Chapitre 1 : Causes et Conséquences 6/6

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Dame Daena Palas-Farill

La salle était immense, circulaire et résonnait des cris des quelques trois cents sénateurs qui avaient pris place sur des bancs en bois recouverts de satin ocre et brodés de différents motifs selon les races ou l'origine des participants, comme autant de blasons familiaux.

Sous une voute constellée de vitraux autour de laquelle tournoyaient en circuits continus, anneaux de feu vivace, des flammes, le chahut des discussions, des interpellations et des outrages éclatait : la séance allait démarrer à Kérynie, capitale de l'Empire Naissant.

Nombre de races qui autrefois se seraient entretuées, se côtoyaient aujourd'hui dans une relative paix, discutant, se souriant, s'insultant parfois, se réconciliant rapidement dans l'une des nombreuses auberges de la ville aux cent chutes d'eau.

Ici des nains, bruyants malgré leur taille, tentant comme chaque mois de faire accepter l'usage de l'alcool comme boisson obligatoire dans l'armée, déçus une fois de plus mais pas pour un temps plus long que la distance qui les séparait de l'auberge la plus proche. Leur peau blanche, leurs crinières entrelacées et leur bonhommie écrasaient en puissance tous les autres rires de cette estimable assemblée et, exception faite de ceux qui n'avaient pas pu entrer pour cause d'ébriété, ils constituaient toujours une puissante force politique ; braillards, fortes têtes, grandes gueules mais loyaux et infiniment durs à la tâche, ils forçaient le respect et partout dans l'Arche on les trouvait affairés à construire, réparer, forger et...cuver.

Là, les peuples Farrs, les descendants directs des fées, nobles, grands, calmes et modérés, sérieux en toute tâche et excellents gestionnaires, se répartissaient en sous-groupes selon les populations de fées dont ils étaient issus, des Nobles, manipulateurs du Pouvoir, aux curieux Laémis, invisibles dans certaines circonstances, mais on n'y trouvait presqu'une dizaine d'autres types, tous mélangés, tous frères depuis des temps immémoriaux comme l'était leur espérance de vie. Leurs yeux en amande, leur chevelure vivace et leur corps gracile mis en valeur par des tenues recherchées attiraient en tout lieu le regard de l'esthète et les pensées du sage qui désirait bonne compagnie. Au milieu, les Liens, le groupe de Dérénis, flamboyants, mordorés et calmes, souvent soldats et peu présents dans les rangs serrés sénatoriaux, créaient souvent l'admiration quand ils daignaient être présents : personne ne pouvait soutenir leurs yeux enflammés, leurs paroles sibyllines et leur tempérament fougueux, mais ils s'imposaient avec d'autres armes.

Là encore des Daémonites, être étranges aux corps puissants, imposants de par la taille, souvent intimidants mais à la douceur et à la tendresse surprenante, et là des Frey, descendants des Loups Primordiaux, des Draken au corps serpentin et à l'apparence de dragons, des Angelins, aux formes parfaites mais à l'humeur guerrière et vindicative, ici des Kalimshen, êtres aquatiques, savants de génie, et ici encore des Tôlhs et quelques rares Kienans et tous rassemblés ils formaient l'assemblée connue sous le terme de Conseil de l'Arche. Il dirigeait de manière aussi éclairée que possible, tâchant d'organiser les lois afin qu'aucune race ne soit envieuse d'une autre, que chacune, à sa manière, participe à développer ce qu'il avait de plus cher : la civilisation, leur civilisation, après mille années de luttes, de désespoir et de séparation, à se battre chaque jour, à mourir souvent seuls, à dépérir aux souvenirs de ce qui était perdu. Le Conseil apportait l'espoir, développait l'érudition, formait des générations d'artisans, de savants, de travailleurs et de colons qui d'ouest en est faisaient reculer, malgré les dangers, l'obscurantisme, la nature sauvage, cruelle et incontrôlée et qui préparaient chaque peuple à se défendre contre leurs ennemis communs : les hommes.

Daédalen, Kérynie, les Abysses...des cités illuminées par la pensée, l'évolution et la culture, et malgré les inévitables conflits que la complexité géopolitique imposait à leurs élites, la foi et l'espoir était un ciment plus efficace.

Alpha: La Forge de La DestinéeWhere stories live. Discover now