Prélude

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Ville portuaire de Lysra,
au sud du pays Croissant..

Chris, se leva d'un seul trait. Il étira les muscles de ses bras engourdis par le froid. Cela faisait trois heures qu'il n'avait pas bougé du journal sur lequel il était assis. Après l'avoir rapidement feuilleté le matin même, il en avait fait un dessous-fesse peu confortable qui constituait tout de même un rempart supplémentaire pour lutter contre le sol glacé du port de Lysra.

Il était arrivé voilà déjà quelques semaines et à part regarder désespérément le gobelet vide posé devant lui dont il se servait pour mendier, ses journées était de plus en plus redondante.

Il lui manquait encore 3000 Ecros. Avec cette somme, il pourrait enfin acheter une place aux passeurs du Granve et se rendre à Tarmaeelle, la ville dont il rêvait depuis plusieurs mois.

Là bas la nourriture ne serait pas plus facile à se procurer mais au moins les températures seraient plus clémentes que celles des nuits du pays Croissant.

Depuis toujours il vivait loin des constructions, institutions et autres privilèges et conforts que pouvaient s'offrir les Intégrés. Il avait quitté sa terre natale en quête de chaleur, sensorielle et humaine et s'était échoué dans la petite ville portuaire de Lysra, aux portes de son rêve, mendiant les derniers Ecros qui lui manquaient pour que les passeurs l'acceptent enfin sur l'une de leurs embarcations de fortune.



Île de Sinaï,
territoire neutre..

A l'instant où la herse se hissa, Aïma sentit son sang vrombir et parcourir chacun de ses vaisseaux. Le sens de l'expression "pression palpable" n'avait jamais était aussi limpide à ses yeux, la sueur ruisselait désormais sur ses tempes et ses avant bras tandis que la poussière s'agglutinait sur son visage humide et rougit par la chaleur. C'était pourtant un après midi relativement doux à Sinaï rapporté au normal saisonnière. Mais la tension accumulée ces derniers jours, le poids de l'équipement qu'elle arborait et la peur presque tangible de certains des hommes qui l'encerclaient faisaient du sas dans lequel ils étaient enfermés depuis bientôt une heure une véritable fournaise.

La dernière grille se fendit, et révéla à l'étrange rassemblement d'individus le lieu qui s'engorgerait bientôt de leur sang une fois leurs corps tombés dans la bataille.


L'arène d'Argin était une bâtisse bien particulière. Le sortilège qui protégeait la ville millénaire avait une contrepartie peu commune. Sinaï, devait son surnom de Carnassière a son besoin irrassasiable et atemporelle de sang pour maintenir sa protection et son hégémonie sur les cités voisines. On racontes, les soirs de fêtedans les tavernes,  que les rois Cairon avaient, en des temps immémoriaux annexés l'île de Sinaï pour y construire leur forteresse. Les légendes énonces qu'ils auraient passé avec les Dieux un marché redoutable.

En échange d'un "tribut de chaire" régulier, les divins se seraient engagé à anéantir tous les ennemis de la couronne. La maison Cairon devint alors rapidement une des  puissances maitresses du continent. Leurs l'influence irrigua toutes les terres mais suscita également nombres de jalousies et convoitises.

Les ennemies de la couronne se démultiplièrent et les Dieux tinrent parole. Il protégèrent la cité en bénissant de leurs pouvoirs ses fondations. Cependant il devinrent de plus en plus demandeurs et insatisfaits du tribut versé. Il leur fallut bientôt plus de sang, plus de chair et d'os broyés. Les Cairon étaient coincés, si ils arrêtaient de payer il perdaient la protection des divinités, ce qui signait la chute de leur maison.

Pour rassasier les Dieux, Argin Cairon, le jeune prince, fit bâtir l'arène et y envoya se battre qui y consentait. Prisonnier, esclave, renégat, soldat en quette de gloire, tous rassasièrent durant des siècles la soif des Dieux et confortèrent l'hégémonie des Cairon.

 A chaque nouvelle mort le sable de l'arène absorbait le corps mutilé du défunt pour nourrir le plus vieux champ de bataille de l'histoire.

La décharge d'adrénaline que reçu Aïma lorsque la dernière grille s'ouvrit pleinement la conforta dans son idée que sa place était bel et bien ici. C'était pour cette sensation qu'elle avait quitté le confort de la vie d'Argos, la capital du pays Croissant. Derrière elle, elle avait laissé sa famille, des amis, son travail et sa routine mais qu'importe. Enfin elle allait se sentir vivre.



Mont Pariâtre ,
extrême nord du Pariam..

Mira avait faim, en cette période de jeûne les journées paraissaient interminables. Si la lune ne se montrait pas ce soir, elle le savait, elle ne répondrait sûrement pas de ses actes. Voilà trois jours qu'une dépression atmosphérique couvait les temples du Pariâtre, créant une gigantesque masse nuageuse autour de la cité des Dieux. Si les vents de l'est ne se levaient pas urgemment les habitants de la ville sainte revivraient sûrement le cauchemar d'il y a quatre siècles et mourraient tous de faim avant les premières floraisons.

Mira détestait l'hiver. Non seulement il y faisait un froid glacial dans cette région reculée du monde mais en plus de cela le jeûne obligatoire imposé par les Paires rendait cette période de l'année effrayante.

Pourtant Pariâtre et ses temples majestueux méritaient amplement leurs nom de cité des Dieux. L'épaisse couche de neige qui nappait d'un manteau blanc les toits de la ville la rendait encore plus mirifique. Cependant ce n'était pas la beauté de l'hiver qui allait apaiser la faim de Mira..


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