Il me tendit le couteau.
-Tiens, en souvenir de ton bon ami Peen.

Furieuse d'être ainsi humiliée par un enfant, je claquai la porte du wagon et regagnai ma chambre où je piquai un petit somme.
Je fus réveillée par Daisy, qui ouvrait les rideaux de la fenêtre de ma chambre.
-Allez, viens manger ! Tu as dormi toute la journée, ma puce !

Au diner, des sortes de tartes à la tomate avec du fromage, du basilic et des olives. C'est délicieux ! Romarin et moi nous régalions.
-Ça s'appelle la pizza ! Ça nous vient du district onze pour les tomates, les olives et le basilic, du trois pour la pâte et du douze pour le fromage. Un des plus grands cuisiniers du Capitole les a assemblés et c'est devenu la pizza.

Daisy Prinson alluma la télévision et on vit des images des jeux de l'année dernière ou Saule porte le coup fatal à son adversaire. Romarin détourna les yeux et quitte la salle en serrant les poings. J'eus envie de le suivre, de le prendre dans mes bras et le consoler, comme je le faisais avec mes frère et sœur, mais je me retins. Il avait sans doute besoin d'être seul. Daisy n'avait rien remarqué, se délectai de la scène, et faisait du commentaire, du genre : « Joli coup ! » ou bien « Oh non, le pauvre ! ».

Quand ce fut fini, elle se tourna vers moi, constata l'absence de Romarin, et me demanda si on s'était disputés. Franchement, si elle n'était pas aussi gentille avec nous, je détesterai Daisy.

À la télévision, Caesar, le présentateur, présentait les Moissons. Toute suite, je fus plus attentive.
Dans le district 1, je fus ravie d'apprendre qu'ils étaient assez humains pour ne pas avoir envie de tuer des petits enfants, car personne ne se porta volontaire. La fille tirée au sort pesait plus de 100 kg et n'avait pas l'air particulièrement sportive pour ses 16 ans. Elle avait la peau noire, ce qui n'était pas courant dans le 1. Elle arborait un beau sourire joyeux et je compris qu'elle était du genre toujours contente.
Le garçon, lui, avait environ 11 ans, l'âge de mon frère. Mais pourtant, il en paraissait trois de plus. Il avait un beau visage blond, une élégance et une tenue du buste à couper le souffle. Ses yeux noirs étaient remplis d'arrogance et son sourire narquois trahissait sa confiance en lui. J'étais quasiment sûre que c'était un des ces jeunes adolescents qu'on entrainait chaque jour pour en faire des carrières qui se porteraient volontaires à 18 ans pour les Jeux.

Dans le district 2, ils étaient fous, complètement fous. Deux volontaires de 18 ans. Le garçon paraissait être une brute toute en muscles et en forces. Même ses sourcils faisaient peur. Les cheveux blonds ondulés de la fille tombaient sur son dos. C'était la deuxième fille après Xylia que je voyais qui avais des cheveux blonds, mais elle était, il faut l'avouer, dix fois plus belle qu'elle. Dix fois plus belle que n'importe qui, en fait. Quand ses bras, musclés, firent coucou au public, j'eus envie de vomir de jalousie et de peur.

Dans le district 5, une handicapée mentale d'environ dix ans nommée Marie, fut appelée. Elle souriait béatement et fit de petits rires. Elle n'allait pas tenir longtemps et j'en fus peinée.

Puis notre moisson : Acacia, Oïhan, moi qui me portait volontaire, puis Romarin, Oïhan emporté par Xylia, le salut du district... Je ne me rendais même pas compte que c'était moi à l'écran.

Les tributs du district huit au dix étaient des enfants de huit à treize ans quelconques.

Dans le 11, un frère et une sœur jumeaux de mon âge. La sœur paraissait fragile et le frère très protecteur. Ses yeux pétillaient d'intelligence. La caméra filma leur mère, sanglotant de douleur, qui devait se résoudre à perdre l'un de ses enfants, sinon les deux. Cette mère désespérée me faisait tant penser à ma propre mère...

Dans le douze, un scandale : on appela le nom de Capucine Frênat, et la caméra était en train de la chercher quand deux jeunes filles de dix ou onze ans s'écartèrent pour laisser passer une fillette blonde de 6 ans. Elle s'avança courageusement vers l'estrade, puis regarda le public. Son expression était neutre, elle ne pleurait pas et ne boudait pas non plus. Mais dans ses yeux bleus, on lisait un réel mépris pour tous ces gens qui la laissait aller dans l'arène, tous ces gens lâches qui vont faire la fête ensuite. Elle était adorable dans son chemisier à fleurs, sa jupe en velours bleu et ses petites sandales rouges. Ses cheveux blonds étaient lâchés sur ses faibles épaules. Visiblement, tout le monde l'aimait, car beaucoup de personnes pleuraient, et firent le signe des district, le même que pour Romarin et moi. C'était drôle (ou pas) à voir car le garçon maigrichon de dix ans à coté d'elle pleurait et appelait sa maman, tandis que la petite Capucine restait sobre et neutre.

La moyenne d'âge des tributs était d'environ 11 ans.
Après cette retransmission des moissons, Caesar rappela que demain, les tributs défileront dans des chars.

Nous étions arrivés au Capitole le lendemain et on m'amenait dans une sorte de cabinet de beauté, où deux ou trois personnes s'activaient sur mes pieds, mon visage, ou mes mains. J'avais un peignoir, mais pourtant, je me sentais nue comme un ver.

Au revoir les enfants - Les 100èmes Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant