III

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Nous marchons côte à côte, moi, la main posée sur son épaule, elle, tenant le bas de ma veste noire. Je la serre contre moi, et elle ne proteste pas.

Dans la rue bondée, nous nous frayons un chemin à travers les passants pressés. Nous marchons d'un pas rapide. Elle ne proteste toujours pas, et continue à traîner ses petites jambes pour tenir le même rythme que moi.

Elle porte une jolie robe en dentelle, qui lui arrive aux genoux. Alors, un souvenir remonte soudain à la surface. Des images passent devant mes yeux ouverts. Je ralentis le pas, déstabilisée pas cette sensation étrange qui m'envahit.

Je me revois, plus jeune. Mon visage triste détonnait avec ma robe de dentelle sophistiquée et joyeuse. Mes yeux bleus étaient rougis par les larmes.

Ce souvenir me fait soupirer. C'était le jour de mon mariage, notre jour. Cette journée aurait dû être synonyme de joie, d'amour et de bonheur. Mes yeux auraient dû être rougis pas des larmes d'amour. Ma chère tête brune et moi aurions dû nous étouffer d'allégresse.

Enfin, cette journée aurait dû être parfaite, tellement parfaite, si seulement mes parents n'avaient pas été lâchement assassinés quelques jours plus tôt. Des obus, des fusils, trois coups de feu et c'était fini. Cette symphonie macabre avait résonné en eux comme la mélodie de leur mort prochaine.

Dans ma robe blanche parsemée de dentelle, sur laquelle aurait dû se poser la main de mon père, je m'avançais vers l'autel, vers lui.

Un sentiment atroce m'avait envahie à ce moment-là car mes yeux ne savaient plus où se poser : la chaise vide de ma mère ou le regard amoureux et désolé de Daniel.

J'ouvre à nouveau les yeux tout en essayant de masquer mes émotions. Je la serre encore plus contre moi et nous entrons dans le tramway.

L'allée des souvenirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant