Chapitre I

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Assise sur sa chaise au dernier rang elle regardait par la fenêtre, rêveuse. Elle fixait le paysage dehors tout en écoutant les paroles que desservait son professeur sur elle et les autres élèves. Quand soudain il l'interpela :

« Mademoiselle Roberts, vous feriez-nous l'honneur de diriger votre attention vers moi ? »

Maud rougit et ainsi baissa la tête afin que ses longs cheveux bruns la masquent. Puis elle se redressa et marmonna un oui. Le professeur se concentra alors à nouveau dans son cours jusqu'à ce que la sonnerie retentisse. Au son, Maud se raidit sachant qu'elle allait encore devoir éviter tous les corps présents dans le lycée. Elle attendait toujours que tout le monde soit sorti de la pièce avant de faire de même de manière à n'avoir de contact avec personne. Ne serait-ce qu'un unique frôlement. Elle sortit enfin et repéra rapidement un chemin à se frayer pour sortir de l'établissement. Devant ce couloir empli d'adolescents qui parlaient et riaient, Maud trembla d'appréhension. Elle serra fort ses affaires dans ses bras et se dirigea, alerte, vers la sortie. Elle franchit la grande porte et se retrouva dehors. Elle dévala les escaliers, marcha précipitamment sur la pelouse fraîchement coupée et se rendit vers sa petite voiture sans permis. Enfin, à l'intérieur elle poussa un long soupir de soulagement. Sa journée s'était passée sans accident. Certains jours, elle ne faisait pas assez attention et touchait malencontreusement quelqu'un. Elle se mettait alors à fuir vers les toilettes pendant qu'un sanglot montait dans sa gorge. Elle pouvait rester cloîtrée dans les cabinets un long moment le corps tétanisé de peur. Ces moments-là elle les craignait inconditionnellement. Elle démarra et entreprit son chemin pour aller chez elle. À peine rentrée, elle alla dans la cuisine saluer sa mère, puis monta dans sa chambre faire ses devoirs.

Quelques fois, le simple fait de voir sa mère la rendait triste. Voir son regard lui brisait un peu plus le cœur. La jeune fille savait très bien que sa mère souffrait de son manque de proximité, bien sûr sa mère ne lui faisait pas savoir mais la moue qu'elle arborait en regardant sa fille disait tout. La femme d'âge mûr ne souhaitait qu'un simple geste, un câlin mais sa fille ne pouvait lui offrir. Alors elle se taisait, car elle protégeait son enfant et se sacrifiait. C'est ce que font toutes les mères non ?

Maud désormais à l'étage s'assit sur son grand lit et sortit ses affaires de cours pour faire ses devoirs. Un peu plus tard, plongée dans ses cahiers, elle n'entendit pas son père entrer dans sa chambre. Sentant soudain un souffle sur elle quand il lui dit bonjour, elle sursauta et poussa un cri en reculant instinctivement. Reconnaissant son père, elle s'excusa et prit de ses nouvelles. Il partit peu de temps après. Malgré tout, son cœur battait toujours aussi fort contre sa poitrine. C'était toujours comme ça. Les sursauts, les sueurs froides, les cris, les pleurs, le tambourinement de son cœur, la sensation de brûlure. Elle ressentait tous ces symptômes à chaque toucher, aussi léger était-il. Elle ne pouvait rester près de quelqu'un de peur qu'il initie un contact. Et elle se maudissait pour cela. Mais c'est ainsi, elle était Thixophobe.

Maud ne savait pas vraiment pourquoi cette peur avait commencé. Vers ces quatre ans, elle commença à refuser le contact, mais elle ne faisait pas de crises telles que maintenant. Dans ses heures de solitude, elle y avait beaucoup pensé mais elle ne saura sans doute jamais la cause de ce malaise. Sa psychologue avait essayé de l'aider mais rien ne fonctionna. Elle était désormais faite à l'idée qu'elle resterait emprisonnée dans ce mal, ce fléau. Elle se consolait dans ses livres, car autant elle haïssait le contact physique autant elle ne le détestait sur les autres. Elle rêvait d'être cette héroïne qui tombait amoureuse du bel homme et qui sauvait tout le monde, de ses mains. Elle rêvait d'être cette peluche que tous les enfants câlinaient et qui ne semblait jamais désapprouver. Elle rêvait d'être ce brave médecin qui embrassait de son étreinte chaque personne même les lépreux avec ses bras réconfortants. Elle rêvait de ne pas être elle-même.

Elle entendit soudain sa mère l'appeler pour qu'elle vienne manger et cela la tira hors de ses pensées. Elle descendit l'escalier et se dirigea vers la salle à manger. Son cœur se serra quand elle ne vit que deux assiettes sur la table et qu'elle en déduisit que son père ne mangeait pas avec elles. Elle se mit à table et se servit ainsi que sa mère. Elles mangèrent en parlant sans vraiment parler. Aucune n'osant entamer un sujet trop personnel. Elles se gardaient aux banalités pour se donner l'illusion que tout allait bien, tant qu'elles communiquaient. Après le dîner, Maud débarrassa la table, dit bonne nuit à ses parents et alla se coucher. Elle se glissa dans son lit et prit son livre actuel. Elle lut un peu puis s'endormit difficilement en pensant à son existence.

ThixophobieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant