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Cameron n'est pas le prénom le plus facile à porter. Simplement parce que sa mixité peut causer tord et que justement très peu de filles se nomment ainsi.
Rose est plus approprié pour une femme. C'est jolie Rose, c'est simple, court et doux. J'adore Rose.
Cameron ça fait plus guerrier. Vainqueur, la personne qui ne baisse jamais les bras. Cameron c'est le beau gosse des grandes villes. Mais ce n'est sûrement pas la petite serveuse du bar d'à côté.
Rose c'est la fille posée, calme et attentive. Celle qui viendra t'aider en cas de besoin. Rose c'est la vraie fille, petite chaussures, celle qui ne dérange personne. Discrète la fleur.

Cameron Rose c'est la fille bizarre qui habite en face de chez toi. Celle qui est invisible mais qui rie et parle trop fort avec ses amies. Celle qui t'a toujours battue en course, pourtant comme fait-elle avec son corps fragile? Cameron Rose ce n'est pas n'importe qui, c'est ton ennemi qui a du répondant et que tu détestes.

Cameron c'est moi.

Rose est une des seules choses que mon père a laissé derrière lui. Rose, c'est son nom, que je porte fièrement.
Il m'a aussi laissé cette chevelure blanche, comme la neige. Lui avait teint son blanc en marron, mais je n'en ai pas le courage.

Depuis son décès, je me suis rendue compte de plusieurs choses.

On ne sait pas ce que l'on a, jusqu'à ce qu'on le perde.

Et quand bien même on l'aurait perdu, on ne s'en rend toujours pas bien compte. On laisse passer, on attend qu'un miracle arrive ou qu'on sorte de ce cauchemar au plus vite. On espère simplement que ce n'est pas réel et que ce n'est qu'un rêve. On cherche une sortie de secours à nos problèmes, à notre vie.
Jusqu'à ce que la réalité vienne nous frapper à nouveau, et nous rappelle que naître signifie bien mourir, ce genre de paire impossible à diviser. Alors nos moments de joies sont terminés. Tout est brisé.
Une seule phrase peut tout changer.

Je m'en souviendrais toujours, quand nos vies se sont brisées, à nous.
Ma mère n'était pas chez nous ce jour là. Elliot, mon trésor de huit ans jouait aux legos dans sa chambre. Quant à moi, je faisais des choses tellement insignifiantes que je peine à m'en souvenir.
Le téléphone à sonner trois fois, avant qu'Elliot aille décrocher. Il me tendit le combiner après avoir échangé quelques mots, que je n'avais pas entendu, avec l'interlocuteur.
Ça a été si rapide et efficace.

«-Allo Madame Rose ?
- Non ça fille, qu'y a t-il ?
- Je suis le sergent chef Mason, en charge de l'équipe de George Rose, j'ai une chose importante à vous annoncer. Il y a quinze jours, votre père a effectué une mission au coeur de la jungle Brésilienne. J'ai le regret de vous annoncé que nous ne l'avons pas retrouvé. La cérémonie officielle d'enterrement se déroulera quand ses compagnons rentrerons. L'armée Américaine vous souhaite toutes ses condoléances. Au revoir.»

Et il raccrocha.
J'ai longtemps cru à un canular.
Ça a été si court. Est-ce que tous les sergents en chef annonçaient les décès ainsi ? J'avais tellement de questions à lui poser. Cet homme, avait-il un minimum d'humanité en lui ? Est-ce que mon père est mort étant comme lui ? Parlent-ils tous comme ça là-bas ?

Je me souviens être resté dans les vapes quelques instant après, puis Elliot m'avait renversé de l'eau sur la tête en criant mon nom. C'est à ce moment là que maman est rentrée.
C'est aussi à ce moment là que j'ai réalisé. J'ai réalisé que cela faisait un quart d'heure qu'Elli m'appelait, que maman avait d'énormes cernes sous les yeux, et que papa était mort.

Mort.

Je n'avais jamais vu ma mère pleurer autant avant cette soirée.
Elliot ne comprenait rien, il pleurait avec nous. Je n'avais pas le courage de lui avouer. Peut être parce que ça l'aurait officialiser, et c'était trop tôt, trop dur.

La semaine qui a suivit, ma mère est restée enfermée dans sa chambre. Je lui avait parlé un peu, elle ne voulait pas qu'on la voit dans cet état. On a souvent pleuré ensemble, moi dans le couloir contre la porte de sa chambre et elle, je suppose, recroquevillée dans son lit.

Deux semaines après l'annonce, un camarade de chambre de mon père avait appelé pour nous annoncer la date de l'enterrement officiel, et pour nous assurer l'envoie des effets personnels qu'ils ont réussi à récupérer. Il nous a aussi appris que deux autres militaires ont aussi été portés disparus, de la même unité que mon père. Nous allions donc faire un enterrement groupé.

Je n'ai que des souvenirs flous de ce jour là. Seulement que mon frère avait fait un discours, que j'avais écrit. Cela avait ému tout le monde et mon Elliot était heureux. Il a sourit pendant toute la cérémonie. On lui avait finalement fait comprendre par la suite que son père n'allait plus jamais, jamais rentrer. Et il a pleuré.

Le seul moment où j'ai versé ma larme est quand j'ai vu cet homme, Henry Patterson, celui qui connaissait si bien mon père. Mon père le militaire. Son camarade de chambre. Il ne pleurait pas, mais quand il m'a tendu la main, avec à l'intérieur une photo abîmée, de moi petite dans les bras de mon père, tout son désespoir et sa tristesse se sont reflétés dans ses yeux.
J'ai gardé cette photo, et maintenant je la promène partout avec moi. Mon porte bonheur. Mon souvenir de lui. Son visage, si souriant, si jeune à l'époque. Si fier de sa fille, de moi.

Mais moi aussi je suis fière de lui. Fière de ce qu'il a été et de pour quoi il s'est battu. Je l'aime tellement, je l'aime. Et il me manques.

Papa, tu me manques.

Plenae Lunae EN PAUSE/7PARTIESOù les histoires vivent. Découvrez maintenant