Chapitre II

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Maud était au centre d'une sorte labyrinthe. À côté d'elle il y avait une petite fontaine dans laquelle elle se rafraîchit. Elle entendit des pas qui se rapprochaient derrière elle, mais étrangement elle ne se raidit pas. Son cœur resta à allure normale. Elle sentit deux bras la serrer contre elle et la jeune fille se laissa entraîner dans l'étreinte. Elle voulut se retourner pour voir le visage associé à ces bras masculins mais ils disparurent. Son rêve s'évapora et elle se réveilla.

Ces rêves de toucher quelqu'un se produisaient souvent, depuis sa tendre enfance.
Quand elle s'éveillait elle se sentait toujours triste et handicapée. Stupide aussi, de ne pas pouvoir supporter un simple contact. Et elle se maudissait profondément.

Maud regarda l'heure : 4h53. Elle soupira car elle ne devait se lever qu'à 6h00 et elle gâchait du temps de sommeil. Insomnie.
Aujourd'hui, elle allait s'inscrire au club de débat. Cette année elle avait pour objectif de se socialiser un minimum. Enfin, son père avait cet objectif, il l'avait obligée à choisir un club où s'inscrire pour commencer. Et elle avait préféré celui-ci car elle aimait exposer ses pensées, poser ses arguments et rencontrer des désaccords avec d'autres personnes pour débattre. Elle sentit une boule se former dans son estomac à la pensée de s'inscrire et de rencontrer de nouvelles personnes. Depuis toute petite, elle avait peur du rejet quant à sa phobie, si bien qu'elle n'avait jamais essayé de s'intégrer.
La jeune fille prit son livre préféré pour se détendre et lut jusqu'à ce que son réveil sonne. Elle l'éteignit et se leva. Elle se prépara et se rendit à son lycée. Elle commençait avec un cours de maths, peut être un bon signe car c'était sa matière préférée. Les nombres étaient logiques, sans sentiments. Son contraire mais ces qualités ou défauts selon le point de vue étaient ses traits de caractères qu'elle détestait le plus chez elle-même.

Les deux heures passèrent vite et ce fut l'heure de la pause du matin. Ce fut l'heure de son inscription.
Comme d'habitude, elle attendit que la salle soit vide et marcha lentement jusqu'à la porte. Sur le seuil, elle fut envahie par une sensation d'oppression. Beaucoup d'élèves étaient regroupés devant la pièce en face d'elle et elle se sentait emprisonnée. La lycéenne inspecta autour d'elle et choisit de se terrer dans un coin reculé pour attendre que le monde se dissipe. Après dix bonnes minutes, Maud prit courage et se dirigea vers la salle d'inscription. Elle pénétra à l'intérieur et repéra immédiatement le stand réservé au club de débats. Elle avancait lentement en traînant des pieds, la tête baissée, mais arriva tout de même devant la table. Une voix masculine lui parvint.

« Tu veux quelque chose ? »

Maud se redressa et regarda son interlocuteur. C'était un lycéen de dernière année, enfin elle supposait. Elle l'avait peut-être déjà aperçu, au détour d'un couloir. Il était grand, très grand. Les cheveux et les yeux bruns, très foncés. Le visage anguleux et la peau légèrement bronzée. Soudain, la jeune fille se rendit compte que le jeune garçon attendait toujours sa réponse.

« Euh... oui, il reste des places dans votre club ? Je voudrais m'inscrire. »

Il sourit et fouilla dans ses affaires.

« Oui bien sûr ! Attends deux secondes je cherche les papiers d'inscription. Moi c'est Aaron, et toi ? »
- Mmm... Maud. »

Elle savait très bien qu'il connaissait son nom. Tout le monde la connaissait au lycée, malheureusement la plupart la dépeignait comme une folle. Elle l'était peut-être d'ailleurs. Enfin, elle avait apprécié à coup sûr qu'il lui demandât.

« Tiens, voilà. »

Aaron tendit les papiers à Maud qui n'osait s'approcher de cette main dangereuse. Il la fixait dans l'incompréhension, puis ses yeux s'illuminèrent et il posa les documents sur la table, en murmurant des excuses.

« Non non c'est... ce n'est rien. Tu sais c'est de ma faute
- J'aurais dû... »

Il hésitait, Maud ne comprenait la cause. La sonnerie retentit.

« Bon, à la prochaine fois. »

Elle le regarda une dernière fois, et partit dans son prochain cours.
Elle ne le vit jamais, mais le jeune garçon resta figé pendant plusieurs minutes.
Quand il sortit de sa transe, il partit dans sa classe. Il toqua à la porte et on lui dit d'entrer.

« Enfin, M. Tremblay ! Vous daignez nous rejoindre finalement.
Installez-vous à votre place et tâchez d'écouter. Pour une fois, ne sombrez pas en catalepsie. Mot que vous chercherez dans le dictionnaire pour demain. »

ThixophobieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant