Chapitre 1

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Erinn défit sa queue de cheval. Celle-ci se déroula sur sa nuque et le haut de son dos de la même manière qu'une cascade coulerait, se succédant à elle-même. Elle leva les yeux au ciel puis soupira profondément. Elle se demanda ce qu'elle faisait là mais ne voulait plus y penser. Elle secoua la tête comme pour repousser cette pensée au plus profond d'elle-même et s'attarda sur le paysage qui défilait à la fenêtre.

Un train, elle était dans un train. Elle ne partait ni en vacances, ni dans sa famille. Enfin si en quelque sorte. Elle allait assister à l'enterrement de son père. Elle espérait que cela se passerait aussi vite qu'elle apercevait les arbres dehors, plantés en rangées interminables. Avant même d'avoir eu le temps d'y penser, le train fit résonner ses freins aigus sur les rails.
Elle était arrivée à destination.
" Bienvenue à Castel-les-prés ! " se disait-elle.

Elle descendit du train en sautant la dernière marche mais son sac se coinça dans la porte du train. Depuis le quai, elle tirait dessus pour le libérer. Elle finit par y arriver mais le pauvre sac s'était abimé. « Ça commence bien ! » grogna-t-elle. Elle n'avait jamais apprécié ce village. Il y faisait toujours mauvais temps, les habitants étaient pour la plupart, malpolis et se mêlaient toujours de tout. Cela l'énervait au plus haut point.

Marchant de la rue à l'église, elle croisa une dizaine de personnes. Elle prit soin de dire bonjour à chacune d'entre elles mais seulement deux femmes lui répondirent et celles-ci avaient plus l'air de touristes que d'habitantes. Elle recommença à soupirer et à lever les yeux au ciel. Habillée de noir, et réajustant ses cheveux et sa robe une dernière fois, elle franchit la dernière marche permettant d'atteindre la place de l'église. Elle attendit quelques minutes puis vit le cercueil arriver, porté par quatre hommes. Ils entrèrent dans l'église. Certaines personnes dont elle ignorait l'existence étaient déjà installées sur les bancs. Elle prit place au dixième rang près du couloir. Le plafond, comme dans d'autres églises était haut et une fresque y était peinte. De nombreuses colonnes blanches immaculées peuplaient l'église de manière régulière et symétrique. Quelques minutes plus tard, le prêtre fit son entrée. Il commença à parler : " Nous sommes ici réunis... " Après quelques mots seulement, Erinn avait déjà décroché. Plus le temps avançait, plus les personnes présentes se mettaient à pleurer les unes après les autres. Quant à Erinn, elle avait l'impression de ne rien ressentir à l'égard de la mort de son père. Elle était là car elle s'y sentait obligée. Elle n'avait jamais été proche de lui. Il les avait abandonnées, sa mère et elle quand elle était toute petite. Il était parti puis s'était ensuite mis en couple avec une autre femme et n'avait donné que quelques nouvelles depuis et cela jusqu'à sa mort, trois jours auparavant, à la suite d'un accident de voiture. Il lui arrivait de penser qu'il avait peut-être mérité celle-ci, même si, après chacune de ces pensées, elle le regrettait toujours aussitôt. C'était quand même son père après tout, même si elle ne l'avait jamais considéré comme tel. Elle laissa s'échapper une larme de son œil droit. Le prêtre mit fin à la cérémonie et elle prit congé de ce bourdonnement de pleurs incessants.

Elle avait besoin de penser à autre chose. Elle alla donc s'asseoir au bar du coin afin de boire un café. Elle s'assit, commanda, et une fois servie, passa son petit doigt dans l'anse de sa tasse fumante. Elle souffla tout doucement sur son café allongé puis risqua sa langue dans celui-ci. Une chaleur rassurante pénétra sa bouche et elle appréciait, comme à son habitude, cet instant, ce goût amer. Elle s'était presque toujours connue buvant du café. Du moins, elle avait commencé très jeune. Au début, c'était pour faire
" comme maman ", puis elle avait ensuite apprit à apprécier le café.
Elle commença à rêvasser, pouvant maintenant réellement imaginer une vie sans son père, ce qui était quasiment déjà le cas, c'est vrai. Elle sortit un roman de son sac et débuta sa lecture mais une voix l'en tira :

- Est-ce que je peux emprunter la chaise en face de la votre ou est-ce que vous attendez quelqu'un ? demanda un jeune homme charmant tenant une tasse de chocolat chaud à la main.
- Je n'attends personne. Vous pouvez la prendre, affirma Erinn avec un sourire.
- Merci, répondit l'homme.

Malheureusement, celui-ci se prit les pieds dans la chaise et tomba à la renverse en prenant soin de jeter son chocolat particulièrement brûlant sur le col de la chemise d'Erinn et sur son roman également.

À fleur de peauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant