tokyo to seoul

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J'entendis rire au loin, ce qui me réveilla. C'était le désordre absolu autour de moi : deux guitares, deux micros et une basse traînaient sur les différentes tables. Plusieurs vêtements s'étalaient pendant qu'un médiateur dormait paisiblement dans ma main. Je me levais, un peu mal au dos. J'avais dormi par terre au milieu de bouts de clopes et de canettes de bière vides. Des bouteilles de rhum et de vodka meublaient également l'espace. Je me trouvais en face d'une suite de miroirs. C'était la loge de X Japan. J'avais assez mal à la tête pour ne pas me souvenir de la veille. Je pris ma veste en cuir que je trouvai par terre, puis sorti de la pièce pour m'élançer dans les escaliers. Mon téléphone, coincé dans ma poche à travers les plis du pantalon froissé, sonna. C'était Toshi.

« Alors Mika, bien dormi ?

Ce mec savait comment m'énerver. ⠀

- Accouche ! lui répondis-je agacée.
- Calme toi je voulais juste te prévenir que tu dois te préparer, tu pars aujourd'hui.
- Je pars ? ⠀
- Bah oui tu pars à Séoul, en Corée !
- Ah oui... j'étais complètement passée à coté.

Ce con de hide... Une autre voix me coupa.

- Bon alors, t'es prête ?

L'image de son sourire en l'entendant à l'autre bout de la ligne. Je soupirais.

- Pourquoi j'ai accepté ce genre de truc foireux encore moi ?
- T'as pas pu me résister ! me répondit-il d'un ton enjoué.
- Ou alors tu m'as forcé !
- Ahah mais ça va être cool j'te dis ! Voyager seul est vraiment enrichissant. Fais moi confiance baby.
- Calme toi. J'imagine que ça peut être vraiment charmant, mais j'ai la flemme putain. Et puis pas envie de louper vos concerts, tu sais que c'est toute ma vie.
- Mais qu'elle est mignonne. Va découvrir de nouvelles choses, de nouveaux horizons, me rétorquait-il. Et puis rappelle-toi que tu es déjà venue hier.
- De nouveaux horizons hein, comme on dit n'est-ce pas ?
- Ton train est à 10 h 31. »

Je lui raccrochais au nez. Il était presque 10 h, je me dirigeais vers la gare.
Arrivant, je pris mon billet et montai sur le quai.

J'y vis un homme avec des lunettes de soleil, un ensemble de survêtement et un bonnet ridicule de par lequel ressortaient des cheveux rouges. Il portait une guitare. Je souris à la vue de sa langue tirée. Je m'avançai. Il me tendit la guitare et plusieurs paquets de Deep Blood. C'était mes seuls bagages.

Deep Blood était notre marque de clopes préférée et accessoirement le blase de mon groupe.

J'entendis alors un murmure au loin :
« Et regarde, ce ne serait pas hide et Mika ? »
Je n'étais pas d'humeur à ça aujourd'hui. Je tirai donc instinctivement le bras de hide jusqu'à l'intérieur du train et fermai la porte.

Il me prit la guitare des mains et la rangeai au dessus du premier siège qui se trouvait là. Il sortit ensuite une clope et commença à fumer malgré l'interdiction. Je la lui pris de la bouche pour tirer une taffe à mon tour. Ensuite je l'embrassai puis lui remis la clope en bouche. Il sourit.

« Aller, casse-toi maintenant . »

C'est ce qu'il fit. Ce fut rapide mais suffisant j'aurais dit.

Je le vis descendre du train accueilli par ses fans qui lui demandaient autographes et photos. Mon train partit. J'avais environ 6 h de trajet, avec un changement à Ōsaka. Je soupirais. Maintenant je devais boire en solo. C'est dommage. X Japan étaient des amis très précieux, surtout hide. Il était pour moi ce que l'écume était pour les vagues. Les gens nous qualifiaient d'âmes sœurs. Moi je nous qualifiais de fous.

Le paysage défilait monotonement à travers la fenêtre tout en attirant mon attention. Cette campagne pittoresque m'ensorcelait. Au loin, les montagnes m'appelaient. Les arbres encore relativement verts me fredonnaient une mélodie venant tout droit de leur cœur, de leur essence de vie. J'avais envie de sauter de ce train pour courir les rejoindre. Pourtant je partais actuellement en "vacances", il ne devait normalement pas avoir une once d'ennui dans ce mot. Mais c'était plus fort que moi, rien ne m'enjouait à l'idée de cette escapade toute particulière.

« Pour ton autonomie et ta maturité » qu'ils m'avaient affirmé. J'estimais encore être assez grande pour parvenir à mon développement personnel par moi-même, mais apparemment eux me jugeait différemment. Et ils n'avaient pas tord. Au fond j'étais la plus gamine possible qui essayait de faire la dure.

Au bout d'un certain temps, je tombai dans les bras de Morphée.

Je sentis un courant d'air qui me réveillai. Les gens descendaient, on était arrivé dans la capitale du Kansai. Je me dirigeai vers la sortie à mon tour. Une fois en bas, mon regard croisa celui du panneau d'affichage qui m'indiqua la voie à suivre pour Fukuoka. Je connaissais cette ville et pourtant cette gare m'était comme un étranger qu'on croise à Asakusa. Je me sentais perdue, loin de mes repères, et c'était que le début. J'avais environ 20 minutes pour changer de train, ce qui était pour moi amplement suffisant.

Après un deuxième trajet en train un peu plus court que le premier, je filais vers le port de Fukuoka en cette fin d'après-midi, il était 17 h 04. J'embarquai dans le ferry, j'avais 3 h de bateau.

L'océan était d'un bleu doux, limpide et profond. Un bleu véritable. C'était magnifique, le soleil brillait sur les vagues qui s'en allaient au loin. Le paysage était cependant pollué par ces grands terminaux qui bordaient la brèche maritime. Le fond de l'horizon par contre, restait neutre en montrant uniquement l'eau qui s'étendait à perte de vue. Le ciel ne présentait pas beaucoup de nuages, ce qui permettait d'accentuer l'éclat de la splendeur de cette scène. On se serait sûrement cru dans une peinture abstraite de toute sensation.

J'enfilai mes écouteurs, Art of Life, une chanson de 29 minutes, de X Japan, comme l'on aurait pu s'y attendre. J'adorais cette chanson. Je l'admirais. Elle passait d'une ballade symphonique à du heavy métal si rapidement. Avec cette chanson le temps passait plus vite, elle nous emmenait loin de toutes nos hésitations, de toutes nos réflexions chiantes ou de nos dossiers beaucoup trop compliqué à réaliser.

J'étais maintenant arrivée. Il me restait encore un énième voyage avant d'arriver à la capitale coréenne : 2 h 40 de train. La fatigue commençait à s'emparer de tout mon corps et non plus uniquement de mon esprit. Sans parler du concert et de la soirée d'hier qui ne m'avait laissé que peu de temps de sommeil.

J'arrivais enfin à ma destination : Séoul. Guitare dans le dos, clope en bouche, je sortis de la gare et je marchai. Je découvrais une ville plutôt originale, avec de grands axes, de gros points lumineux multicolores qui brillaient un peu partout dans la pénombre de la nuit. Il était 23 h.

I've Nothing To LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant