Chapitre 1

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Je regardais le paysage défiler devant moi, mes écouteurs enfoncés dans les oreilles. Je soupira et me redressa sur mon siège. Je tira sur le fil des écouteurs pour les enlever et  croisa les jambes. Je secoua la tête et lança:

"J'arrive pas à croire que vous puissiez me faire ça."

Je porta mon regard sur le rétroviseur où je croisa le regard désolé de mon père:

" Je sais que c'était très dur pour toi d'abandonner tes amis et ton ancienne vie, mais nous devons revenir à Scottville!  Et puis, tu aimes cet endroit non? La dernière fois que nous étions venus, tu ne voulais plus repartir!

-J'avais treize ans!

-Peut-être, mais ce n'est pas comme si je te l'avais annoncé du jour au lendemain, cela fait des années que tu sais que d'aller en Californie était temporaire, maintenant il faut revenir dans ce bon vieux Kentucky!."

Je regarda ma mère, elle lisait tranquillement son journal, ses pieds vernis posés sur le tableau de bord, en train de siffloter un air qu'elle seule semblait connaître. Quel manque d'empathie! De plus, ma mère était toujours la première pour appuyer le fait qu'elle n'avait aucune envie de se terrer au fin fond du Kentucky, elle qui rêvait de grand boulevards et de glamour. Mon frère Evan dormait.  Jamais là pour me soutenir lui.

Je souffla avant de remettre mes écouteurs. J'avais grandi à Scottville (Kentucky) et à treize ans, mon père avait été permuté à Canyon Lake (Californie) du coup ma famille et moi sommes partis là-bas. Et trois ans plus tard, nous revenions à Scottville. Ce voyage devait durer trois ans, c'était prévu de base, mais je ne sais pas pourquoi, je n'étais toujours pas prête à revenir à Scottville.

Je stressais, c'était comme si j'avait tout à redécouvrir. C'était ma ville natale, pourtant je m'y sentais comme une inconnue.

Mon frère jumeau, Evan, prenait un peu mieux ce voyage puisque cela ne changeait rien pour lui, il n'avait pas d'amis à abandonner, ni d'autres à retrouver. Depuis la primaire il allait dans un pensionnat pour surdoué de l'autre côté des Etats-Unis, donc être en Californie ou au Kentucky ça ne changeait rien pour lui puisqu'il n'aurait pas vraiment vécu avec nous.

Et pour ne pas ramener plus de souvenirs, nous allions emménager dans la maison où j'avais grandis. Super.

Nous quittâmes l'autoroute et prîmes une voie qui s'enfonçait dans la forêt. Mon père passait tout le temps par la forêt quand il fallait se rendre à Scottville. En fait, nous faisions sûrement partie des seuls personnes à y pénétrer. Que ce soit à cause de vielles légendes urbaines ou une question d'habitude, personne n'y mettait les pieds. Ce que je trouvais vraiment dommage, d'ailleurs. Non seulement la forêt et les montagnes de cette région étaient magnifiques, mais en plus, en cherchant bien, on pouvait trouver des sources thermiques .

Je reposa ma tête contre la vitre. Le climat de cette ville m'avait manqué. La Californie est l'Etat le plus aride de tous les Etats-Unis, alors si il y avait bien quelque choses que j'étais ravie de retrouver, c'était l'humidité et le froid. En réalité, ce qui me faisait vraiment peur, c'était les gens. Changer de ville est assez perturbant comme ça, mais retrouver son ancienne ville est encore pire. En partant j'avais laissé plein de choses inachevées, pleins de choses en plan. Comme mes deux meilleures amies, a qui j'avais arrêté d'envoyer des messages après être partie. Je ne savais pas si elles m'en voudraient ou pas. Et c'était assez traumatisant, parce que ça pourrais être décisif pour mon intégration dans cette ville. Si elles me haïssaient, elles pourraient faire de ma vie un enfer. 

Je ne voulais pas y penser. Je tourna ma tête et regarda mon frère.

Malgré le fait que nous étions jumeaux, mon frère et moi étions totalement différents, autan physiquement que mentalement. Déjà, on était pas du tout proches. Je crois que c'est la distance qui avait fait ça. Avant qu'il ne parte dans son pensionnat pour surdoués, on était comme deux doigts de la main. Inséparables. Maintenant, j'avais l'impression qu'il était beaucoup plus mature que moi . Je pourrais facilement lui donner au moins deux voire trois ans de plus. Il était très grand et avait un corps d'homme, maintenant. Il avait des cheveux noirs comme l'ébène et des yeux bleus perçants. Et la peau pâle, aussi. Parsemée de minuscules tâches de rousseur. 

ScottvilleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant