Chapitre 5 - Aaron

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Je regarde ma montre. Il est maintenant midi. L'heure pour moi d'aller déjeuner en compagnie de mon cher adjoint. Je referme le dossier sur lequel j'ai travaillé toute la matinée. Ma tête me fait souffrir. Peut-être que c'est à cause de la surdose de caféine.

Je quitte mon fauteuil et glisse le fruit de mon travail dans un porte-documents en cuir noir. Je sais d'avance que Jimmy restera bouche bée devant ma proposition. Il ne sera pas le seul d'ailleurs. Les clients que l'on doit rencontrer vont être enchantés. J'en suis persuadé.

Avant de sortir, je regarde la plaque en or posée sur mon bureau.

« Aaron Craster, PDG »

J'aime voir mon nom sur ce coûteux support. Mais un détail me tape immédiatement à l'œil. L'objet n'est pas positionné correctement. Je le remets droit d'un geste de la main avant de partir retrouver Jimmy dans le hall d'accueil.

– Tu es presque en retard, me lance ce dernier en tapotant le cadran de sa montre bon marché.

– J'adore tes plaisanteries. Je te ferai remarquer que l'on devait se retrouver ici dans cinq bonnes minutes. Ta mémoire te causerait-elle des soucis ?

Sans lui accorder le moindre regard, je me dirige vers la sortie de l'immeuble. Ashley nous a réservé une table dans un très bon restaurant français à quelques minutes de marche. Mon adjoint me suit et reste maintenant silencieux.

Un instant plus tard, nous atteignons l'établissement. Une charmante hôtesse nous accueille avec un sourire que je m'empresse de rendre.

Elle pourrait faire un en-cas plutôt sympathique.

La jeune femme nous emmène jusqu'à notre table au fond de la salle, à l'écart des autres clients. Plutôt satisfait, je m'assois et constate qu'Ashley a bien fait son travail, cette fois. L'environnement sera parfait pour notre discussion. Je remercie l'hôtesse d'un sourire ravageur et la vois rougir. Je me désintéresse alors d'elle et reporte mon attention sur mon adjoint. Il vient tout juste de prendre place en face de moi. Je pose mon porte-documents à mes pieds et attrape la carte que me présente l'employée.

– Puis-je vous proposer notre cocktail du moment, messieurs ?

– Est-il alcoolisé ?

L'inconnue ne perd en aucun cas son sourire pour répondre à ma question. Elle semble très professionnelle.

– Oui. Il est à base de tequila.

– Alors, non merci. Nous souhaitons rester parfaitement sobres lorsqu'il s'agit d'un déjeuner d'affaires.

Je vois la mine de Jimmy se déconfire. Il aurait aimé pouvoir répondre pour lui mais ma phrase ne lui laisse pas d'autre choix que de se taire. En réalité, je ne bois jamais d'alcool ou vraiment lorsque j'y suis obligé pour faire bonne figure dans les dîners mondains. Cela ne colle pas avec le mode de vie sain que j'ai choisi.

Jimmy est tout le contraire de moi. Même si nous arrivons tous deux à la fin de la vingtaine, on pourrait, sans aucun problème, lui donner dix années de plus. Je sais qu'il peine à cacher son petit ventre bedonnant avec ses chemises mal taillées.

Revenons à la charmante hôtesse. Cette dernière semble quelque peu gênée par le ton ferme et le regard glacial que je lui envoie. Elle s'aperçoit alors qu'elle n'est pas indispensable à notre table et s'écarte d'un pas en arrière.

– Je vous laisse choisir vos plats. N'hésitez pas à demander s'il vous faut quoi que ce soit.

Elle me lance un dernier sourire et disparaît un peu plus loin. Je la regarde partir de sa démarche chaloupée. Elle est définitivement sexy dans son tailleur cintré. Il faudra que je me débrouille pour avoir son numéro.

– Aaron ?

La voix de mon adjoint me tire de ma rêverie. Je reviens à la réalité et le regarde rapidement avant de plonger le nez dans mon menu sans lui répondre. Jimmy ne relève pas et il finit par faire de même.

Je me décide après une poignée de secondes. La jolie hôtesse revient à notre table, un carnet de commandes à la main.

– Avez-vous choisi, messieurs ?

Je plonge mes yeux bleus dans les siens et elle me fixe intensément. Il y a cette lueur dans son regard. Je suis sûr qu'elle a envie de moi.

– Je vais prendre les noix de St-Jacques aux agrumes.

En disant ces mots, je lui tends le menu qu'elle attrape d'une main quelque peu tremblante. Son assurance commence à flancher. C'est plutôt bon signe. Je vois qu'elle a du mal à me quitter des yeux mais comme elle fait correctement son travail, elle reporte son attention sur Jimmy :

– Et pour vous monsieur ?

– Un tournedos Rossini, s'il vous plaît.

– Vous désirez quelle cuisson ?

– Plutôt saignant. Merci à vous.

Je m'adosse contre ma chaise et contemple Jimmy. L'hôtesse a l'air également de lui plaire mais je sais qu'il n'a aucune chance avec elle. Elle est bien trop jolie pour s'intéresser à lui.

– Que désirez-vous boire ?

Je ne la regarde pas. Sa voix caresse mes oreilles. Je la trouve agréable et incroyablement sensuelle. La température semble commencer à grimper de quelques degrés.

– De l'eau plate, répond Jimmy. Ce sera parfait.

Je suis satisfait. Mon adjoint a compris le message. Il avait insisté pour avoir une petite bouteille de vin lors de notre précédent déjeuner. Mais je suppose que les remontrances que je lui avais faites trottent encore dans un coin de sa petite mémoire.

L'hôtesse quitte une nouvelle fois notre table de sa démarche aguicheuse. J'en arrive presque à perdre ma concentration.

Garde cela pour plus tard, Aaron. Ta seule et unique priorité du moment est l'affaire Wallon.

J'attrape mon porte-documents et le pose sur la table à côté de moi. Je sors le dossier que j'ai finalisé et le présente à Jimmy. Il le prend entre ses mains et, au moment où son regard se pose sur mon projet, ses yeux s'écarquillent d'émerveillement.

Laisse place au vrai professionnel, Jimmy.

Je le contemple avec satisfaction. Il tourne les pages silencieusement et je vois sa mine se réjouir au fil de sa lecture.

– C'est prodigieux ! Mais où as-tu trouvé toutes ces idées ?

Il relève son visage rondouillard, l'air admiratif.

– Cela n'a pas d'importance. La seule chose qui compte c'est que grâce à mon travail, nous allons remporter ce contrat. Je t'en donne ma parole.

Et comme à mon habitude, j'allais encore une fois avoir raison. Le lendemain, nos clients apposèrent leurs signatures tant attendues au bas du contrat.

Double Je - Aaron (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant