J'observai le glouton avec stupeur : il fallait l'empêcher de nuire au plus vite.
« Eh bien, lançai-je à l'attention de mon compagnon, puisque cet animal est docile, je vais commencer par le tenir éloigné du pin. On avisera ensuite. »
Tout en parlant, j'avais fait un pas en direction du glouton. Il se crispa immédiatement ; ses yeux se plissèrent, ses oreilles se rabattirent en arrière. Les poils hérissés et la queue tendue, il se mit à feuler en me montrant les dents.
« Attendez ! me dit l'homme en blanc. J'ai dit qu'il ne nous attaquerait pas. Pas qu'il ne se défendrait pas si nous décidions de l'attaquer nous-mêmes. Le glouton n'a qu'une passion dans l'existence : sa nourriture. Si vous faites mine de l'en écarter, il peut devenir très agressif. »
De l'art de souffler le chaud et le froid. Je restai un instant interloqué devant le petit animal qui me faisait face en maintenant sa posture menaçante. Je ne pouvais laisser cette créature se repaître de ma mémoire sans réagir.
« Nous sommes deux, poursuivis-je, nous pourrions tenter le coup. Que risquons-nous, au pire ? Une morsure, quelques coups de griffes ? Rien de bien méchant... du moins je l'espère. »
L'homme en blanc resta silencieux un instant.
« J'ai une idée. » répondit-il simplement sans plus d'explications.
Il disparut quelques secondes derrière le tronc, et revint avec son baluchon de tissu blanc qu'il défit sans se hâter. Il en sortit les morceaux qu'il avait arrachés et les posa au sol, non sans rechigner, puis il tendit le reste de la toge en écartant les bras.
« Êtes-vous prêt ? »
Je devinai ses intentions, mais je n'eus pas le temps de réagir. Sans prévenir, il bondit sur le glouton et l'emprisonna sous le tissu.
« Vite, empaquetons-le! » lança-t-il à mon attention pour que je vienne lui prêter main forte.
J'hésitai un instant. L'assaut surprise qu'il venait de mener sur cette pauvre petite créature m'avait paru inutilement violent. L'homme en blanc sentit mon hésitation :
« Vous voulez l'empêcher de nuire ou non ? »
Évidemment. Je plongeai sur le tissu blanc et tentai tant bien que mal de m'emparer de la protubérance qui s'agitait en couinant. Tandis que j'assurai ma prise, mon compagnon saisit les extrémités de la toge et les noua fermement pour éviter que la créature ne puisse s'en échapper. Je me laissai tomber en arrière et soufflai longuement en regardant le paquet qui remuait en hurlant. Je n'étais pas à l'aise, mais je balayai ma compassion en songeant au danger que représentait cet animal. Je pris alors peur en imaginant les conséquences probables de notre acte.
« Les autres créatures ne risquent-elles pas de venir pour le délivrer, et nous attaquer par la même occasion ?
- En d'autres circonstances, peut-être. Mais toutes deux détestent l'eau. L'octopode volant ne descendra pas sous les nuages, il ne pourra donc pas nous atteindre, ni même nous voir. Le colosse reptilien, quant à lui, s'est probablement creusé un trou pour s'abriter. Tant qu'il pleuvra, nous pouvons être sereins. »
J'étais soulagé. Je n'avais aucune envie de subir une seconde fois les effets du passage de l'octopode volant dans les environs. Quand je songeai au colosse reptilien, un éclair me traversa l'esprit :
« Creusé un trou, vous dites ? Mais oui, c'est ça ! »
Mon compagnon comprit mon excitation. C'était donc cet horrible monstre qui allait me servir d'outil pour faire jaillir la vérité, dixit le papier rose.
VOUS LISEZ
Les Imprévisibles aventures d'Emixam Siobud
Misterio / SuspensoLes plus belles aventures ne sont pas celles qu'on planifie, qu'on organise ou même qu'on aspire à vivre. Ce sont celles qui s'offrent à nous sans qu'on y soit préparé. Dans ces aventures inattendues, ce n'est pas l'homme qui fait le héros, mais le...