Double Je - Aaron (Tome 1)

Chapitre 4 - Aaron

Je n'ai même pas le temps de terminer mon café que quelqu'un frappe à la porte. Je repose la tasse sur le plateau d'argent et me repositionne correctement dans mon fauteuil, les yeux rivés vers l'entrée de mon bureau.

– Entre,Jimmy.

Ce dernier ne se fait pas attendre et, à peine une seconde plus tard, je le vois s'insinuer dans la vaste pièce. Il n'a toujours pas perdu son sourire niais et je reste de marbre devant son faciès ridicule.

– Comment tu savais que c'était moi ?

Il s'approche d'un pas rapide et prend place sans même me demander la permission. Je porte une main à mon menton, laissant échapper un soupir.

– Je ne vais pas perdre mon temps à répondre à une question aussi stupide. Je t'écoute. Quel est ton ressenti sur le dossier Wallon ?

– Mon ressenti ? répète-t-il en gloussant. Je crois que nous avons toutes les cartes en main. Il suffit surtout de bien les jouer.

– Ah oui ? Et quelle est ta stratégie ?

Mes yeux quittent son visage insignifiant pour se poser sur sa cravate bleue à petits pois jaunes.

Comment peut-il porter cette horreur ? Tu n'as vraiment rien pour toi, mon petit Jimmy.

Mon regard remonte lentement et je le fixe de nouveau, sa réponse tardant à venir.

– Tu n'en as aucune, c'est ça ?

– Eh bien... Disons que j'en ai plusieurs mais je ne sais pas laquelle adopter. C'est plutôt un gros contrat et je n'ai pas envie qu'il nous file entre les doigts, si tu vois ce que je veux dire.

Son sourire disparaît et l'anxiété le gagne. Il pose alors sur mon bureau le dossier qu'il a dans l'une de ses mains et l'ouvre à la hâte, cherchant probablement un document précis. Je le regarde faire avec un air amusé.

Et voilà que tu perds toute ton assurance. La moindre difficulté te déstabilise. Je ne sais même pas comment j'ai pu faire de toi mon adjoint.

– Lis ça et dis-moi ce que tu en penses.

Il me tend une feuille et je la saisis sans plus attendre. Mes yeux la parcourent de long en large et je l'analyse rapidement avant de la poser en face de moi.

– Je crois surtout que tu as fait une belle erreur de calcul. Si tu leur annonces cette proposition, ils vont nous rire au nez et partir en nous traitant d'amateurs.

– Qu'en...Qu'en dis-tu de celle-là ?

Jimmy me montre un autre document. Je ne sais pas combien de grammes d'alcool il avait dans le sang quand il a travaillé sur ce projet, mais il manque de me laisser sans voix.

– C'est tout simplement pitoyable.

La seconde feuille vient alors rejoindre la première. Je la lance presque de rage sur le bureau. Mon adjoint se raidit sur son siège. Je le vois se décontenancer à vue d'œil et un sourire carnassier se forme sur mes lèvres.

– Je vais rattraper ton travail, Jimmy. Ne t'en fais pas. Accorde-moi la matinée et on en reparle au déjeuner.

– D'accord...

Il se lève et me lance un sourire maladroit avant de quitter mon bureau. Je me penche pour récupérer le dossier qu'il a laissé et y remets les deux feuilles précédemment sorties par ses soins.

Si je veux décrocher ce contrat, il faut que je reprenne tout depuis le début. Il en va de la réputation de mon entreprise.

Je tourne la tête et regarde la tasse sur le plateau. Je crois que je vais avoir désespérément besoin de caféine ce matin. J'attrape l'anse et porte le café à mes lèvres. La boisson est déjà bien trop tiède. Elle retrouve alors sa place et mon index presse le petit bouton qui se trouve à côté.

Une petite minute plus tard, on frappe à ma porte. J'invite la personne à entrer et je ne suis pas surpris de revoir Ashley. Je suis content de discerner un beau sourire sur son visage pendant qu'elle s'avance vers moi. Je vois qu'elle a bien compris la leçon.

Elle attrape le plateau et j'ai encore une fois une vue magnifique sur son décolleté.

– Désirez-vous un autre café, monsieur Craster ?

– Oui. Et je pense qu'il va m'en falloir beaucoup. Surtout, ne restez pas loin. Si je vous appelle, soyez là dans la minute.

– Bien, monsieur Craster.

Son sourire sonne faux. Je sais qu'au fond d'elle-même, elle me hait. Mais, je préfère de loin la voir comme cela. Ashley se doit de rester professionnelle si elle ne veut pas finir à la porte. Et sur ce point, elle sait que je peux me montrer vraiment intransigeant.