Esclave

63 7 13
                                    

Je me réveille en sursaut !
Je n'arrive pas à savoir si ce que je viens de vivre était un rêve où non. Le froid est toujours présent. Je tente de frotter mes mains l'une contre l'autre pour me réchauffer mais ces dernières sont attachées à des chaines métaliques, elles même accrochées à une barre de fer dans ce qui semble être une remorque. L'acier de ces chaines glaciales brule ma peau. J'essaie de m'en débarasser en tirant dessus mais je ne fais qu'abimer ma peau déjà fragiliser par le froid. Cette dernière est irritée et me démange. Soudain la douleur me saisit dans l'épaule droite. J'ai du bouger trop brusquement. Je constate qu'un bandage à été posé sur la plaie. Une fleur de sang perle le bandage, contrastant fortement avec le blanc de ce dernier. Je ne comprends pas ce qui m'arrive.

Dans mes souvenirs, je revois l'homme me tirer dessus et mon sang se répandre sur le sol enneigé. Pourquoi quelqu'un m'a-t-il sauvé pour ensuite m'enchainer ? C'est alors que je remarque la présence d'autres personnes dans la remorque dans laquelle je suis attaché. Tous se taisent. Un silence de mort règne. On entend simplement le bruit du moteur de la camionette, tirant la remorque, qui roule monotonnement. Je me concentre sur les visages de chacun des prisonniers. Beaucoups dorment, d'autres ont le regard vide, tels des corps sans esprit. Certains sont tellement défigurés qu'il m'est impossible de voir l'expression de leurs sentiments sur leur visage. A quoi bon ? Tous sont dans le même cas que moi. Je reconnais cependant le boulanger de mon quartier, sa femme et seulement une de leur quatre filles. Je n'ose même pas imaginer ce qui a pu arriver aux autres. La mère serre son enfant dans ses bras, elle tente de lui tenir chaud, la réconforte, passe sa main pétrifiée par le froid dans ses cheveux bruns. Elle tente de la réconforter tandis que de grosses larmes coulent sur son viage.

Je replonge dans mes souvenirs. Je vois la tour s'effondrer, le feu se propager, et mon petit frère, Ismaël, plonger son regard dans le mien et m'enlacer le plus fort possible.

Soudain je panique ! Où est-il ? Je ne l'ai pas vu, il n'est pas à côté de moi, je regarde dans tout les sens, ma vision se brouille à cause des larmes, je tente de sécher mes yeux mais les chaines m'en empèchent. Je m'agite, je tire sur mes menottes comme un forcené. La tristesse fait place à la colère. J'iritte mes poignets jusqu'au sang mais je ne m'arrette pas. Les mailles métaliques des chaines tintent bruyament les unes contre les autres. Presque tout les autres prisonniers me regardent avec pitié, chacun sait que je n'ai aucune chance de me délivrer.
Je repense à mon petit frère. Où peut-il être ? Je me dis que si j'ai été sauvé, peut-être l'a-t-il été aussi... Le tintement métalique entrave ma reflexion, tel un acouphène, je n'entend plus que ça. Rien que ça et cette voix qui me chuchotte de me calmer. Me calmer... comment pourais-je me calmer ? Cette voix maternelle qui me murmure à l'oreille.
- Maman tu es là ? Je demande, plein d'espoir.
- Calme toi Gabriel. Ta mère n'est pas là... c'est moi, Caroline.
Caroline, la femme du boulanger.
Peut-être sait-elle où est Ismaël.
Elle me répond qu'elle ne sait pas, mais que nous sommes dans la dernière remorque d'un grand convois.
- Quand ils nous ont embarqués, ils m'ont séparés des mes trois autres filles, jugées trop jeunes..., m'explique-t-elle, désemparée.
Je les ai vues monter dans une autre remorque avant que je monte moi aussi avec Pierre et Elina dans celle-ci. Je t'ai vu arriver dans les bras d'un des assaillants. Il t'a monté ici et t'a attaché, comme nous tous. Ensuite la camionette a démarré et nous avons quitté Kohaïgun.
- Et Ismaël ? Je répète encore.
- Peut-être est-il monté avec mes filles.
- Je... j'espère.
Ma voix se brise sur ce mot. C'est trop douloureux ; mais au fond de moi, je sais que je ne peux rien faire pour l'instant. Et c'est exactement ce qui me préoccupe.
- Sais-tu depuis quand nous roulons ? Je demande.
- A en croire le Soleil, cela fait maintenant une nuit et huit heures. Me répond-elle le plus tendrement possible.

Pourtant je n'éprouve que du mépris pour elle. Elle sait que sa famille est en vie, non loin de son coeur.
Moi je n'ai aucune idée d'où est ma mère et Ismaël est peut-être resté à des kilomètre d'ici, au milieu des ruines fumantes de notre ville, vivant ou mort. Il n'a que quatre ans, il ne pourrait jamais survivre tout seul, dans le froid et la faim. La meilleur chose qui ai pu lui arriver est qu'il soit monté dans l'autre remorque, non loin de moi.

Je n'ai plus aucun doute à présent. Peu importe où nous sommes déportés, il est certain que nos assaillants avaient pour but de nous réduire en esclavage.

J'avais entendu parler d'un conflit entre les dirigeants de la cité de Néomésis et celle de Kyoselva. Il ne fait aucun doute que c'est pour nous forcer à la fabrication d'armes de guerre que nous avons été fait prisonniers. Auquel cas, pourquoi ce soucieraient-ils d'un enfant de quatre ans ?
C'est le coeur emplie de haine et de désespoir que je fixe l'horizon.

La remorque avance, nous entrons dans une grande forêt de pins enneigés. Une épaisse couche brumeuse vient voiler le paysage. Je ne vois pas à plus de cinq mètres. Il n'y a qu'une seule région où le brouillard tombe si instantanément. Une région relativement marécageuse, où la cité dominante a donc du mal à s'étendre et est obligée de déboiser la forêt pour construire de nouvelles usines. Je commence d'ailleurs à entendre le bruit infernal des machines affectées à cette tâche.

La déforestation.

C'est pour cela que la cité de Kyoselva, aussi nommée la cité sylvestre, est en conflit avec Néomésis. Ils n'acceptent pas qu'ils détruisent ce que la nature à créer pour un intéret jugé superflus et purement économique.
Je reconnais cette région.
D'ailleurs, nous n'allons pas tarder à rentrer dans Néomésis.

SOLEIL NOIROù les histoires vivent. Découvrez maintenant