Chapitre 3

1.3K 165 13
                                    

Ana était à présent tout à fait immobile. Elle mobilisa tous ses sens dans l'espoir vain de déceler qu'une preuve d'une présence à ses cotés se dévoilerait. Mais rien ne semblait troubler la quiétude du lieu si ce n'est le sifflement de sa respiration hachée. Elle déglutit difficilement et ferma brièvement ses paupières avec force, essayant de se départir du sentiment d'urgence qui lui tordait les entrailles et l'empêchait de réfléchir. 

Mais ce fut une nouvelle fois un échec. Elle sentait que le froid qui avait pris possession de ses membres n'était pas dû au hasard. Elle posa son panier au sol et l'échangea contre une pierre plutôt lourde mais assez petite pour la dissimuler dans sa paume. Peut-être qu'ainsi elle pourrait frapper plus fort si on venait à s'en prendre à elle. Son geste était dérisoire, mais que faire de plus ? Elle ne pouvait se résoudre à abandonner sans même riposter. Elle tourna sur elle-même, ses yeux fixés sur les profondeurs boisées, scrutant les ombres pour déceler celles humaines. Un mouvement plus appuyé que les autres la fit tressaillir. Cela ne pouvait être le fait d'un animal sauvage, encore moins celui du vent. Désormais elle était certaine que quelqu'un l'épiait et se cachait d'elle. Elle resserra sa prise sur la roche, égratignant sa peau. La douleur, bien que légère, fit émerger l'adrénaline.

L'ombre qui lui avait paru salutaire lorsqu'elle avait pénétré la forêt lui paraissait désormais bien inquiétante. La relative obscurité la rendait aveugle au danger, incapable de réfléchir à ce qu'il convenait de faire. Elle hésitait, tiraillé entre son désir de s'avancer au devant du danger pour qu'il se dévoile enfin et celui de fuir le plus loin possible. Des deux options, elle se dit que la seconde était sûrement plus prudente. Elle n'avait aucune chance dans un combat au corps à corps. Bien que finement musclé par ses longues marches, son corps restait celui d'une jeune fille trop peu nourrie. En revanche elle était rapide. 

Certes elle ne le serait pas longtemps. Son corps battait déjà bien trop vite alors qu'elle était immobile, elle ne se laissait pas plus de quelques minutes avant de devoir s'arrêter. Mais ses connaissances de la forêt pourrait lui permettre de trouver une cachette. Ensuite il lui suffirait de sortir du bois sans se faire remarquer et de regagner les portes de la ville où elle ferait appel aux gardes. Certes ce ne serait pas facile, il y avait même peu de chance pour que cela marche mais elle voulait y croire. Cela restait possible. Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas rester là... Elle fit un effort pour calmer les pulsations désordonnées de son cœur et respira profondément.

Le silence fut brisé lorsqu'elle s'élança en avant.

Malgré le vent qui sifflait à ses oreilles la jeune fille entendit clairement les buissons se déchirer, suivi de près par le bruit de cavalcade de ses poursuivants. Elle ne s'était pas trompée, elle était bien suivie. Et plus inquiétant encore ce n'était pas un homme seul, ils étaient plusieurs sur ses talons.

Refusant de se retourner pour constater la longueur de son avance qu'elle sentait bien maigre, elle laissa choir ses sabots, profitant de l'aisance que lui offrait ses pieds nus pour forcer l'allure. Elle était d'une incroyable agilité, son corps mince épousant à la perfection les courbes et les creux de la forêt. Elle bondissait au dessus des racines, évitait avec grâce les branches basses qui auraient dû freiner sa course et se riait des pierres qui roulaient sous ses pas. Elle était vive, aérienne, tout comme la brise qui accompagnait sa course. Sa fuite n'aurait pu être plus rapide. 

Mais Ana sentait son cœur tambouriner dans sa poitrine rendant chaque respiration plus douloureuse que la précédente. Son souffle s'épuisait et les minces filets d'air atteignant encore ses poumons meurtrissaient sa gorge en feu. Elle serra les dents, luttant contre la souffrance qui avait pris possession de son corps. Elle trébucha et se rattrapa de justesse en plaquant ses paumes sur l'écorce rugueuse d'un chêne. Haletante, elle se glissa derrière l'arbre et appuya son dos contre le tronc. Ses jambes tremblaient et elle hésita à se laisser glisser sur le sol pour les soulager. Mais la peur ne l'avait pas quitté. Elle savait qu'ils n'étaient pas loin. Ses paupières closes, elle laissa son ouïe devenir le centre de son être captant tout ce qui pouvait lui paraître inhabituel ou suspect. Elle repéra le craquement caractéristiques des branches qu'on foulait sur sa droite à quelques dizaines de mètres de sa personne. Le plus silencieusement elle fit quelques pas dans la direction opposée avant de remettre à courir, faisant fi momentanément de la brûlure de ses muscles.

Elle ne s'était pas éloignée de plus de quelques foulées quand un brusque mouvement à l'extrémité gauche la surprit et la fit tomber. Le choc fut violent, se répercutant de sa hanche à son épaule, faisant claquer violemment ses dents les unes contre les autres. Elle ne dû la protection de son visage qu'à un prodigieux réflexe qui la fit se protéger de ses bras. Légèrement sonnée, elle resta quelques secondes immobile, le souffle court, tentant de reprendre ses esprit. Elle posa ses mains au sol et releva la tête, posant ses yeux sur la silhouette qui marchait vers elle. Elle ne put retenir un sursaut lorsqu'elle reconnut l'homme des quais. Il approchait les mains tendues vers elle, bien en évidence comme si il ne voulait pas l'effrayer. 

C'est un peu tard pour ça

Il était grand, bien plus que la jeune fille pourtant de taille moyenne, et l'écrasait de toute sa hauteur. Ana doutait d'avoir déjà vu un homme avec tant de prestance. Elle ne savait si cela tenait à l'imposante épée qu'il portait le long de sa jambe gauche ou au vert sublime de ses yeux. Plongeant dans ce regard si clair, la jeune fille frissonna longuement. Un grand froid se logea dans sa poitrine, compressant sa poitrine. Il ne devait pas avoir plus de quelques années de plus qu'elle, cinq tout au plus, mais contrairement à elle les traces d'une quelconque innocence enfantine avait déserté les traits de son visage. Ses cheveux sombres contrastaient étrangement avec l'opalescence de sa peau, rehaussée par la couleur si particulière de son regard si froid.

Ana était terrifiée. Bien plus encore que lors de sa course. La découverte de son agresseur avait figé son esprit dans une sorte de langueur tétanisante qui entravait tout mouvement. Mais lorsqu'il ne fut plus qu'à quelques pas d'elle, tout son corps se révolta et un répulsion aussi violente qu'incompréhensible la fit reculer vivement, toujours au sol. Elle fit volte-face et se rua tête baissée afin de fuir cet homme qui la terrorisait pour elle ne savait quelle obscure raison. Elle sentit sa main effleurer son épaule mais elle lui échappa d'un coup de rein souple. Sa course était désormais désordonnée, poussée plus par le désespoir que par l'instinct de survie. Ses foulées avait perdu en légèreté et la douleur de ses côtes se faisait insoutenable. De plus elle le sentait de plus en plus proche. Elle avait la désagréable impression d'être cette petite fille qu'elle voyait si souvent en rêve, piégée dans une réalité qu'elle ne pouvait accepter. Tentant de chasser le regard perdu de la fillette qu'elle avait l'impression de connaitre plus qu'elle-même l'inévitable se produisit. 

Sa cheville céda sous son poids, la précipitant vers le sol. Perdue, elle ne sut réagir. Sa tête fut la première à entrer en collision avec la roche, son crâne résonnant sous l'impact. Elle perdit connaissance avant même de toucher le sol.

_________________________________________

Note d'auteur :

Bonsoir à tous ! Alors voilà un chapitre un peu plus court que les précédents, mais il y a à cela plusieurs raisons : J'ai eu une semaine chargée ce qui ne m'a pas laissé le temps d'énormément écrire mais je voulais vous poster un chapitre d'ici la fin de la semaine malgré tout. Il y a aussi le fait que cette coupure me va très bien là où elle est, cela vous permettra de vous poser des questions sur la suite de l'intrigue et sur ce mystérieux poursuivant !

Comme toujours si vous avez des suggestions, des conseils ou des critiques je suis preneuse ! J'espère que vous aurez apprécié ce chapitre, certes court, mais que j'espère intense.

Bisou !

AnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant