Episode 4

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Assis sur le tapis d'aiguilles, adossé au tronc du pin géant, j'observais mon compagnon faire les cent pas devant moi. Je trouvais surprenante la rapidité avec laquelle mes sentiments envers cet homme avaient évolué en seulement quelques heures de la peur au respect, puis à l'exaspération. Lui qui m'avait tellement impressionné lors de notre rencontre, tant par son effrayante apparence que par son stoïcisme déconcertant, était maintenant complètement débordé par ses émotions et semblait incapable de se calmer. Je ne comprenais pas son comportement ; certes cette expérience avait été désagréable, mais il avait fait ce qu'il fallait et nous étions tous deux sains et saufs.

J'entrepris une énième fois de le rassurer :

« Vous n'avez rien à vous reprocher. »

Il me répondit nerveusement, sans cesser de tourner en rond :

« Si ! J'aurais dû le prévoir. J'aurais dû me rendre compte que le breuvage ne faisait plus effet et faire preuve d'un peu plus d'anticipation.

- Oh là ! Attendez. Quel breuvage ? De quoi parlez-vous ?

- Le breuvage olfacto-anesthésique que je vous ai administré pendant votre sommeil. »

Il ne sembla pas réaliser à quel point ces mots, qu'il venait de me jeter à la face avec un naturel désarmant, sans même prendre la peine d'interrompre ses allées et venues, provoquèrent en moi un tourbillon de questionnement et d'indignation. Il n'était décidément pas doué en communication.

« Quoi?! » répondis-je simplement, abasourdi.

Sans réfléchir, je me levai et saisis l'homme par les avant bras pour le contraindre à l'immobilité. J'eus un instant d'hésitation lorsque mes yeux se posèrent sur son visage vide, puis, dans un sursaut de courage, je tentai de m'imposer :

« Ça suffit, maintenant ! Vous me devez des explications ! »

Les secondes qui suivirent sont particulièrement difficiles à décrire. En l'absence d'expression sur son visage, il m'était impossible de deviner ce qui lui passait par la tête. L'audace qui m'avait saisi me quitta tout à coup comme elle était venue, et je le lâchai. Je me retournai, m'éloignai de quelques mètres et, tout en lui tournant le dos, je l'implorai :

« S'il vous plaît, éclairez-moi. Je ne comprends rien à ce qui se passe ici. »

Un court moment, qui me sembla une éternité, s'écoula avant que je reçoive une réponse.

« Asseyons-nous. Je vais tout vous raconter. »

Il entreprit alors le récit le plus fantastique qu'il m'ait été donné d'entendre :

« Lorsque nous nous sommes retrouvés ici, il n'y avait rien. Rien que vous, moi, mon glairon, et de l'herbe à perte de vue. Vous étiez allongés, inconscient. Alors j'ai joué de mon instrument. Bien sûr, je connaissais les conséquences de cet acte, mais voyant votre état, je me suis dit qu'il s'agissait probablement là de la première tâche de ma mission en ce monde. Le résultat ne s'est pas fait attendre... »

Il fit une pause. J'étais suspendu à ses lèvres. Pour le moment, son histoire ne faisait qu'épaissir le mystère. J'étais d'ailleurs sur le point de lui faire part de mon incompréhension quand il reprit :

« Tout d'abord, notre ami le pin est apparu. Il a percé le sol dans un tremblement de terre inouï et s'est érigé dans une ascension à n'en plus finir. Malgré le vacarme, vous n'avez alors émis qu'un vague ronchonnement. Vous n'étiez visiblement pas prêt. Puis, peu de temps après que le pin ait atteint sa taille finale, le chant s'est fait entendre. L'octopode est apparu dans le ciel, et je n'ai eu que le temps de vous mettre à l'abri sous l'arbre. L'odeur vous a tellement soulevé le cœur que vous avez été pris d'une crise de démence. Vous étiez en proie aux pires cauchemars à chaque passage de cette ignoble créature. J'ai alors pris sur moi de concocter un breuvage avec ce que j'avais sous la main, afin d'anesthésier votre odorat et de vous permettre d'achever votre convalescence pour vous réveiller en pleine forme. »

Les Imprévisibles aventures d'Emixam SiobudOù les histoires vivent. Découvrez maintenant