Chapitre Dix-Huit - « Il n'y a pas de coupable »

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Anna n'arrive pas à trouver le sommeil, elle se tourne encore et encore dans son lit, mais son cerveau refuse de se mettre au repos. La jeune femme se lève alors et ouvre la fenêtre pour laisser entrer de l'air frais dans la pièce. Tout doucement, elle ouvre les volets et regarde vaguement la montagne, au loin.

Du moins, elle regarde ce qu'elle peut distinguer de cette montagne. Le regard de la jeune femme se tourne ensuite vers le ciel. C'est un beau ciel noir parsemé de milliers d'étoiles, Anna fixe une étoile et puis une autre et elle se demande en quelle étoile s'est transformé Adrien. Elle secoue la tête et soupire.

Ce soir, ce n'est pas à cause d'Adrien qu'elle n'arrive pas à dormir, mais c'est parce qu'elle pense à Charlie. Elle pensait qu'elle avait fait le deuil d'une possible amitié entre eux, mais les mots de Katia tournent en boucle dans sa tête. Charlie n'est pas fait pour elle, elle ne peut rien ressentir pour lui, de toute manière, à quoi bon ressentir quoi que cela soit, puisqu'elle ne le reverra jamais.

Finalement, c'est le fait de ne plus voir Charlie qui empêche Anna de dormir, parce qu'elle trouve que tout s'est passé d'une manière brutale. Elle trouve que c'est injuste, que c'est trop bête, qu'il devrait parler de la raison qui l'a poussé à partir, parce que peut-être qu'elle ou bien Joe pourrait trouver une solution.

Anna pense encore et encore à cette situation et puis soudain, elle se rend compte qu'elle ne ressent plus aucune colère à l'égard de Charlie, elle lui a pardonné d'être parti. Alors, Anna est fière d'elle, parce qu'elle a mis sa rancœur de côté et cela ne lui arrive que très rarement. La jeune femme se sent même prête à apporter une aide à Charlie.

Mais Charlie n'a pas envie d'être aidé. Assis contre la porte vitrée de la cuisine, il fixe les étoiles tandis que son cerveau travaille sans relâche. Charlie ne veut pas qu'on l'aide, mais il sait qu'il doit des explications à Joe ainsi qu'à Anna, et peut-être des excuses aussi. Mais comment pourrait-il revenir vers eux, après quatre longs mois de silence ? Charlie secoue la tête et se lève. C'est un homme, il est fort, il est capable de le faire.

* * *

Lorsque le jour se lève, Charlie ne sait plus vraiment ce que c'est que d'être un homme. Il est nerveux, parce qu'il ne sait pas comment on assume ses actes. En réalité, il a toujours été protégé, il n'a jamais fait de bêtises et il n'a jamais été embêté. Mais en quittant la boutique sans aucune explication, il a mal agi, même s'il ne pouvait pas faire autrement. Charlie ne sait pas ce que c'est d'être un vrai homme, parce qu'il n'a pas vraiment eu de modèle dans sa famille.

Ses oncles, ses grands-pères, ce sont tous des hommes, mais des hommes qui n'ont d'yeux que pour l'argent et la réussite, des hommes qui vivent enfermés dans la bulle opaque de l'apparence, du paraître. Ce ne sont pas des hommes courageux, ce sont des lâches qui n'ont pour seule arme que des comptes en banque fournis à souhait.

Ils n'ont pas le sens du bien et du mal, du moment qu'un acte été commis par eux, c'est quelque chose de bien. Mais Charlie n'est pas comme ça, et il ne veut pas devenir comme eux. Non, il veut être courageux, il veut s'opposer à eux, dire ce qu'il pense vraiment et se mettre au service de personnes qui en ont réellement besoin. Il veut être sûr de lui, il veut pouvoir assumer ce qu'il fait.

Mais comment assumer son départ de chez Joe's Cupcake sans ruiner la vie de quelqu'un ? C'est impossible, il va devoir parler, mais les mots refuseront de sortir de sa bouche et les larmes ne remplaceront en rien des explications. Charlie veut être fort, parce que c'est ça pour lui, être un homme.

Il veut rester digne en toutes circonstances. Seulement, ces circonstances-là, elles sont particulièrement douloureuses. Charlie se lève, enfile des vêtements propres et tente de donner de l'allure à ses cheveux. Il quitte ses lunettes de vue et inspire un grand coup.

CharlieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant