Lysandre Trémère, je travaille avec la police.

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Le jeune homme fit quelques pas dans la neige, puis se retourna pour contempler ses empreintes dans la poudreuse. C'était une bien triste journée, le ciel était gris, et la neige était devenue sale après trois jours passés sur le sol. Il remonta d'un geste frileux le col victorien sur son cou, et s'approcha lentement du corps étendu par terre. L'endroit était entouré de bandes jaunes et noires qui avaient pour but de laisser une distance respectable entre les cadavres et les passants curieux. L'inspecteur se trouvait près d'un bar à la devanture pleine de crasse, et qui ne devait abriter que la jeunesse de ce quartier mal-famé. Le bistrot était près d'une forêt où se rejoignait les drogués à la nuit tombée. Il s'accroupit près de la victime, et examina en silence ses cheveux rouges, l'expression de surprise restée sur son beau visage, et le trou béant dans son ventre. Le médecin légiste, une belle rousse aux yeux verts, s'approcha de lui et posa sa main sur son épaule :

« - Salut Lysandre. Triste endroit pour mourir non ?

- En effet Iris. A-t-il des effets personnels sur lui ?

- Oui. Ses poches ont été retournées, mais rien ne semble avoir disparu.

- Très bien. Quelle est la cause de la mort ?

- A première vue, c'est cette plaie à l'abdomen. Mais je ne pourrais le confirmer qu'après l'autopsie. Il a été assassiné entre minuit et quatre heures du matin.

- D'accord. »

Le victorien se releva, épousseta son long manteau recouvert de neige, et jeta un coup d'oeil autour de lui. Les policiers s'affairaient à repousser les quelques personnes présentes étrangères à l'affaire. Des experts de la police scientifique, portant tous une combinaison blanche intégrale avec un masque de protection et des sur-chaussures étaient occupés à relever le moindre indice qui leur paraissait important. Un homme, qui semblait être le patron du bar, se tenait appuyé au chambranle de la porte, et observait l'agitation d'un air mécontent. Lysandre se dirigea vers lui, et s'arrêta à une distance respectable de l'individu. Ce dernier toisa l'inspecteur, puis, quand il vit son badge indiquant qu'il appartenait à la police, cracha :

« - Vous n'avez rien d'autre à foutre que de venir chambouler mon business ?! Vous faîtes fuir tous les clients bordel ! Vous avez qu'à déplacer ce cadavre dans la forêt !

- Monsieur, commença l'inspecteur d'un ton patient. Nous ne faisons que suivre la procédure. Le déplacement du corps ne pourrait que compromettre d'éventuels indices.

- Mais je m'en contrefous de tes indices à la c*n ! T'es sourd ou quoi ? Tous mes clients sont en train de partir ! »

Lysandre soupira devant tant de mauvaise volonté :

« - Écoutez. Si vous coopérez, enfin, du moins si vous évitez de perturber le bon fonctionnement de l'enquête, nous serons partis avant midi. »

Le patron ouvrit et referma la bouche pendant quelques instants, puis, n'ayant pas de réplique cinglante à offrir, tourna les talons en grommelant. L'inspecteur le suivit, et pénétra à sa suite dans le bar. Il fronça immédiatement le nez devant la forte odeur de transpiration, d'alcool et de parfum mêlés. L'endroit était sombre, éclairé par énormément de lampes qui diffusaient une lumière tamisée. Une sorte de piste de danse était aménagée au centre de la pièce. Le long des murs étaient disposées des rangées de tables entourées de chaises à l'aspect miteux. Un bar sale occupait un tiers de l'espace, et derrière se tenait une jeune asiatique au look punk. Ses cheveux noirs de jais étaient coiffés en crête, et parsemés de couleurs vives. Sa bouche, rehaussée par un rouge à lèvre du plus mauvais goût, formait une moue appréciatrice tandis qu'elle détaillait également Lysandre. Sa tenue était composée d'une mini-jupe en cuir, portée sur des collants rouges déchirés et de vertigineux talons. Elle portait un corset recouvert de dentelles noires, à moitié caché par un perfecto en cuir. L'inspecteur s'approcha d'elle, et engagea la conversation :

« - Lysandre Trémère, je travaille avec la police. J'enquête sur le meurtre qui a été commis dans la nuit.

- Enchantée beau gosse. Moi, c'est Li. Je travaillais ici hier soir.

– Bien, vous allez peut-être pouvoir m'aider. Il sortit son calepin. La victime s'appelait Castiel Donovan.

- Ah, je vois. Je le connaissais, il venait souvent ici. »

Le jeune homme sentait qu'elle lui cachait quelque chose. Son débit de parole était trop rapide. Il lui demanda :

« - Savez-vous s'il avait des ennemis ?

- Oh, bien sûr. Dans ce milieu, tout le monde en a.

- Ce milieu? »

Comme prise en faute, la serveuse rougit et baissa la tête, avant de s'emparer d'un verre mouillé et de l'essuyer frénétiquement. Elle se racla la gorge et marmonna :

« - Oui, vous savez, le milieu de... La rue presque, tout le monde se connaît, mais tout le monde ne veut pas que l'autre le dépasse. Alors... Oui, il avait sûrement des ennemis. D'ailleurs! »

Elle sembla soulager de détourner légèrement le sujet :

« - Hier soir, je l'ai vu se disputer avec Ange. Ils étaient en plein milieu de la piste de danse, et semblaient vraiment s'engueuler. Mais j'ai pas pu les entendre, y'avait trop de monde et de musique. Mais en tout cas, à un moment, elle l'a giflé et est partie en le laissant en plan. Il a semblé surpris, puis il est sorti à son tour.

- Elle s'appelle vraiment Ange ? Ce n'est pas un nom d'emprunt ?

- Oh non, je crois que c'est son vrai nom. Ange Carter.

- D'accord, merci. »

Lysandre nota soigneusement ce nom sur son calepin, puis, après avoir interrogé les autres personnes présentes, qui ne lui apprirent rien de concret, il sortit du bar.


Suspecte n°1 (Amour Sucré) ✅Où les histoires vivent. Découvrez maintenant