24.

24.5K 1.9K 301
                                    

LA FEMME A TOUJOURS RAISON.

« Quand certaines sont pleine de haine et d'autres pleine de maux, elle, était tout simplement pleine d'amour.. »

Sans trop réaliser quoi que ce soit, Emre alla s'asseoir sur le canapé. Il ferma les yeux et se massa les tempes à son tour. La douleur qu'il ressentait au coeur, il ne l'avait ressenti qu'une seule fois auparavant.. Le trente mars de je n'sais quelle année à six heures du matin, lorsque la police l'attrapa chez lui - du moins chez ses parents - pour trafics. La déception et le dégoût qu'il avait vu dans le regard de son père, il venait de les revoir dans ceux de la femme qu'il aimait.. Il avait gardé un sale souvenir de cette sensation, mais il avait oublié à quel point elle pouvait être douloureuse. Sur une échelle de un à dix, il pouvait dire que sa souffrance variait aux alentours de cent. Désormais il se sentait mal - même si "mal" ne représentait qu'un dixième de comment il se sentait réellement -, il n'avait pas prévu que la situation prendrait cette ampleur. Il n'avait pas prévu qu'elle le sache.. En tout cas pas si tôt.

- T'es sérieux mec ? Relève toi va au charbon, c'est juste un cul qui vient d'se barrer c'est pas Rihanna, dit le Diable à sa gauche.
- Ferme ta mère un peu toi, lui répondit Emre intérieurement.
- Elle t'avais prévenu.., rajouta l'ange à sa droite..
- Ta mère à toi aussi, vos mères à vous deux, fermez là, pensa-t-il fortement en serrant les poings.

Petit à petit il réalisait qu'il l'aimait bien plus qu'il ne le pensait. Il l'aimait et il venait de la perdre. Il la connaissait plus que mieux, pas assez pour prévoir cette réaction mais trop bien pour savoir que s'il voulait la récupérer il allait bien ramer comme il fallait.. Des femmes à fort caractère il en avait connu, mais jamais des comme ça. Dans cette même situation, aucune n'étaient partie, aucune n'avaient répliqué, elles avaient seulement pleuré sur de tristes mélodies. Voilà pourquoi il était étonné, il pensait que sur ce point elle serait comme les autres..
Il courru comme jamais aller chercher son téléphone dans sa chambre et tenta d'appeler Assa - sans exagérer - une bonne trentaine de fois. Bien entendu, sur ces trente appels elle n'avait pas décroché une seule fois, bien qu'elle était arrêtée sur la bande arrêt d'urgence avec son téléphone entre les mains..

Pour elle, les dés étaient lancés depuis qu'elle avait passé la porte et démarré son bolide. Assise côté conducteur, le regard haineux, la lèvre du bas tremblante et des perles salées roulant sur ses joues, elle tenta de se calmer en inspirant et expirant le plus lentement possible. Elle finit par essuyer ses joues et souffla un bon coup. Assa avait été blessée, dans son estime, sa fierté, son ego.. Elle se sentait bête d'avoir consacré du temps à une telle personne, mais elle s'en voulait surtout de l'aimer comme une folle. Pour l'aimer ah ça oui elle l'aimait.. Impossible pour elle de passer cinq minutes sans penser à lui, lui qui faisait battre la chamade à son pauvre petit coeur..

Elle l'aimait sans trop savoir le montrer, mais il suffisait de la voir pour le comprendre. De voir comme elle prenait sa défense, comment elle parlait de lui, la façon dont elle le regardait, la manière dont elle lui souriait.
Dès qu'elle le voyait ses pupilles se dilataient comme celles d'un tox' face à la poudre et ils brillaient comme les yeux d'un enfant devant les illuminations de Noël.
Elle aimait tellement être avec lui, dormir dans ses bras, le câliner, l'embrasser, l'embêter, rigoler avec lui, regarder la télé, elle aimait même manger avec lui. Suffisait simplement qu'il soit là pour que tout aille mieux, que tout soit merveilleux.. C'était son homme, son Tony, son bad boy.

Sans hésiter elle aurait pu donner sa vie pour la sienne, purger sa peine au placard, reprendre ses "sales affaires" son "bail noir" comme elle disait. Assa aimait Emre d'un amour plus que sincère, mais là, son coeur était comme anesthésié - voir paralysé - par la douleur qu'elle ressentait.. C'est comme si on lui avait lancé une multitude de flèches et que son coeur en était la cible.
Quoi que, même si la situation peut prétendre le contraire, il l'aimait aussi. Et bien plus qu'on ne le pense.. C'était juste qu'il l'aimait à sa manière. C'est vrai qu'il n'était pas doué pour ce genre de choses, qu'il pouvait même être maladroit par moment - comme là par exemple - mais malgré ça il l'aimait de tout son coeur. Derrière toute cette masse de muscle il y avait un coeur, ce coeur c'était Assa qui l'avait et ça il en avait eu la certitude en la voyant partir avec des larmes qui coulaient sur son visage de femme.
Pourtant durant sa crise il n'avait rien dit, il ne l'avait même pas retenu, il l'avait laissé s'en aller, il l'avait laissé le quitter.. Sans un mot.

Assa reprit la route, même si elle ne savait pas où elle allait, elle continuait de rouler même si la nuit était tombée.. Au bout de la énième sonnerie de téléphone, elle finit par décrocher.

- QUOI ?! cria-t-elle.
- Faut qu'on s'explique vraiment arrête ! dit-il de l'autre bout du fil.
- MAIS VA TE FAIRE FOUTRE T'ENTENDS ?!
- DIS MOI OÙ T'ES ARRÊTE D'AVOIR DLA BOUCHE POUR RIEN !
- Sombre en Enfer, supprime mon numéro, et si jamais tu finis pas aux côtés de Satan, QUE LE VENT T'EMPORTE AUSSI LOIN QUE TES MENSONGES ET TES TROMPRIES ! *rires* J'vais faire de ta vie un vrai cauchemar, j'espère que t'es prêt, dit-elle avant de raccrocher.

Assa reprit la route même si les larmes ne cessaient de couler sur son doux visage et accentuaient son mal de crâne.. La vue embuée, mais surtout aveuglée par les feux de la voiture qui arrivait en face, Assa eu le réflexe de contre-braquer..

Et là.. C'était le drame.

Sa voiture fit un espèce de soleil avant de se retrouver retournée sur le côté, Assa étant toujours côté conducteur, mais totalement inconsciente. Avant d'en arriver là, elle vit d'abord sa vie défiler et c'est à ce moment précis qu'elle regretta un bon nombre de choses. Elle regretta d'être en mauvais terme avec son père, de ne parler que régulièrement à sa mère, de n'être qu'une simple vendeuse de prêt-à-porter, de peut-être quitter ce monde en dispute avec celui qu'elle aimait.. Les secours qui avaient été contactés quelques secondes plus tard arrivèrent assez rapidement. Elle fut mise dans le brancard après avoir été dégagée de sa voiture, quelques parties du corps en sang..

Emre qui faisait le tour de la Cité d'Or commençait à s'énerver et perdre patience jusqu'à ce qu'il reçu un appel.

- Allô ?!, hurla-t-il sans même regarder le numéro appelant.
- Faut que tu m'emmène à l'hôpital, elle a fait un accident, elle a fait un accident !! cria Aminata à l'autre bout du fil.

À cet instant précis son coeur s'était comme contracté, resserré sur lui même, à ce moment même c'était comme si on lui pressait ce précieux organe..

- T'es où ?
- À l'arrêt de bus du Centr..
- Bouge pas j'arrive, dit-il en la coupant.

Il parlait froidement mais il avait peur, encore plus peur que lorsque l'on attend ses résultats pour le SIDA, encore plus que pour ceux du bac, il risquait de la perdre là, maintenant, et c'était réel. Il avait peur de ne plus la revoir, de devoir aller à ses obsèques et déposer des fleurs sur sa tombe.. Emre donnerait tout pour ne pas en arriver là, parce qu'il n'en survivrait pas, jamais.

Pour faire de la vie d'Emre un cauchemar, s'en était bien un.. Au péril de sa propre vie, et ça, c'était pas prévu.

On fera ça bien.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant