Les Fabuleuses Aventures De Nicholas Wilde

Nicholas Wilde et les rêves enfantins

Toujours en évitant son regard, le Marchand s'approcha. Lorsqu'il arriva en face de lui, Nicholas décela une étincelle de joie mêlée à de la fierté dans ses yeux.
- Toi être une curieuse créature Étranger. Le Marchand ne sait pas d'où toi venir ni comment toi être né mais il sait qu'il peut faire confiance à l'Étranger. Le Dieu-Soleil lui avoir dit.
- Parfait, répondit Nicholas en souriant, quand pourrais-je le rencontrer ?
Le Marchand le regarda comme s'il était le dernier des imbéciles vivant sur Terre.
- Toi pas demander ça. Le Marchand être son messager, affirma-t-il comme si c'était une évidence.
- Bon très bien Messager, persévéra Nicholas, où suis-je et surtout... Quand suis-je ? Et quelle est cette fameuse mission qui m'est attribuée ?
Pour la première fois depuis leur rencontre, le Marchand souria.
- Étranger ne pas avoir encore compris !
Il fit un vaste mouvement de bras pour désigner l'environnement qui les entourait.
- Ça être dans ta tête ! Ça pas avoir de date et ça pas exister ! Ça être le Grand Désert du Dieu-Soleil ! Le Marchand est appelé avec beaucoup de noms, comme le Marchand de sable par exemple. Il s'occupe du sable des enfants et le protège pour le Dieu-Soleil. Le sable être les rêves des enfants. Partout, les enfants rêvent. Chaque grains de sable qu'Étranger voit autour de lui être un rêve, pour un enfant du monde. Et le Marchand de rêves veiller dessus avec le Dieu-Soleil. Toi Étranger, tu dois les protéger avec nous.
Nicholas laissa tomber la datte qu'il mâchouillait par terre. Jamais, ô grand jamais, il n'avait entendu pareille histoire. Il avait croisé bien des charlatants et bien nombreux étaient-ils à prétendre qu'ils étaient le messie d'une quelconque divinité.
Mais alors un désert des rêves et un Dieu-Soleil, ça c'était nouveau ! Il afficha un grand sourire. Toute cette affaire bien mystérieuse commençait sérieusement à l'exciter au plus haut point.
- Rien que ça ! Et pourquoi devrais-je te croire Marchand de sable ? As-tu une preuve de ce que tu avances ?
Le bonhomme ne répondit rien. Il scruta un instant Nicholas dans le blanc des yeux puis se détourna. Il sortit de la tente et prit une poignée de sable dans sa main. Il se posta face à Nicholas, et laissa s'écouler le sable entre ses doigts. Fasciné, le justicier du Temps regarda ces grains, ces rêves enfantins, tomber sur les tapisseries comme des étoiles filantes descendant sur Terre. Merveilleux. Splendide. Il n'avait pas d'autre mot. Il était ravi.
- J'accepte ! S'écria-t-il, débordant de joie.
Le Marchand de sable esquissa un sourire.
- Le Dieu-Soleil le savait et il a marqué Étranger pour que le Marchand des rêves le retrouve.
- Je commence à bien apprécier ton Dieu, déclara Nicholas le sourire aux lèvres, alors, par quoi commençons-nous ?
- Par un cadeau.
Nicholas regarda le Marchand ôter une fine chaîne d'autour de son cou. À celle-ci pendouillait une clé dorée, sûrement servant à ouvrir le coffre assorti, supposa le jeune homme. Et il avait raison.
Il entendit un léger déclic et le coffre s'ouvrit.
Le souffle manqua à Nicholas. À l'intérieur, délicatement posée sur un écrin de velours, se trouvait une magnifique montre à gousset aux couleurs cuivres, ornée sur le dessus par une spirale en relief. L'objet était tout simplement de pure beauté. Il semblait luire dans la pénombre de la tente et Nicholas se sentit irrésistiblement attiré par lui. Comme envoûté, il avança lentement la main pour s'en saisir lorsque le Marchand referma violemment le couvercle sur son contenu. Indigné, Nicholas lui jeta un regard brûlant. Cette fois, l'homme du désert ne se déroba pas.
- J'ai compris qui tu étais quand je t'ai aperçu évanoui entre les dunes Nicholas Wilde, déclara-t-il en perdant tout accent, et j'ai compris le rôle qui m'était acquité.
L'intéressé n'en crut pas ses oreilles. Il l'avait dupé ! Il s'était durement fourvoyé en croyant ce drôle de personnage qui jouait la comédie depuis le début ! Comment pouvait-il lui faire confiance à présent ?
Remarquant que la main de Nicholas descendait lentement vers son revolver, le Marchand de sable esquissa un geste de paix.
- Calme Voyageur. Mon intention n'était nullement de te tromper, mais bien de vérifier ton identité. Comprends-moi, ce rôle était nécessaire pour que je te vois tel que tu es réellement. Tout ce que je t'ai révélé jusqu'à présent est la stricte vérité et -il plissa les yeux- les enfants du monde ont besoin de toi. Ces derniers temps, leurs rêves deviennent cauchemards et plusieurs milliers disparaissent, laissant l'enfant sans espoir et sans avenir. Mais je crois que tu sais déjà de quoi je veux parler...
À ces mots, Nicholas passa outre les tromperies du Marchand de sable. Le visage aussi grave et fermé que son interlocuteur, il hocha de la tête, la culpabilité remontant en flèche dans son organisme.
- Je ne peux réparer les erreurs du passé, continua le Marchand d'une voix plus douce, mais je peux te donner des occasions pour te racheter.
Nicholas acquiesça, l'esprit torturé par de douloureux souvenirs, le regard brillant. Il se rassit, déglutit, passa une main dans ses cheveux. Le Marchand revint près de lui et s'empara du coffre.
- Ceci, mon jeune ami, m'a été remis par ton père, Romulus Wilde.
La réaction de Nicholas ne se fit pas attendre. Il releva la tête, comme éléctrocuté. Moult émotions se dessinèrent sur son visage. Il en ressentait tellement qu'il ne savait pas laquelle il devait afficher. Finalement, le désespoir l'emporta et il se retint de verser quelques larmes.
- Oh Père... réussit-il à articuler, la voix lourde de chagrin
Le Marchand posa une main bazanée sur son épaule.
- Je l'ai rencontré bien avant ta naissance. Il revenait d'une aventure parisienne au XIXème siècle, particulièrement dangereuse. Il est arrivé dans le Grand Désert, faible et blessé, le corps ravagé et l'esprit traumatisé. Il est venu frapper à ma porte. J'ignore comment il connaissait mon existence ni qu'est-ce qu'il s'était passé ce jour là. Il n'a jamais voulu me le révéler. Je l'ai accueilli, comme toi, et l'ai nourri. Après quelques heures de repos, il était étonnement déjà sur ses pieds. Ne voulant pas s'attarder davantage, il me fit ses adieux en me remerciant chaleureusement. Toutefois, avant de disparaître, il me fit promettre de "guider sa descendance à travers le Temps et de l'aider à combattre le Mal sous toutes ses formes". Ce sont ses propres mots, précisa-t-il. Et il m'a confié cette montre. Depuis, je la garde précieusement en attendant que l'enfant du Grand Créateur vienne réclamer son dû. C'est toi Nicholas. Tu es un justicier du Temps, et cette montre t'aidera à accomplir ta quête.
Chamboulé par toutes ces révélations, Nicholas sentit soudainement des vertiges lui venir. Son père... Son père était venu ici. Son père avait mentionné son existence au Marchand. Son père si bienveillant qui le protégeait de cette façon encore aujourd'hui. Son père... L'image de son sourire s'imposa dans son esprit. Mordant dans son poing, Nicholas hurla de douleur et ferma les yeux. Une larme unique roula sur sa joue pour venir s'écraser au sol.
Quelques minutes passèrent. Le Marchand respecta la souffrance de son invité, un peu en retrait. Peu à peu, le jeune homme se reprit. Il se redressa et contempla la montre à gousset devant lui.
- Dis moi Marchand, demanda-t-il sans le regarder, à quoi sert-elle ?
- Elle mesure le Temps que tu passes dans chaque époque. Le pouvoir de ta canne s'épuise Nicholas et bientôt, elle ne pourra plus te transporter où que ce soit. Ainsi, il faut que tu accomplisses ta mission au plus vite.
Nicholas acquiesça lentement. Quel beau cadeau... Les pensées s'entrechoquaient encore dans sa tête mais maintenant, il avait un but. Il allait se ressaisir et partir sauver les rêves enfantins. C'était décidé.
Il releva la tête, le regard brûlant et déterminé et resserra sa prise sur son nouvel attribut.
- Père, je n'ai pas pu vous sauver. J'en souffre chaque jour depuis mais j'ai enfin trouvé une occasion de me racheter. Je vais ramener l'ordre et la sécurité dans ces rêves, je vous le promet. Je ne laisserai pas ce crime impuni.
Puis, après une courte pause, il se retourna vers son hôte.
- Allons-y Marchand. Fais moi rêver.