Charlie

Chapitre Quatre - « Je n'ai besoin de personne »

- Anna, je t'avais dit de venir plus tard, dit Joe en passant sa tête dans l'encadrement de la porte

La jeune femme l'ignore, quitte son manteau puis son écharpe et les accroche sur le porte-manteau. Elle va poser son sac en cuisine puis se lave les mains et observe la préparation qu'a fait Joe. Il faut qu'elle fasse les cupcakes à la vanille. Elle sort les ingrédients et les ustensiles nécessaires, elle est prête à commencer, mais elle sent le regard de Joe sur elle et cela la dérange. Elle relève alors la tête et le regarde droit dans les yeux, sans bouger d'un millimètre.

- Ne me regarde pas comme ça Anna, tu n'es même pas capable d'écouter ton corps, tu te fais du mal. Tu aurais pu profiter d'une heure de sommeil en plus, c'est beaucoup et tu en as besoin parce que c'est l'hiver et que le corps se bat contre les...

- Merci maman, j'y penserais la prochaine fois, répond Anna d'un ton sarcastique

- J'espère pour toi qu'un jour tu comprendras les choses. T'as pas besoin de porter le monde sur tes épaules, t'as à peine dix-huit ans, t'as le droit de craquer et de te mettre un peu au repos, dit Joe en reprenant la cuisine

- Et toi à trente-trois ans tu pourrais savoir te mêler de tes affaires.

Anna sait que c'est la pique de trop, mais elle n'a pas pu s'en empêcher. Les mains de Joe se crispent, l'une sur la spatule qu'il tient et l'autre sur le saladier. Sa respiration s'accélère, mais il ne bouge pas et sa tête est toujours baissée. La jeune femme ne bouge pas non plus, elle regrette d'avoir manqué de respect à son patron, elle voudrait se confondre en excuses, mais elle n'arrive pas à parler, stupéfaite par la limite qu'elle vient de franchir.

- Tu sors, tu vas te calmer et tu vas m'acheter ce qu'il y a d'écrit sur le petit papier accroché au frigo. Maintenant, dit Joe d'un ton très sec

La jeune femme ne réplique pas, elle quitte son tablier, décroche la liste de courses, prend le porte-monnaie réservé aux achats pour la boutique, enfile son manteau ainsi que son écharpe et sort de la boutique. C'est bien fait pour elle, il ne fallait pas qu'elle aille trop loin. Les rues sont encore vides, quelques magasins reçoivent leur livraison et un camion bouche un peu le passage. Anna contourne tout cela et arrive bientôt aux Halles où se tient le marché.

Elle se dirige vers le marchand de fruits, c'est toujours le même depuis qu'elle travaille avec Joe. C'est un monsieur d'une soixantaine d'années qui porte un béret et donc les joues rougissent avec le froid. Anna resserre sa veste autour d'elle et regarde les fruits de saison. Aucun ne correspond avec la liste de Joe, elle se désole, mais soudain elle pense au projet qu'elle avait eu quelques jours plus tôt. Ce mélange de saveurs, litchi-framboise, elle décide d'acheter quelques litchis frais parce que ceux en boîte ne sont bons que pour utiliser le jus. Anna achète les autres fruits indiqués sur la liste puis elle paye et puis rebrousse chemin et se dirige vers Monoprix.

Joe doit être le seul vendeur de cupcakes au monde à acheter ses articles à Monoprix alors qu'il existe des grands magasins spécialisés. Il dit que c'est plus pratique d'aller acheter à côté et puis que c'est plus rapide, aussi. Anna, après avoir marché durant une dizaine de minutes entre dans le magasin qui est chauffé à souhait. Elle part à la recherche de tablettes de chocolat et de levure. Elle va ensuite payer et la caissière n'est pas souriante, elle a envie de la secouer, mais elle se contente de dire merci et de s'enfuir.

Quand Anna retourne à la boutique, il fait un peu plus jour et le soleil commence à éclairer la rue. La jeune femme ouvre la porte vitrée, fait tinter le carillon puis va déposer ses achats sur le plan de travail de la cuisine et se débarrasse de ses affaires avant de ranger tous les ingrédients qu'elle est allée chercher. Elle se lave les mains, attache ses cheveux et prend tous les ustensiles dont elle a besoin pour préparer une pâte à cupcakes, elle regarde où en est Joe et s'apprête à prendre les ingrédients nécessaires lorsque ce dernier prend la parole.